Après deux années d’accalmie liée aux gestes barrières anti-Covid, la grippe fait un retour en force. Déjà très actif dans le nord du pays, le virus s’apprête à déferler sur la région Auvergne-Rhône-Alpes, dans des proportions qui inquiètent les autorités sanitaires. Invité de l’émission Votre Santé, le Pr Bruno Lina, virologie à l’hôpital de la Croix-Rousse (HCL) à Lyon, alerte sur une montée épidémique brutale, sous quelques jours, tout en évoquant une sévérité moindre et, incidemment, une mortalité moins élevée. Le point.
La campagne de vaccination contre la grippe, lancée le 18 octobre, peine à prendre de l’ampleur. Le vaccin est pourtant très certainement le meilleur rempart à l’épidémie qui se répand en France. Attendue comme chaque année, la grippe est bel et bien là. Déjà présente dans plusieurs régions française, elle s’apprête à déferler sur la région Auvergne-Rhône-Alpes. Et ce dans des proportions sans doute importantes, comme l’explique le Pr Bruno Lina.
Le virologue lyonnais, directeur du centre national de référence sur les maladies respiratoires et membre du COVAX, était l’invité de l’émission Votre Santé, mardi 6 décembre sur BFM TV Lyon. Il en a profité pour rappeler les enjeux de la vaccination, à commencer pour les personnes les plus fragiles. Le taux de couverture vaccinale, en effet, ne s’élève qu’à 50% de la population âgée de 65 ans et plus. Soit très loin des 75% recommandés par l’OMS, pour une population en première ligne.
L’épidémie a t-elle commencé à sévir ?
À l’échelon français oui. L’épidémie a démarré en Bretagne et en Normandie. On observe en général un radiant Nord-Sud: l’épidémie démarre un petit plus tôt dans le Nord de la France, avant de s’étendre sur tout le territoire en deux semaines. La grippe circule en moyenne sur une durée de 6 à 8 semaines.
Grippe en Auvergne-Rhône-Alpes : “cela va augmenter”
Commençons-nous à avoir des cas en Auvergne-Rhône-Alpes ?
Effectivement, nous sommes dans un statut pré-épidémique: les virus circulent en petit nombre mais cela va augmenter.
Pouvons-nous craindre un fort rebond de la grippe cette année ?
L’ensemble des mesures qui ont été prises pour le Covid étaient également efficaces pour freiner les épidémies de grippe. On a ainsi observé que le virus de la grippe n’a que peu circulé pendant 2 ans. De plus il y a un relâchement général de l’application des gestes barrières. La combinaison fait que l’on risque de voir aujourd’hui une épidémie importante. Comme actuellement aux Etats-Unis où l’épidémie démarre rapidement.
Une chance malgré tout: le peu de virus ayant circulé se sont concentrés. Finalement il n’y a plus qu’un seul lignage de virus H3N2 et H1N1 qui circulent et donc la composition du vaccin est très bonne par rapport aux virus qui circulent.
On s’attend à voir une montée épidémique précoce, rapide car moins de virus ont circulé. Nous allons faire face à un phénomène de rattrapage d’infection, qui va monter très haut, avec un pic épidémique potentiellement élevé mais une mortalité et sévérité moindre. Nous espérons que la vaccination va jouer son rôle de protecteur, à condition qu’elle soit faite.
Vaccination : “il faut protéger les plus fragiles”
Justement, la vaccination va prendre du retard. Pourquoi est-il important de se faire vacciner ?
Car il s’agit du pilier de la lutte individuelle et collective contre les virus respiratoires. La vaccination a changé la donne lors de l’épidémie de Covid, cela a freiné la dynamique de l’épidémie mais surtout les formes graves et les décès. Il y a une corrélation direct entre les pays bien vaccinés et la baisse du nombre de décès. Ce qui vaut pour le coronavirus vaut également pour la grippe: il faut protéger les plus fragiles.
Qui sont les plus fragiles?
Globalement, on est plus fragile lorsque l’on a plus de 60-65 ans. Les défenses immunitaires ne sont plus suffisamment résistantes, et ceci malgré une bonne hygiène de vie. Il est donc nécessaire de se faire vacciner. Les femmes enceintes et toutes les personnes qui ont une pathologie chronique (telle qu’une insuffisance respiratoire) sont également concernés. La grippe, comme la Covid, décompense les maladies des plus fragiles. Ce mauvais cocktail risque ainsi de vous envoyer à l’hôpital.
Qui peut vacciner, et est-ce pris en charge par la SECU ?
Toutes les personnes fragiles, qui sont dans la liste des recommandations ont un bon de pris en charge, ou une possibilité de prise en charge par la Sécurité Sociale: ça ne leur coûte rien. Les autres achètent leur vaccin aux alentours de 8 euros la dose. L’ensemble des pharmaciens, infirmiers, sage-femmes et médecins peuvent effectuer des vaccinations.
Le vaccin contre la grippe efficace sous dix jours
Quelle est l’efficacité du vaccin ?
Nous ne sommes pas protégé contre la grippe dès le lendemain du vaccin. En général il faut entre 10 à 15 jours après la vaccination s’il s’agit d’une re-vaccination. Et un tout petit peu plus de temps pour une première vaccination. Il s’agit effectivement de la prévention, il est nécessaire d’anticiper.
Comment faire la différence avec le Covid et la grippe ?
C’est l’un des problèmes. La fièvre, le nez qui coule, la toux, la fatigue, peuvent concerner de nombreux virus différents. Le test joue un rôle déterminant. Pour le Covid les tests antigénique et autotest sont très efficaces. Il n’existe en revanche pas d’autotest pour la grippe: il faut donc consulter votre médecin qui va pouvoir vous tester. Il est compliqué de faire le tri cliniquement entre ces maladies. En revanche les modes de prévention sont exactement les mêmes.
Le retour du masque est-il nécessaire ?
Le substitut de la vaccination par le masque n’a pas de sens. Il est nécessaire de porter le masque dans les espaces clos mal ventilés. Et de le porter et de s’isoler quand on est malade. Mais le pilier de lutte contre ces virus est la vaccination. Cependant, concernant le masque, je crois qu’il faut que ce soit de l’appropriation, ce n’est pas à nous de décider.
À SAVOIR
Hors années Covid, la grippe saisonnière touche chaque année 3 à 8 % de la population française. Au-delà d’aggraver l’état des plus fragiles, elle tue à environ 10000 à 15000 Français par an.