Une femme qui souffre de multiples douleurs chroniques qui l'empêche de mener une vie normale.
En France, les douleurs chroniques les plus fréquentes sont le mal de dos, les douleurs articulaires, les migraines, l’endométriose et la fibromyalgie. © Freepik

Près d’un Français sur deux dit souffrir depuis plus de trois mois d’une douleur persistante. Pourtant, malgré cette réalité massive, la douleur chronique reste sous-reconnue et mal prise en charge. Structures saturées, manque de coordination, retard politique… Le baromètre Analgesia-BVA 2025 révèle un fossé inquiétant entre souffrance vécue et réponse médicale.

Selon le baromètre Analgesia / BVA 2025, révélé à l’occasion de la Journée mondiale contre la douleur, 42 % des Français déclarent vivre avec une douleur chronique, c’est-à-dire une douleur persistante depuis plus de trois mois selon l’OFDA (Observatoire français de la douleur).

Derrière ce pourcentage, ce sont 23,1 millions de personnes qui vivent avec la douleur au quotidien. L’Organisation mondiale de la santé rappelle que la douleur chronique est celle qui « persiste au-delà de la période normale de guérison ».

En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) la reconnaît comme un véritable enjeu de santé publique, tant elle touche toutes les générations, tous les milieux sociaux et plus particulièrement les femmes.

La douleur chronique se définit avant tout par sa durée. Elle persiste au-delà de trois mois, ou réapparaît régulièrement sans raison apparente. Mais ce n’est pas seulement une question de temps, c’est aussi une douleur qui ne répond plus aux traitements habituels et qui finit par s’ancrer dans le corps et dans le cerveau.

Selon la Haute Autorité de Santé, il faut consulter sans tarder lorsqu’une douleur :

Les spécialistes rappellent qu’une douleur chronique n’est pas forcément liée à une maladie grave, mais qu’elle doit toujours être prise au sérieux. Elle peut avoir de nombreuses causes : arthrose, fibromyalgie, douleurs post-opératoires, migraines, douleurs neuropathiques, endométriose…

Le premier réflexe reste de parler de sa douleur à son médecin traitant, qui pourra évaluer son retentissement, adapter les traitements et, si besoin, orienter vers une structure spécialisée de la douleur. Un accompagnement pluridisciplinaire (médical, psychologique et physique) permet souvent de mieux comprendre et maîtriser sa douleur, avant qu’elle ne prenne toute la place.

Malgré ces chiffres vertigineux, la France accuse un retard évident dans la reconnaissance et la prise en charge de la douleur chronique. Le baromètre Analgesia souligne que près de 70 % des personnes concernées n’ont jamais été orientées vers une structure spécialisée de la douleur. Une donnée confirmée par la HAS. Les structures douleur chronique (SDC), censées assurer une prise en charge pluridisciplinaire, sont encore trop peu nombreuses et mal réparties sur le territoire.

Le ministère de la Santé recense un peu plus de 250 structures labellisées en France métropolitaine, pour plusieurs millions de patients. Résultat, des délais d’attente de plusieurs mois, voire d’un an, pour obtenir un rendez-vous, notamment dans les régions rurales.

La coordination du parcours de soins reste, elle aussi, un maillon faible. Entre le médecin traitant, le kinésithérapeute, le psychologue ou le centre antidouleur, le patient devient souvent son propre coordinateur. La HAS insiste sur l’urgence d’un modèle global « bio-psycho-social » où il faut considérer à la fois la dimension physique, émotionnelle et sociale de la douleur. Mais sur le terrain, ce modèle peine encore à s’appliquer.

Entre errance et automédication

La douleur chronique ne se voit pas, et c’est bien là le drame. Nombre de patients racontent une errance médicale de plusieurs années avant d’obtenir un diagnostic précis. Certains entendent encore des phrases comme : « C’est dans la tête », ou « Il faut apprendre à vivre avec ».

Pour beaucoup, cette absence de reconnaissance pousse à l’automédication. Selon une synthèse du baromètre, près de 60 % des personnes concernées prennent régulièrement des antalgiques sans prescription médicale.

La Fondation Analgesia rappelle pourtant que la douleur chronique est une maladie qui altère la qualité de vie, le sommeil, la santé mentale et le lien social. Selon l’enquête OFDA, un tiers des patients disent que leur douleur a un impact sévère sur leur vie quotidienne ; près d’un sur cinq a dû arrêter ou adapter son activité professionnelle.

Une priorité oubliée des politiques de santé

Pourtant, le droit au soulagement de la douleur est inscrit noir sur blanc dans la loi française depuis 2002 : « Toute personne a le droit de recevoir des soins visant à soulager sa douleur » (article L1110-5 du Code de la santé publique).

Mais vingt ans plus tard, les associations de patients comme France Douleur ou Fibromyalgie France déplorent une absence de véritable stratégie nationale. Le dernier Plan douleur s’est achevé en 2010, et aucun n’a été relancé depuis.

« Nous avons les outils, mais pas les moyens de les faire fonctionner », résume le Pr Serge Marchand, président de la Fondation Analgesia. Il appelle à une nouvelle politique publique, financée et coordonnée, pour faire de la douleur chronique une cause nationale de santé.

À SAVOIR 

Depuis 2022, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît la douleur chronique comme une maladie à part entière dans sa classification internationale (CIM-11). Désormais, la France dispose d’une carte interactive des structures spécialisées, accessible sur sante.gouv.fr. On y recense les centres où médecins, psychologues et kinésithérapeutes travaillent main dans la main pour aider les patients à retrouver une vie sans douleur.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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