Le cannabidiol, plus communément appelé CBD par ses consommateurs, a beau être prisé pour ses effets relaxants, il peut interagir avec de nombreux médicaments. C’est ce que révèle dans un rapport du 11 mars 2025 l’Agence nationale de sécurité du médicament, qui met en garde contre ces interactions susceptibles d’altérer l’efficacité des traitements ou provoquer des effets secondaires graves. Explications.
De plus en plus populaire, le cannabidiol (CBD) est vendu sous forme d’huiles, de tisanes, de gélules, de bonbons et même d’e-liquides pour cigarette électronique. Il est souvent présenté comme un produit naturel aux effets relaxants. Mais attention : naturel ne veut pas dire sans danger.
Le CBD n’est pas un médicament, et il peut perturber l’action de nombreux traitements. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), 58 cas d’interactions médicamenteuses avec le CBD ont été signalés aux centres antipoison entre 2017 et 2023, dont 4 cas graves recensés entre 2021 et 2022. Et ce chiffre serait largement sous-estimé.
Pourquoi le CBD modifie-t-il l’effet des médicaments ?
Le CBD est métabolisé par le foie, grâce à des enzymes spécifiques appelées cytochromes P450. Le problème ? Le CBD peut ralentir ou accélérer cette élimination, et modifier la concentration des médicaments dans le sang. Deux situations peuvent alors se produire :
- Le CBD ralentit la dégradation du médicament : il reste plus longtemps dans l’organisme, ce qui augmente son effet et ses effets secondaires. Dans certains cas, cela peut entraîner un surdosage.
- Le CBD accélère l’élimination du médicament : son efficacité est alors diminuée, et le patient risque de ne pas être suffisamment protégé par son traitement.
Ces interactions sont d’autant plus préoccupantes qu’elles concernent des médicaments utilisés pour traiter des maladies graves, comme l’épilepsie, les troubles cardiaques ou encore les traitements anticoagulants.
Quels médicaments sont concernés ?
Les médicaments à risque élevé
L’ANSM alerte sur plusieurs catégories de médicaments particulièrement sensibles aux effets du CBD.
- Anticoagulants (warfarine, fluindione, dabigatran) : risque d’hémorragie en cas de surdosage.
- Antiépileptiques (valproate, clobazam, lamotrigine) : le CBD peut amplifier leurs effets sédatifs ou, à l’inverse, les rendre moins efficaces, augmentant le risque de crises.
- Immunosuppresseurs (tacrolimus, évérolimus) : une mauvaise régulation de ces médicaments peut entraîner un rejet de greffe.
- Hypnotiques et anxiolytiques (lorazépam, zolpidem) : le CBD peut accentuer leur effet, provoquant une somnolence excessive et un risque accru de troubles respiratoires.
- Antidépresseurs (citalopram, amitriptyline, escitalopram) : une interaction avec le CBD peut aggraver les effets sédatifs et affecter l’humeur.
Autres médicaments pouvant être affectés
- Médicaments pour la thyroïde (lévothyroxine) : un déséquilibre hormonal peut apparaître en cas de modification de l’assimilation du traitement.
- Antidiabétiques (répaglinide) : risque d’hypoglycémie.
- Statines et hypolipémiants (fénofibrate, gemfibrozil) : une augmentation de leur concentration dans le sang peut entraîner des douleurs musculaires et des atteintes hépatiques.
La liste des médicaments potentiellement concernés est loin d’être exhaustive, et d’autres interactions sont encore à l’étude.
Quels sont les signes d’une interaction ?
Les interactions entre le CBD et un médicament peuvent passer inaperçues au début. Pourtant, certains signaux doivent alerter :
- Une fatigue excessive ou des vertiges inexpliqués.
- Des troubles digestifs (diarrhées, nausées).
- Des maux de tête inhabituels.
- Un effet du médicament qui semble plus fort ou, au contraire, moins efficace.
- Des changements d’humeur, voire des idées noires.
- Chez les personnes épileptiques, des crises mal contrôlées.
Si l’un de ces symptômes apparaît, arrêtez la consommation de CBD et consultez un médecin sans attendre.
Comment concilier CBD et traitements médicamenteux ?
Que faire si l’on prend des médicaments et que l’on souhaite consommer du CBD ?
Avant d’utiliser du CBD, il est recommandé d’en parler avec son médecin ou son pharmacien. L’auto-médication peut être risquée, surtout si l’on suit déjà un traitement.
Certains médicaments nécessitent un suivi médical précis lorsqu’ils sont associés au CBD, afin d’ajuster les doses si besoin. Même si l’on consomme du CBD depuis longtemps sans effet indésirable, un nouveau médicament peut interagir avec lui et provoquer des réactions inattendues.
Les professionnels de santé appelés à la vigilance
Face à la banalisation du CBD, l’ANSM rappelle aux professionnels de santé leur rôle d’information et de prévention.
- Les pharmaciens doivent alerter les patients sur les risques d’interactions et les orienter vers un médecin en cas de doute.
- Les médecins doivent systématiquement interroger leurs patients sur leur éventuelle consommation de CBD avant de prescrire un traitement.
Le CBD est souvent perçu comme une alternative naturelle aux médicaments, mais il ne doit pas être pris à la légère. Son interaction avec de nombreux traitements peut compromettre leur efficacité et entraîner des effets secondaires graves. En cas de doute, mieux vaut se tourner vers un professionnel de santé plutôt que de prendre un risque inconsidéré.
À SAVOIR
Selon une étude de Santé publique France publiée en 2022, 16,4 % des Français âgés de 18 à 75 ans déclarent avoir consommé du CBD au moins une fois dans leur vie, et 10 % en ont consommé dans l’année.