Hallucinations, isolement, souffrance… Si le terme schizophrénie est désormais usuel, peu sont les personnes qui savent réellement ses tenants et aboutissements. Pourtant, 1 personne sur 100 en France serait touchée par ce trouble psychiatrique. Mais alors, que se cache-t-il derrière la schizophrénie ? Quel vécu pour une personne atteinte de schizophrénie ? Rencontre avec François De Castro, pair-aidant en schizophrénie au Centre Hospitalier Le Vinatier à Lyon.
Aujourd’hui, la schizophrénie reste encore un sujet tabou. Associée régulièrement à un dédoublement de la personnalité, une psychopathie ou une folie, « c’est pourtant tout l’inverse », témoigne François De Castro.
Complexe et chronique, la schizophrénie est l’une des maladies psychiatriques les plus courantes. On estime à 23 millions le nombre de personnes touchées par ce trouble à travers le monde. Les symptômes prédominants vont des hallucinations au retrait social et relationnel, ainsi qu’aux difficultés de concentration.
Loin du simple délire, la schizophrénie découle d’origines plurielles. Gènes et environnement prédisposeraient à l’apparition de ces troubles psychotiques. Ainsi, c’est en général à l’adolescence que se déclare cette pathologie, fréquemment entre 15 et 25 ans, suite aux réorganisations intenses du cerveau dans cette période de maturation. Un excès de dopamine cérébrale en serait notamment l’origine. Explications au côté de François De Castro, pair-aidant en schizophrénie à Lyon.
Schizophrénie : la découverte d’un mot tabou
Les symptômes de la schizophrénie demeurent dans un premier temps insidieux. Loin d’être brutale, la maladie débute doucement, accompagnée de manifestations atténuées. Les diagnostics rapides sont donc difficiles à poser. « Dans mon adolescence, il m’arrivait d’entendre des voix. Mais je ne concevais pas le caractère atypique de ces symptômes. Pour moi, entendre des voix était le quotidien de tous », explique François De Castro.
« C’est vers la fin de l’adolescence et le début de l’âge adulte que j’ai plongé. Alcool, drogue, mauvaise hygiène… De quoi accroitre mon mal-être et renforcer mes symptômes. Les voix se sont transformées en véritables hallucinations. Je me souviens d’une fois où je parlais à mes parents, en réalité absents. J’ai eu l’impression que le ciel me tombait sur la tête ».
Une prise en charge précoce pourrait pourtant limiter la progression vers le diagnostic officiel de cette maladie. En effet, la période annonciatrice de ce trouble psychiatrique, dite aussi période prodromique, n’est pas systématiquement corrélée à une schizophrénie établie. Seulement un tiers des adolescents connaitront un épisode psychotique et la moitié de ces derniers souffriront d’une schizophrénie chronique.
Malgré ces statistiques, l’évocation d’un trouble schizophrène n’est pas évidente. Tant pour le patient que pour sa famille. Ce trouble psychiatrique, découvert il y a plus de 100 ans, est encore tabou et de nombreuses idées reçues et dégradantes circulent à son propos.
Prise en charge : de la souffrance à la renaissance
Une fois le diagnostic établi, la prise en charge de cette pathologie forme la pierre angulaire de l’accompagnement. À la fois indispensable et nécessaire, elle est aussi difficile voire douloureuse. « Pour ma part, la première hospitalisation a été très douloureuse et trop brutale. Je n’avais pas réellement connaissance du diagnostic de schizophrénie. J’allais juste mal, très mal »,témoigne François De Castro.
« Ils m’ont pris de force, alors que je n’étais absolument pas violent, et m’ont emmené en hôpital psychiatrique. En cellule d’isolement les premiers jours. Suite à quoi, ils m’ont prescrit un traitement et m’ont laissé ressortir. Mais comme beaucoup, j’ai connu des rechutes. En totalité, les hospitalisations ont duré deux années ».
En effet, l’accompagnement et la prise en charge de ce trouble sont primordiaux dans le pronostic. Un traitement médicamenteux sera prescrit, souvent des antipsychotiques, et des soins psychologiques et sociaux devront être apportés. Sans la multidisciplinarité de la prise en charge, difficile de s’en sortir. Chaque volet de la prise en charge a son objectif mais chacun d’entre eux est essentiel. « J’ai pu bénéficier d’une prise en charge multiple : TCC, psychiatrie, psychothérapie, remédiation cognitive, groupe d’éducation psychologique… À côté d’un traitement médicamenteux qu’il a fallu modifier. Le premier ne faisant absolument pas effet sur moi », raconte François De Castro.
D’autres approches complémentaires peuvent aujourd’hui être prescrites. Notamment en cas de résistance aux traitements. C’est le cas de stimulation magnétique transcrânienne. Son objectif ? Administrer sur une zone définie du cerveau un champ magnétique durant quelques secondes. Plusieurs séances doivent être programmées mais l’efficacité sur les hallucinations est notable.
Schizophrénie, une vie après l’errance
Si le parcours de rétablissement est long, les espoirs restent réalistes. « Les hospitalisations m’ont semblé longues, éternelles sur le moment. Pourtant, aujourd’hui je vais bien, je me sens vivant et heureux dans ma vie », confie François De Castro.
Le respect du traitement fourni et l’engagement du patient dans sa prise en charge restent toutefois les meilleurs facteurs de bon pronostic. Eviter l’alcool abusif et surtout ne pas replonger dans les drogues. Un facteur prédominant de sa rémission. « Pour certains, les médicaments devront être pris à vie, d’autres finissent par pouvoir s’en passer. Mais avec recul, qu’importe. Du moment que l’on se sent revivre, que l’on est de nouveau capable de faire des choses. Ainsi, ma dernière hospitalisation s’est très bien passée et depuis je n’ai pas connu de rechute. Mon travail de pair-aidant me permet de m’épanouir, et c’est tout ce que j’attendais ».
Schizophrénie : briser les idées reçues
La schizophrénie reste toutefois une maladie pouvant être particulièrement invalidante selon les phases et l’intensité observée. Mais loin des idées reçues, la réalité s’avère complexe, touchante et difficile.
« Nous ne sommes pas fous. Folie et schizophrénie n’ont rien à voir. D’ailleurs, la schizophrénie semble s’expliquer par un excès de dopamine cérébrale », explique François De Castro. Dans la même optique, schizophrénie et dédoublement de la personnalité ne sont pas fréquemment reliés. « Le dédoublement de la personnalité n’a pour part aucun lien avec mon diagnostic. Je suis moi mais j’étais juste mal. J’avais seulement du mal à gérer mon stress, ma fatigue permanente et mon manque d’énergie ».
Aujourd’hui encore, 83 % des Français considèrent la schizophrénie comme une maladie dangereuse selon un sondage réalisé par la Fédération pour la Recherche sur Cerveau. Pourtant, les personnes atteintes de schizophrénie sont loin d’être violentes ou dangereuses. « Nous sommes loin d’être les bourreaux. Au contraire, nous sommes bien souvent les victimes ».
« Pour lutter contre ces idées reçues dégradantes, il faut pouvoir arrêter cette stigmatisation et expliquer réellement ce qui se cache sous le terme schizophrénie. Notamment chez les plus jeunes. Ce n’est ni une démence, ni de sa faute », conclut François De Castro.
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À SAVOIR
Le centre ressource et réhabilitation à Lyon, créé en 2015, propose son aide aux patients. Son but ? Accompagner et soutenir les patients, ainsi que de permettre des échanges d’expérience entre personnes concernées. Informer, former et participer à la recherche font aussi partie de ses objectifs.