Un jeune homme chez son psychologue cinq ans après le début de l'épidémie de Covid-19.
Les jeunes forment la population la plus impactée sur le plan de la santé mentale, depuis le début de la crise sanitaire. © Freepik

Il n’a jamais été autant question de santé mentale que depuis le début de la crise sanitaire, il y a cinq ans. On le sait, le début de la pandémie et l’entrée en confinement, le 17 mars 2020, ont été les déclencheurs d’un phénomène qui s’est accentué, révélant toujours un peu plus l’étendue du mal-être qui ronge les Français depuis plusieurs années, bien avant le Covid. Les explications de Souad Cousinier-Lazaar, psychologue clinicienne à Lyon et invitée de l’émission Votre Santé du 18 mars 2025.

Il y a cinq ans, le 17 mars 2020, les Français étaient confinés en raison de l’épidémie de Covid-19. Cette période a accentué comme jamais les problématiques de santé mentale, jusqu’ici jacentes en France. On s’est en effet rapidement rendu compte que les conditions du confinement, entre isolement, peur du virus et ralentissement de l’économie, avaient servi d’étincelle à bon nombre de situations psychologiques compliquées.

Les Français, depuis cinq ans, ne vont pas bien. Ils n’allaient déjà pas fort avant la pandémie, mais leur mal-être s’est donc copieusement accentué, notamment chez les jeunes. Quelles en sont les raisons ? Où en est-on cinq ans après ? Les Français commencent-ils à aller mieux ? Les réponses de Souad Cousinier-Lazaar, psychologue clinicienne à Lyon, sur le plateau de l’émission Votre Santé, le mardi 18 mars 2025 sur BFM TV Lyon.

Avez-vous encore des patients qui viennent vous voir à cause de problématiques liées au Covid ?

Effectivement, le Covid a été une épreuve très douloureuse qui a marqué profondément les individus. Ce fut une crise inédite, un choc brutal. Certaines personnes ont réussi à se relever, à avancer, à dépasser cette épreuve, tandis que d’autres gardent des séquelles, des difficultés psychologiques encore actuellement.

La santé mentale des Français allait-elle déjà mal avant le Covid ?

Victoria Solano (BFM Lyon), la psychologue Souad Cousinier et Philippe Frieh (Ma Santé) sur le plateau de l'émission Votre Santé.
Victoria Solano (BFM Lyon), la psychologue Souad Cousinier et Philippe Frieh (Ma Santé) sur le plateau de l’émission Votre Santé.

Avant le Covid, des études ont été menées et ont montré que les Français n’étaient pas en bonne santé mentale. En 2017, une étude a révélé qu’il y avait une forte anxiété, des épisodes dépressifs majeurs et une augmentation des consultations psychologiques.

Ensuite, le Covid en 2020 a amplifié ces difficultés. J’ai d’ailleurs quelques chiffres : environ 30% des Français ont déclaré des symptômes anxieux-dépressifs post-Covid, contre 10% avant le Covid.

Comment notre état psychologique a-t-il été fragilisé ?

Le confinement, bien évidemment, avec les restrictions sanitaires, les difficultés, un contexte très anxiogène, des médias qui ont également relaté la réalité des hôpitaux, le dénombrement des morts… Il y avait vraiment un contexte extrêmement difficile, extrêmement anxiogène. L’incertitude au niveau économique, qui se rajoutait déjà à l’anxiété liée aux enjeux environnementaux, c’était très particulier.

Cinq ans après, quels sont les principaux troubles auxquels vous êtes toujours confrontée ?

Les motifs de consultation actuels sont la dépression, caractérisée par une forte tristesse, des idées parfois noires, des idées suicidaires, des troubles anxieux assez importants avec une préoccupation pour l’avenir, des scénarios assez catastrophiques.

On retrouve également une augmentation des troubles alimentaires chez les jeunes. On en parlera tout à l’heure, mais les jeunes ont beaucoup souffert du Covid. On observe également une augmentation des addictions. Le burn-out scolaire et professionnel chez les ados.

Quels sont les signes qui témoignent d’un vrai problème de santé mentale ?

Les signes qui peuvent alerter sont une fatigue chronique, une fatigue qui s’installe malgré le changement des habitudes, des troubles du sommeil, des troubles alimentaires également, des addictions, avec un repli, une difficulté à aller vers l’extérieur, à envisager un avenir serein et positif. Tous ces signaux doivent alerter et il est crucial de consulter à ce moment-là.

Pourquoi les jeunes sont-ils principalement touchés ?

Les jeunes, ces dernières années, même avant le Covid, ont été en difficulté, très clairement. Des études ont été menées et on a vraiment observé une augmentation des demandes de consultations, des passages à l’acte suicidaire ou des tentatives de suicide. La pédopsychiatrie est fortement sollicitée pour gérer ces crises chez les ados.

Les jeunes adultes également, car c’est un moment crucial pour penser l’avenir et leur vie future en tant qu’adultes. Avec la pandémie et les angoisses du climat social et sanitaire, cela n’a pas aidé à envisager un futur serein.

La pandémie a tout de même permis de beaucoup plus prendre en compte la santé mentale dans l’esprit des Français. Est-ce que vous le constatez avec vos patients ?

Très clairement, très nettement, il y a eu une augmentation des consultations. Le tabou autour de la santé mentale s’est complètement estompé. On parle beaucoup plus des émotions, des sentiments. On parle beaucoup plus facilement de son mal-être, que ce soit chez les enfants, les ados, les adultes, les hommes comme les femmes.

Les entreprises, aussi, prennent beaucoup plus en compte la question de la santé mentale. Je suis amenée à faire des certificats de consultations, de présence, et ces certificats sont donnés aux employeurs. Donc, c’est vous dire que l’entreprise prend en compte la santé mentale, et la société, plus globalement, est très sensible aux questions de santé mentale.

Mais si je me sens mal, vers qui dois-je me tourner ?

Cela dépend des symptômes et de l’intensité des symptômes. En premier lieu, il y a le médecin généraliste, qui est le premier professionnel, le premier interlocuteur en qui on a confiance généralement. Il peut être un très bon relais pour ensuite orienter, conseiller et peut-être prescrire.

Les psychologues sont là pour faire un travail d’accompagnement, pour apaiser les souffrances, apaiser le mal-être, travailler sur les émotions. Les psychiatres, dans les situations où les symptômes sont beaucoup plus intenses et viennent perturber l’équilibre de vie, l’équilibre familial, relationnel, peuvent également traiter avec des traitements assez efficaces.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui souffrent encore pour gérer cette cicatrice liée à la pandémie ?

Tout d’abord, accepter ses ressentis, accepter ses émotions sans en avoir honte, c’est la première étape. Ensuite, il est bien évidemment important de parler de ses difficultés, de consulter quand c’est nécessaire, quand on en ressent le besoin.

Et puis, on l’a vu, un des progrès depuis le Covid est que l’on sait que les interactions sociales, que le lien social est fondamental. Maintenir les liens sociaux, maintenir une hygiène de vie, c’est extrêmement important pour maintenir l’équilibre psychologique et favoriser la résilience, favoriser la reconstruction personnelle.

À SAVOIR

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 18 mars 2025 “Santé mentale, cinq ans après le Covid, où en sont les Français”, sur Ma Santé TV.

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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