Comment lutter contre la dénutrition et redonner le goût du bien-manger aux patients cancéreux traités en chimiothérapie ? Tel est l’enjeu de l’étude de grande ampleur lancée à Lyon et coordonnée par le Centre de Recherche de l’Institut Bocuse.
Pour un patient atteint d’un cancer et traité par chimiothérapie, la perte d’appétit n’est pas une fatalité, à condition de lui proposer au quotidien une alimentation adaptée, susceptible de lui redonner le goût de la nourriture. Voici tout l’enjeu du projet CANUT (Cancer, Nutrition & Taste) présenté ce lundi 13 mai 2019 au Centre de Recherche de l’Institut Bocuse, à Ecully, dans la banlieue de Lyon.
Concrètement, ce projet vise à mieux comprendre les modifications de perception et de comportement alimentaires induits par la chimiothérapie anticancéreuse, dans le but d’améliorer la qualité de vie liée aux repas. Cette étude de grande ampleur bénéficie d’un budget de près de 600 000 euros financé par la Métropole de Lyon, la Région Auvergne-Rhône-Alpes et neuf partenaires publics et privés dont le CLARA (Canceropôle Lyon Auvergne Rhône-Alpes).
Chimiothérapie et perte d’appétit
“Ce projet doit répondre à une problématique au cœur de l’une de nos préoccupations essentielles, à savoir améliorer la qualité de vie du patient. En effet, les traitements par chimiothérapie induisent souvent de fortes perturbations sensorielles et changent les préférences alimentaires. C’est un peu le phénomène de la double peine“, explique Véronique Trillet-Lenoir, présidente du directoire du CLARA.
Cette modification se traduit par une réduction du plaisir de manger et de la prise alimentaire pouvant aller jusqu’à la dénutrition. Un phénomène qui touche 39% des patients traités sous chimiothérapie. Plus alarmant, cette dénutrition augmente par 1,5 fois la durée du séjour hospitalier et par 2,6 fois le risque de mortalité. “Bref, c’est un enjeu majeur de santé publique, souligne Georges Képénékian, vice-président de la Métropole de Lyon et président des Hospices Civils de Lyon. Le cancer est devenu une maladie chronique dont il faut réduire au maximum les incidences négatives au quotidien. C’est notamment le cas de l’alimentation, la dénutrition ayant des effets aggravant sur la maladie“.
Cancer, redonner le goût du bien-manger
C’est donc le Centre de Recherche de l’Institut Paul Bocuse qui a été sollicité pour coordonner cette étude visant à développer, tester puis déployer des solutions nutritionnelles innovantes. “L’écosystème régional est particulièrement propice pour mener à bien ce projet, que ce soit sur le plan universitaire ou industriel“, insiste Yannick Neuder, vice-président en charge de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Le projet CANUT, qui débutera officiellement en juin et durera trois ans, comportera deux phases. Dans un premier temps, CANUT 1 sera une étude exploratoire pour mieux comprendre les incidences de la chimiothérapies sur le plan gustatif et olfactif. “La plupart des troubles apparaissent après trois cures de chimiothérapie“, précise David Daye, chargé d’études cliniques aux HCL. Cette étude préalable portera sur une soixantaine de patients traités par chimiothérapie à l’Hôpital de la Croix-Rousse ou à Lyon-Sud pour un cancer du poumon, un cancer du sein ou un cancer gynécologique.
Des recettes pour lutter contre la dénutrition
Concrètement, tous ces patients se verront proposer un menu complet (entrée, plat, accompagnement, dessert) décliné en quatre formulations (plat classique, plat avec une texture adaptée, plat avec un goût modifié, plat avec une odeur différente). Ces tests, qui visent à mieux comprendre les modifications de perception et de comportement alimentaires des malades, sera effectué avant la première cure de chimiothérapie, après deux cycles de chimiothérapie et après quatre cycles de chimiothérapie.
A l’issue de cette phase initiale, un guide culinaire sera édité afin de mettre en exergue les recommandations spécifiques dédiées aux patients sous chimiothérapie. Des conseils de dégustation, de préparation, des fiches recettes et des informations nutritionnelles seront aussi diffusés auprès de tous les personnels concernés (hospitaliers, aidants…).
La phase CANUT 2 sera alors chargée d’étudier l’impact de ce livret et de ces conseils sur la qualité de vie des malades.
A SAVOIR
Témoignage d’un malade atteint d’un cancer du poumon et traité sous chimiothérapie: “Se nourrir pendant les chimiothérapies est compliqué, entre les interactions médicamenteuses et nos propres réactions (bouche sèche, mucites, manque d’appétit…). Je ne peux avaler facilement que le steak haché et les betteraves sans aucun assaisonnement ! En revanche, il m’est impossible d’avaler certains aliments simples comme le pain ou des boissons comme le thé, le café, les tisanes”.