Une femme qui souffre de DMLA atrophique sèche et qui expérimente l'implnat sous-rétinien pour recouvrer la vue.
Chaque année, près de 200 000 nouveaux cas de DMLA sont diagnostiqués, principalement chez les plus de 60 ans. © Freepik

Pour la première fois, une équipe française a démontré qu’un implant placé sous la rétine pouvait restaurer partiellement la vision centrale de patients atteints de dégénérescence maculaire liée à l’âge (forme sèche). Une prouesse médicale saluée par l’Inserm et l’Institut de la Vision, qui ouvre un champ nouveau dans le traitement d’une maladie jusqu’ici sans solution.

C’est une première mondiale. Dans une étude publiée le 20 octobre 2025 dans le New England Journal of Medicine et relayée par l’Inserm, des chercheurs français et européens ont montré qu’un implant sous-rétinien pouvait redonner une partie de la vision à des personnes touchées par la DMLA atrophique, la forme dite « sèche » de la maladie. 

Cette pathologie, qui touche plus d’un million de personnes en France selon l’Inserm, provoque la mort progressive des cellules photoréceptrices de la macula, la zone centrale de la rétine responsable de la vision fine et des détails. Si la DMLA humide bénéficie depuis quelques années d’injections intra-oculaires efficaces, la forme sèche restait jusque-là sans traitement curatif.

Une puce minuscule, un principe lumineux

L’implant, baptisé PRIMA, a été mis au point par la société française Pixium Vision, en collaboration avec l’Institut de la Vision (Inserm-CNRS-Sorbonne Université). Il s’agit d’une micropuce photovoltaïque de 2 millimètres de côté et 30 microns d’épaisseur, glissée sous la rétine au niveau de la macula.

Cette puce, d’une finesse équivalente à la moitié d’un cheveu, convertit la lumière infrarouge en signaux électriques. Ces signaux stimulent directement les neurones rétiniens encore fonctionnels, contournant les photorécepteurs détruits.

Pour fonctionner, le patient porte des lunettes équipées d’une mini-caméra qui capte les images de l’environnement. Les données visuelles sont traitées par un micro-ordinateur, puis projetées sous forme de faisceaux infrarouges vers l’implant. Le tout, sans fil ni câble. L’énergie est transmise par la lumière.

Selon l’Institut de la Vision, l’objectif n’est pas de restituer une vision normale, mais d’offrir une perception utile pour les gestes du quotidien, comme lire une lettre, reconnaître une forme ou distinguer un contraste.

Prima : des résultats cliniques encourageants

L’étude européenne PRIMAvera, menée dans 17 centres hospitaliers (dont Lyon, Nantes et Paris), a suivi 38 patients âgés en moyenne de 79 ans atteints de DMLA atrophique sévère. Les résultats sont impressionnants pour une maladie réputée irréversible. 

Après douze mois de suivi, 81 % des patients ont amélioré leur acuité visuelle d’au moins 0,2 logMAR, soit environ dix lettres supplémentaires lues sur une échelle standard. 78 % ont gagné 0,3 logMAR ou plus, et le gain maximal observé atteint +1,18 logMAR, ce qui correspond à environ 59 lettres de mieux. Autre point notable, la vision périphérique n’a pas été altérée par l’intervention, confirmant la bonne tolérance du dispositif.

Concernant la sécurité, 26 événements indésirables graves ont été rapportés (hypertension oculaire, décollement ou hémorragie sous-rétinienne), mais 95 % ont été résolus rapidement. Le rapport bénéfice-risque est jugé favorable par les chercheurs, qui poursuivent le suivi jusqu’à trois ans pour évaluer la durabilité de l’effet.

Une technologie pour quelques-uns, pour l’instant

L’implant PRIMA ne s’adresse pas à tous les malades. Il cible les personnes dont la vision centrale est très altérée mais dont la rétine périphérique et le nerf optique restent fonctionnels. La chirurgie, délicate, nécessite une équipe hautement spécialisée et un suivi ophtalmologique régulier. Pour l’heure, seuls quelques centres hospitaliers français participent à ces implantations, notamment les Hospices Civils de Lyon, l’Hôpital des Quinze-Vingts et la Fondation Rothschild à Paris.

L’intervention reste coûteuse (plusieurs dizaines de milliers d’euros selon les estimations) et le remboursement n’est pas encore acté par la Haute Autorité de Santé. Le dispositif n’a pas encore obtenu d’autorisation de mise sur le marché (AMM) à grande échelle, mais cette étape pourrait être franchie d’ici deux à trois ans si les résultats se confirment.

Pour Serge Picaud, directeur de recherche à l’Inserm et co-concepteur du projet, cette innovation représente « un véritable changement de paradigme ». « Nous sommes passés d’un stade où nous ne pouvions qu’accompagner la perte de vision à une situation où nous pouvons espérer la restaurer partiellement. »

Il faut toutefois tempérer l’enthousiasme. La vision obtenue reste limitée. Les patients distinguent des formes, des lettres, parfois des visages, mais avec une résolution bien moindre qu’une vision naturelle. Une rééducation visuelle de plusieurs semaines est indispensable pour apprendre à interpréter les nouvelles sensations lumineuses.

Par ailleurs, les chercheurs rappellent que la DMLA atrophique touche une population vieillissante, souvent fragile, pour laquelle toute intervention chirurgicale comporte des risques. Le défi des prochaines années sera donc d’évaluer l’efficacité du dispositif dans la vraie vie, au-delà des protocoles expérimentaux.

Si l’efficacité du dispositif se confirme, l’enjeu sera immense pour la santé publique. En France, la DMLA est la première cause de malvoyance après 60 ans selon Santé publique France. L’allongement de l’espérance de vie pourrait faire exploser ce chiffre d’ici 2050.

Rendre ce type d’implant accessible suppose un soutien institutionnel fort : formation de chirurgiens, financement de la rééducation, prise en charge par l’assurance maladie, et surtout diffusion hors des grands centres universitaires. Sans cela, l’œil bionique risque de rester un privilège réservé à quelques dizaines de patients.

Mais l’espoir est réel. Pour la première fois, des malades qui avaient perdu tout espoir de voir à nouveau retrouvent une perception visuelle fonctionnelle. Et pour la recherche française, c’est aussi une belle démonstration de savoir-faire.

À SAVOIR 

L’implant PRIMA a déjà obtenu en 2023 le marquage CE à usage clinique, autorisant son utilisation dans les essais menés en Europe, notamment en France. Forts des résultats publiés en octobre 2025, Pixium Vision et l’Institut de la Vision ont déposé une demande d’extension de ce marquage afin de permettre la commercialisation du dispositif pour traiter la DMLA atrophique dans les hôpitaux européens.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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