Violence, folie, dépendance, incohérence, double personnalité… de nombreux stéréotypes collent à la peau de la schizophrénie. Mais ce n’est pas sans conséquence. Ils peuvent avoir un impact sur le rétablissement et la qualité de vie des personnes touchées par cette maladie. Pour le Dr Nicolas Franck, psychiatre chef du pôle Centre rive gauche au Centre Hospitalier le Vinatier à Lyon, combattre ces préjugés et essayer de faire changer les mentalités serait un réel progrès dans la prise en compte collective de cette maladie. Explications.
La schizophrénie touche jusqu’à 600 000 personnes en France. Or, les personnes qui en sont atteintes sont victimes de clichés. Ces idées reçues et fausses croyances proviennent souvent d’un manque d’information. Elles sont à l’origine de la discrimination et de la stigmatisation qui pèsent sur les personnes atteintes de ce trouble mental et leur faire perdre des chances. Elles peuvent en effet être mal jugées et rejetées.
« Les personnes ayant une schizophrénie n’abordent pas le monde comme les autres, mais comme tout le monde, elles sont sensibles au stress. Ce qui les caractérise avant tout, ce sont des particularités qui peuvent leur faire percevoir les autres comme difficiles à comprendre, voire hostiles », explique le Pr Nicolas Franck, psychiatre au Centre hospitalier du Vinatier, à Lyon. Pour qui la semaine du 18 au 25 mars, dédiée à la sensibilisation du grand public à cette maladie méconnue, est une bonne occasion de faire tomber quelques préjugés.
Schizophrénie : « Il faut prendre connaissance des vrais symptômes »
Quels sont les symptômes de la schizophrénie ?
Certaines personnes me disent que la schizophrénie se caractérise par un dédoublement de personnalité. C’est faux !
Quatre dimensions symptomatiques caractérisent cette maladie, les trois premières la définissant:
– La dimension positive: hallucinations (ressentir des choses qui n’existent pas) et idées délirantes
– La dimension négative: avoir moins d’énergie, ressentir moins de plaisir, se mettre en retrait social
– La désorganisation: ambivalence affective, difficultés à construire son discours, actions incohérentes
– Dimension cognitive: difficultés de concentration, de mémoire, difficultés pour percevoir les émotions et les intentions des autres.
Perte de contact avec la réalité, sentiment de persécution, isolement social, les symptômes de cette maladie sont multiples et différents selon les individus. Si le grand public connaissait les vrais symptômes de cette maladie, nous pourrions déjà lutter contre la stigmatisation.
Comment la schizophrénie peut-elle affecter la vie quotidienne d’une personne ?
La schizophrénie peut se traduire par une incapacité à accomplir certaines tâches quotidiennes. Il ne faut toutefois pas réduire ces personnes à leurs difficultés. Notre travail de professionnel consiste à mettre en évidence ce qui fonctionne bien chez elles pour qu’elles puissent s’en servir et qu’elles retrouvent l’espoir. Si nous nous contentons de pointer leurs difficultés, il est inévitable qu’elles s’auto-stigmatisent.
Schizophrénie : « les schizophrènes ne commettent pas plus de délits »
Les personnes atteintes de schizophrénie sont-elles dangereuses et violentes ?
Les agressions commises par ces personnes sont rares. Elles subissent avant tout la dangerosité des autres et celle de la société dans son ensemble. Victimes de multiples abus et agressions, elles sont plus vulnérables et donc moins capables de se défendre.
Elles peuvent également être victimes de leur propre agressivité. En effet, les tentatives de suicide et les suicides avérés sont fréquents car nombre de ces personnes tirent un bilan négatif de leur vie et sont désespérées.
Je ne dis pas que la violence liée à la schizophrénie n’existe pas, mais les personnes qui en sont atteintes ne commettent pas plus de crimes ou de délits que la population générale.
La stigmatisation de cette maladie affecte-t-elle la santé et le bien-être des patients ?
Dans la société actuelle, beaucoup d’idées reçues circulent sur les personnes atteintes de schizophrénie. On entend dire qu’elles sont paresseuses, dépendantes, folles… Chez certains patients, ces préjugés conduisent à l’auto-stigmatisation. Victimes des stéréotypes sociaux, ils finissent par se définir par leur maladie. Cela peut créer de la dévalorisation, de la culpabilité, de la honte ou encore de l’isolement social.
Les médias peuvent parfois contribuer à perpétuer certains préjugés en donnant un ton sensationnel et en présentant ces personnes comme imprévisibles et dangereuses. Cela peut effrayer le grand public et provoquer des attentes négatives et du rejet.
Ces fausses croyances peuvent également entraîner des comportements de stigmatisation envers ces personnes. Certains employeurs ou certaines universités peuvent avoir des pratiques discriminatoires, des propriétaires refuser de louer un logement… Les personnes atteintes de schizophrénie rencontrent donc de nombreuses difficultés dans tous les domaines de la vie courante.
Comment informer le grand public et lutter contre ces préjugés ?
La meilleure façon de combattre ces préjugés est de favoriser les rencontres et les échanges avec les personnes atteintes de ce trouble. Il est important de garder l’habitude de parler de manière à la fois humaine et appropriée de cette maladie.
À SAVOIR
Certaines structures nationales luttent également contre la stigmatisation. C’est le cas de la Zone d’Expression contre la Stigmatisation (ZEST), un dispositif piloté par le Centre ressource de réhabilitation psychosociale. Basé à Lyon, il offre un espace de parole aux personnes vivant avec des troubles psychiques et leur permet d’échanger avec le grand public. Cette action a été menée à l’échelle de tous les sapeurs-pompiers d’Auvergne Rhône-Alpes pour déstigmatiser et les rendre plus à l’écoute de ces personnes lors d’une éventuelle intervention.
Le Pr Nicolas Franck a également écrit un livre nommé “La schizophrénie”, publié par Odile Jacob. Cet ouvrage, destiné au grand public, aide à mieux comprendre cette pathologie et donne les clés pour aider les personnes qui en souffrent.