Alors que le département du Rhône a été placé en vigilance jaune canicule par Météo France à partir du mercredi 13 juillet, la persistance particulière des grandes chaleurs dans la région lyonnaise interpelle inévitablement. La métropole fait en effet partie de celles qui ont connu la plus forte hausse des températures durant ces dernières décennies. Résultat, son climat serait au niveau de celui de Montélimar… il y a 30 ans. Une tendance qui n’est pas près de s’inverser et dont les incidences sur notre santé inquiètent déjà le corps médical. Le point.
Après un épisode déjà pénible en juin, la canicule reprend ses quartiers en ce mois de juillet étouffant. Dans des proportions quasi inégalées, et qui ont toutes les chances de devenir courantes, voire de s’amplifier dans les années à venir.
Difficile, en l’occurrence, de ne pas pointer le réchauffement climatique. “Depuis 2015, on constate un tournant avec des étés beaucoup plus chauds, avec des épisodes de canicule, mais aussi de sécheresse, presque chaque année. Nous n’en avons pas la preuve scientifique, mais il y a de fortes chances pour que le réchauffement climatique en soit la cause”, explique Romain Weber, météorologue à Lyon Météo.
Le Rhône fait partie des départements français à avoir été placé en vigilance jaune canicule par Météo France ce mercredi 13 juillet. Ce n’est pas encore le niveau orange, comme dans sept autres départements dont l’Ardèche et la Drôme. Mais ce classement montre bien que la région lyonnaise fait partie des territoires en surchauffe. Lyon serait même, selon l’élu métropolitain à l’environnement Pierre Athanase, “la ville européenne où les températures ont le plus augmenté ces dernières années”.
Un constat un brin effrayant, que confirme Romain Weber : “si ce n’est pas la première, Lyon fait clairement partie des villes les plus touchées. En France, c’est là que la hausse des températures a été la plus forte”. La température moyenne, qui de 1981 à 2010 était de 12,6°, dépasse aujourd’hui les 13°. Lyon a donc gagné 0,6° et son climat ressemble à celui de Montélimar il y a 30 ans. Conséquence, le nombre de jours de gels diminue (moins de dix par an) quand les pics de chaleur augmentent (au moins 7 jours par an à plus de 30°).
Canicule à Lyon : la topologie et l’urbanisation en cause
Pour savoir pourquoi Lyon caracole en tête de ce classement caniculaire, il faut d’abord se pencher sur la topologie de son bassin. La métropole se situe au bout de la vallée du Rhône, et le vent s’accentuant, les jours de pluie se font moins nombreux. Le climat méditerranéen remonte plus facilement la vallée du Rhône, favorisant les épisodes de sécheresse. Alors que les Monts du Lyonnais forment une barrière contre laquelle se fracassent les précipitations venues de l’ouest, les chaînes de montagne, à l’est, amplifient le phénomène de cuvette et, incidemment, la hausse des températures.
Autre explication, un aménagement du territoire inadéquat. “Cette hausse particulière des températures à Lyon est aussi due à un manque énorme d’espaces verts”, livre Romain Weber. “Il n’y en a pas assez pour contrer le phénomène. Et les deux plus grands parcs, ceux de la Tête d’Or et de Parilly, se situent en périphérie”. L’urbanisation future, et c’est ce à quoi se sont engagés les nouveaux élus écologistes, devra donc passer par une forte végétalisation. “La végétation, c’est la clé, mais elle faut qu’elle soit résistante et peu consommatrice en eau”, annonce le météorologue lyonnais, loin d’être confiant pour l’avenir.
Le phénomène va s’amplifier dans les années à venir
“Cela s’accélère…”, indique-t-il au sujet de l’affolement du mercure. L’année 2022 bat déjà des records : le mois de mai a été le plus chaud de l’histoire lyonnaise (19,2° de moyenne, contre 15 habituellement). Juin fut dans la même veine et juillet suit la tendance (lire A SAVOIR). Les prochaines années, c’est une certitude, nous promettent de nouvelles surchauffes estivales, en nombre toujours plus conséquent. “Selon moi, on ne peut plus arrêter ce réchauffement climatique et il va falloir vivre avec. Nous devons changer notre manière de vivre, totalement inadaptée aux fortes chaleurs. Certains pays y parviennent, pourquoi pas nous ?”
Cette question ne trouvera sa réponse qu’au cœur d’une vraie prise de conscience, partagée autant par la population que par les pouvoirs publics. Car elle soulève aujourd’hui un véritable enjeu de santé publique. “Cette hausse des températures et des épisodes de canicule, nous la mesurons dans nos cabinets, notamment au niveau des personnes vulnérables. Mais ce sont surtout les urgences qui sont touchées”, concède le Dr Claire Berlioz, généraliste à Millery (Rhône) et cofondatrice du collectif Peps’l, qui regroupe des professionnels de santé inquiets des conséquences de la dégradation de l’environnement sur la santé.
Urgences débordées et mortalité en hausse
La canicule de 2003, avec 15 000 décès en France et 70 000 en Europe, avait marqué les esprits. L’histoire, depuis, s’est répétée. “Durant celle de 2018, 40 millions de personnes ont été exposées à des températures au-delà des seuils d’alerte. On a recensé en France 5000 passages aux urgences et 1500 décès directement imputables entre le 24 juillet et le 8 août, dont quatre sur des chantiers. La hausse de la mortalité est réelle durant ces périodes-là. C’est d’autant plus inquiétant que notre système de santé est déjà dégradé et saturé. Il n’arrive plus à intègre le flux habituel de patients. Et il fait face cet été au double cumul de la canicule et de la septième vague de Covid”.
“Enrayer la catastrophe qui se prépare”
Selon le Dr Berlioz, les effets de la chaleur ont clairement un retentissement sur la santé (lire le détail dans cet article). De manière directe, entre coups de chaleur et déshydratation parfois mortelle, et indirecte, avec une hausse des risques de pathologies graves, de la pollution, des pandémies… “Et ce pour toute la population, et pas uniquement les enfants, personnes âgées et malades chroniques”, précise-t-elle.
Si l’humanité a toujours su évoluer, le changement climatique actuel serait trop brutal pour permettre une acclimatation. “A la vitesse à laquelle les températures progressent, l’être humain n’aura pas le temps de s’adapter”, prévient le Dr Berlioz. “Selon le rapport du GIEC*, nous serons à +1,5° d’ici 2030. Et son scénario le plus pessimiste prévoit une hausse de +5,7° à la fin du siècle. Comment s’adapter en si peu de temps, alors que l’on a déjà du mal avec une hausse de +1,1° ? Il faut une prise de conscience massive pour modifier nos comportements et essayer d’enrayer la catastrophe qui se prépare”
En attendant, l’observance de gestes simples permettra à court terme d’atténuer la pénibilité des épisodes caniculaires. Reste à savoir si ces précautions ne deviendront pas quotidiennes, d’ici quelques années…
*Groupe d’experts intergourvernemental sur l’évolution du climat
À SAVOIR
7 départements français ont été placés en vigilance orange canicule le mardi 12 juillet. Il s’agit de la Drôme, de l’Ardèche, de la Gironde, de la Garonne, de la Haute-Garonne, du Tarn et du Tarn-et-Garonne. 23 autres départements sont en vigilance jaune canicule, dont le Rhône, l’Isère, la Savoie et la Haute-Savoie. La situation évolue vite et cette carte va certainement bouger dans les prochains jours. La vague de chaleur qui a débuté ce mercredi 13 juillet va en effet s’intensifier. Le pic de température est attendu pour lundi prochain, avec des pointes à plus de 40°.
Je ne savais pas que la santé des habitants de Montélimar était si compromise !