
Paracétamol et ibuprofène, deux médicaments incontournables des pharmacies familiales, sont aujourd’hui pointés du doigt par une étude australienne. En laboratoire, leur association avec certains antibiotiques aurait favorisé l’apparition de mutations bactériennes, un mécanisme clé de l’antibiorésistance. Une découverte à prendre avec prudence, mais qui interpelle alors que la France reste l’un des pays européens les plus touchés par ce phénomène.
Paracétamol pour la fièvre, ibuprofène pour les douleurs… Ces deux médicaments font partie des plus utilisés en France. Mais selon une étude publiée en août 2025 dans la revue npj Antimicrobials and Resistance, ils pourraient avoir un effet inattendu lorsqu’ils sont associés à certains antibiotiques.
Des chercheurs de l’University of South Australia ont observé, en laboratoire, le comportement de la bactérie Escherichia coli exposée à la ciprofloxacine (un antibiotique courant) en présence d’ibuprofène ou de paracétamol. Résultat, les bactéries développaient davantage de mutations que lorsqu’elles étaient exposées uniquement à l’antibiotique. Ces mutations sont un mécanisme clé de l’antibiorésistance.
Une découverte à nuancer : uniquement “in vitro”
Ces résultats sont à prendre avec précaution. Ils proviennent d’expériences in vitro, c’est-à-dire réalisées en laboratoire, et non chez l’être humain. Cela signifie qu’on ne sait pas encore si ce phénomène se produit réellement dans le corps humain, ni à quelles doses ou conditions. Aucun essai clinique n’a, pour l’heure, confirmé que la prise de paracétamol ou d’ibuprofène en même temps qu’un antibiotique réduisait l’efficacité du traitement.
En clair, il s’agit d’un signal scientifique, mais pas d’une preuve clinique. Les chercheurs eux-mêmes appellent à poursuivre les investigations.
L’antibiorésistance : déjà un problème majeur en France
En France, l’antibiorésistance cause déjà plus de 5 500 décès par an, et touche environ 130 000 patients chaque année. Malgré une légère baisse de la consommation d’antibiotiques en ville en 2023 (–0,2 % de prescriptions par rapport à 2022), la France reste parmi les pays européens les plus consommateurs.
Face à ce constat, une stratégie nationale 2022-2025 de prévention des infections et de l’antibiorésistance est en cours, financée par un programme prioritaire de recherche de 40 millions d’euros sur dix ans. L’objectif est de réduire les prescriptions inutiles, promouvoir les diagnostics rapides et stimuler la recherche.
Pas de changement de recommandations pour l’instant
À ce jour, aucune autorité de santé en France (HAS, Santé publique France, ministère de la Santé) ne recommande d’éviter systématiquement le paracétamol ou l’ibuprofène en cas de traitement antibiotique.
Les messages restent les mêmes :
- Ne pas arrêter ni modifier son traitement sans avis médical.
- Informer son médecin de tous les médicaments pris simultanément.
- Réserver les antibiotiques aux situations où ils sont réellement nécessaires.
Le paracétamol et l’ibuprofène restent des médicaments sûrs et utiles lorsqu’ils sont utilisés correctement.
À SAVOIR
La France est le premier consommateur européen de paracétamol, avec environ 500 millions de boîtes vendues chaque année, selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM). L’ibuprofène est le premier anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) en vente libre.







