Perte de poids, meilleure qualité de sommeil, plus belle peau… Les effets d’un mois sans alcool seraient nombreux sur la santé. Après les excès des fêtes de fin d’année, le mois de janvier est l’occasion de faire une pause bénéfique mais aussi de s’interroger sur sa consommation d’alcool. Mais s’abstenir l’espace d’un mois est-il réellement efficace ? Quel en est l’impact sur le long terme ? Toutes les réponses sur le défi du Dry January avec le Dr Véronique Fonteille, médecin généraliste et addictologue aux Hospices Civils de Lyon, invitée de l’émission Votre Santé sur BFM Lyon.
Initié en 2013 par les Britanniques, le Dry January ou mois sans alcool est l’occasion de s’interroger sur sa consommation d’alcool. Responsable de 41 000 décès chaque année, l’alcool n’est en effet pas anodin et entraîne de nombreux effets délétères sur l’organisme. Et que l’on soit consommateur régulier ou simplement festif, l’opération s’adresse à tout le monde. Selon les chiffres du collectif d’associations qui se cache derrière l’adaptation française de ce challenge en “Défi de janvier”, une personne sur dix relèverait ainsi le défi en France.
Pour faire le point sur les bénéfices de cette initiative à court et long terme, le Dr Véronique Fonteille, addictologue au service universitaire de l’addictologie de Lyon, était l’invitée de l’émission Votre Santé du jeudi 7 janvier, sur BFM Lyon. Un rendez-vous hebdomadaire animé par Élodie Poyade et Pascal Auclair, rédacteur en chef du groupe Ma Santé.
Mois sans alcool : une prise de conscience nécessaire
L’opération Dry January ou mois sans alcool a-t-elle réellement du sens ? Ne serait-il pas plus efficace de réduire sa consommation tout au long de l’année ?
En France, cette opération a été adaptée en “Défi de janvier“. Chaque personne peut donc adapter ses objectifs. Cela peut donc être de stopper sa consommation d’alcool ou de la réduire. Le but est de s’interroger sur sa consommation, de susciter une prise de conscience autour de cela pour pouvoir l’adapter tout au long de l’année. En réalisant ce défi au cours d’un mois, on peut ainsi se rendre compte de la difficulté de s’abstenir durant une semaine ou deux et faire des efforts toute l’année.
Concrètement, quels sont les effets sur l’organisme d’un mois sans alcool ?
Il y a tout d’abord un effet sur la perte de poids, car l’alcool est très calorique. On constate aussi une meilleure qualité de sommeil, ainsi que des effets bénéfiques sur la peau. S’abstenir de consommer de l’alcool pendant un mois a des conséquences positives sur l’organisme et la santé en général.
Toutes les personnes que vous suivez ayant réalisé cette opération ont-elles eu de réels impacts sur leur consommation à l’année ?
Les études montrent des effets bénéfiques sur le long terme. Ce type de défi, à l’image du Mois sans Tabac initie une prise de conscience, à travers un challenge collectif. Cela permet de s’interroger sur son rapport à l’alcool. Ce défi s’adresse ainsi à tout le monde, et pas uniquement aux personnes présentant déjà une addiction à l’alcool. Le but premier reste la prise de conscience.
“Il n’y a pas de consommation d’alcool sans risque”
À quel stade une consommation est-elle considérée comme à risque ?
Tout d’abord, il faut noter qu’il n’existe pas de consommation sans risque. Quelle que soit la quantité, toute consommation d’alcool est une prise de risque. Cela peut entraîner des accidents par exemple. En France, on a même diffusé à un moment donné l’idée que boire un verre de vin pouvait protéger des risques cardiovasculaires. C’est faux ! Des études ont remis en question cette idée. L’alcool n’est en aucun cas un facteur de protection, il n’y a aucun bénéfice à consommer de l’alcool.
En revanche, on établit un risque faible d’addiction selon les recommandations des autorités sanitaires qui sont de ne pas dépasser deux verres par jour et de ne pas boire tous les jours. Cela signifie donc un minimum de deux jours d’arrêt, soit moins de dix verres par semaine.
Quels sont les incidences négatives imputables à l’alcool ?
Outre la prise de poids, l’alcool a de nombreuses conséquences négatives sur la santé. À commencer par une augmentation du risque de cancer. C’est en effet l’un des premiers facteurs de cancer. Et au total, 41 000 décès par an seraient imputables à l’alcool dans notre pays.
La consommation d’alcool a aussi une incidence sur la santé mentale et au niveau neurologique. Elle augmente de façon significative la déprime et favorise également les tendances au suicide. On note également des conséquences sur le foie tels que la cirrhose, par exemple.
Pandémie et santé mentale altérée : un cocktail favorisant l’addiction
L’addiction à l’alcool a-t-elle augmenté avec la pandémie de la Covid-19 ?
Cela dépend de la population. On rencontre les deux cas de figure. D’un côté, les études montrent que les consommations festives, très importantes en France, ont nettement diminué avec la fermeture des bars et restaurants. De l’autre, les personnes présentant déjà une addiction à l’alcool ont toutefois eu tendance à augmenter leur consommation. Dans nos services, plusieurs patients ont rechuté ou ont majoré leur consommation.
Pour rappel, l’addiction survient selon la rencontre entre trois facteurs : le type de produit, la personne qui présente des vulnérabilités particulières, mais aussi le contexte environnemental dans lequel elle se place. Celui de la pandémie de Covid-19 est une situation particulière à prendre en compte.
Peut-on établir un profil type de patient plus à risque à l’addiction à l’alcool ?
Les personnes les plus à risques sont celles qui ont des facteurs de vulnérabilité notamment une pathologie psychiatrique sous-jacente. Il s’agit souvent de troubles de bipolarité, de l’humeur, de dépression… Il existe également des antécédents de maltraitance, sexuelle ou autre, des traumatismes dans l’enfance, une carence éducative, des parcours de vie complexes etc., qui favorisent l’addiction.
Alcool : des risques accrus entre addiction et overdose
On voit de plus en plus le phénomène de binge drinking : des jeunes qui consomment en très grande quantité mais sur un laps de temps restreint. Le rapport des jeunes à l’alcool a-t-il évolué ces dernières années ?
Dans les services d’urgences pédiatriques dans lesquels je travaille, nous avons souvent eu affaire à des jeunes qui se sont retrouvés en réanimation à cause de l’alcool. Ce sont des personnes qui n’ont pas d’addiction à l’alcool mais qui ont, à un moment donné, une intoxication à l’alcool aiguë. Ils se lancent des challenges et des défis en se filmant, par exemple pour les anniversaires “18 ans, 18 shots de vodka”… Au final, ils se sont retrouvés en réanimation, intubés et ont failli y rester. Ce sont donc des cas très graves. Le défi de janvier leur est également adressé. Les objectifs sont ainsi d’avoir une meilleure connaissance de l’alcool et de mieux comprendre et appréhender ses risques.
En quoi consiste l’alcool mondain dont on parle souvent ?
Il s’agit d’une consommation d’alcool régulière chez des personnes qui n’ont pas l’impression d’avoir un trouble d’usage d’alcool parce que cela n’a pas de répercutions particulières sur leur vie sociale ou professionnelle. Cela concerne les verres qu’ils vont consommer le midi au déjeuner, au dîner ou aux rencontres d’affaires, par exemple.
Cette consommation régulière a des conséquences sur leur santé, sans qu’ils s’en aperçoivent. Les troubles d’usage d’alcool concernent à la fois les effets somatiques, physiques mais aussi une consommation qui prend de plus en plus de place dans la vie. Le défi de janvier s’adresse donc particulièrement à ces personnes afin qu’elles puissent prendre conscience de cette consommation régulière.
À SAVOIR
Pour mieux appréhender son rapport à l’alcool et les éventuels risques encourus, relevez le défi ! Pour s’inscrire et se renseigner, rendez-vous sur le site de l’opération Dry January : www.dryjanuary.fr.