Un homme avec un verre d'eau à la main, prenant ses antibiotiques.
L'usage excessif et incorrect des antibiotiques a favorisé l'apparition de bactéries plus résistantes. © Adobe Stock

Un retour en arrière : voilà ce à quoi pourrait se résumer l’antibiorésistance. Alors que les antibiotiques ont révolutionné le traitement des infections, ces derniers sont désormais confrontés à un phénomène inquiétant : les bactéries échappent aux médicaments et deviennent de plus en plus résistantes. En conséquence, la médecine moderne se trouve menacée, et des infections autrefois bénignes deviennent potentiellement mortelles. Comment expliquer ce bond en arrière ? La réponse du Dr Julien Textoris, directeur des affaires médicales chez Biomérieux et médecin anesthésiste réanimateur, sur le plateau de Votre Santé du mardi 12 novembre 2024.

On parle d’antibiorésistance lorsque les bactéries deviennent résistantes aux médicaments qui les combattent. Ce phénomène, lié à une surconsommation médicamenteuse, représente aujourd’hui l’une des plus grandes menaces pour la médecine moderne. Si la tendance se confirme, la médecine risque même de perdre la capacité de traiter des infections devenues courantes. Il est aussi question de rendre impossibles des actes médicaux essentiels, comme la chirurgie ou les traitements contre le cancer. 

L’OMS estime ainsi que près de 39 millions de personnes pourraient mourir chaque année en raison de cette antibiorésistance, d’ici 2050. Face à cette crise, la coopération entre professionnels de santé, institutions et industries pharmaceutiques est essentielle pour éviter un retour à une époque où même les infections bénignes peuvent être fatales. Mais alors, quelles sont les solutions ? Le Dr Julien Textoris, directeur des affaires médicales chez Biomérieux et médecin anesthésiste réanimateur, a apporté quelques éléments de réponse à l’occasion de son passage sur le plateau de l’émission Votre Santé, le mardi 12 novembre 2024. 

C’est quoi l’antibiorésistance ? 

C’est un terme complexe qui peut faire peur. Imaginons que vous attrapiez une infection urinaire. Aujourd’hui elle est facilement traitée avec des antibiotiques. Demain, la bactérie responsable de l’infection peut devenir résistante aux antibiotiques ! 

On va alors être obligé d’utiliser un autre antibiotique, d’une autre famille. Aujourd’hui, il n’existe qu’une dizaine de familles d’antibiotiques. La crainte actuelle est donc d’arriver à l’incapacité de traiter les infections bactériennes comme on le fait aujourd’hui. 

Pourquoi l’antibiorésistance est devenue un enjeu majeur de santé publique ?

On a découvert les antibiotiques il y a un peu plus d’un siècle. Aujourd’hui, on se rend compte que ces bactéries résistantes deviennent de plus en plus importantes. Une étude publiée en septembre 2024 estime que d’ici à 2050, il pourrait y avoir 39 millions de morts chaque année directement liés à la résistance aux antibiotiques. 

Pour se rendre compte, il suffit de comparer ce chiffre à d’autres maladies. L’OMS estime ainsi que le Covid-19 est responsable d’environ 7 millions de morts dans le monde depuis 2019. 39 millions, c’est cinq à six fois plus. 

Le risque, à terme, serait de perdre tous les progrès de la médecine moderne, si l’on n’était plus capable de traiter les infections. Une chirurgie banale comme la cataracte ne serait plus possible sans antibiotiques pour éviter l’infection oculaire. On sait que la chimiothérapie, dans le cadre de la lutte contre le cancer, affaiblit notre système immunitaire. Si on y a recourt, c’est bien parce que l’on est aussi capables de traiter les conséquences de ce traitement, comme les infections. Sans antibiotiques, cette arme contre le cancer ne pourrait donc plus être utilisée !

Voilà pourquoi nous faisons face à une problématique essentielle si l’on veut pouvoir continuer de faire de la médecine comme on le fait aujourd’hui !

L’antibiorésistance est-elle un enjeu en France aujourd’hui ? 

De plus en plus d’infections avec des bactéries résistantes sont observées à l’hôpital. Mais il y a aussi de plus en plus de gens qui viennent pour cause d’infections dites “communautaires” et qui sont déjà porteurs de bactéries résistantes ! 

Comment lutter efficacement contre cette antibiorésistance ? 

C’est assez complexe. Il faut plusieurs actions conjointes. Cette lutte commence déjà au niveau individuel. Chacun doit éviter de tomber malade. Il fait ainsi respecter les règles d’hygiène de base : se laver les mains, se faire vacciner, etc. Il faut aussi faire confiance à son médecin. Il ne faut pas aller lui demander des antibiotiques quand ce n’est pas nécessaire. Et quand il prescrit des antibiotiques, il faut suivre la prescription et ne pas s’arrêter au bout de deux jours car on se sent mieux. Ce n’est pas le cas en France, mais il y a des pays où les antibiotiques sont disponibles en accès libre. Et c‘est une catastrophe. Sans connaissances médicales, on va penser prendre un traitement efficace alors qu’il ne l’est pas. Tout cela favorise l’émergence de l’antibiorésistance !

Comment Biomérieux, à son niveau, agit contre l’antibiorésistance ? 

On va travailler au niveau des médecins et des professionnels de santé. Il y a évidemment de l’éducation médicale où le département joue un grand rôle. Il y a aussi l’utilisation des tests diagnostics. Ces derniers vont permettre aux médecins de déterminer la cause de la maladie. Aujourd’hui, environ 70% des décisions médicales sont basées sur un test diagnostic. dans le cas d’une infection respiratoire par exemple, c’est majoritairement due à un virus. Les antibiotiques n’ont pas d’actions sur les virus. Grâce aux tests diagnostic, le médecin va pouvoir décider de donner ou non des antibiotiques. 

C’est aussi grâce aux politiques de santé publique. La mise en place de mesures incitatives pour le bon usage des antibiotiques ainsi que les campagnes de vaccination. 

Qu’est-ce qu’un test in vitro? 

Depuis le Covid-19, tout le monde connait cet écouvillon que l’on met dans le nez pour le prélèvement des sécrétions nasales. Il s’agit d’un test in vitro. Grâce à cet échantillon, on va essayer de détecter le pathogène. Les prises de sang en laboratoire sont aussi un test in vitro. Pour reprendre l’exemple d’infections urinaires, le test in vitro est également le prélèvement d’urine. Avec ce prélèvement, le laboratoire va essayer de détecter quelle est la bactérie responsable de l’infection. Mais aussi déterminer le profil de sensibilité aux résistances antibiotiques pour guider le médecin dans la prescription. 

Quelles sont les alternatives aux antibiotiques ? 

Les règles d’hygiène et la vaccination. Mais aussi une utilisation raisonnée des antibiotiques. Les prendre quand on en a besoin. Pour des infections virales comme le Covid-19, on ne prend pas d’antibiotiques ! 

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 12 octobre 2024.

À SAVOIR

Il existe douze familles d’antibiotiques qui chacunes agissent différement pour combattre les bactéries.

Pénicillines (ex. : Amoxicilline) – Ciblent la paroi cellulaire.
Céphalosporines (ex. : Céftriaxone) – Ciblent la paroi cellulaire.
Macrolides (ex. : Azithromycine) – Bloquent la production de protéines.
Tétracyclines (ex. : Doxycycline) – Bloquent la production de protéines.
Fluoroquinolones (ex. : Ciprofloxacine) – Ciblent l’ADN des bactéries.
Aminoglycosides (ex. : Gentamicine) – Bloquent la production de protéines.
Sulfonamides (ex. : Sulfaméthoxazole) – Empêchent la production d’acide folique.
Carbapénèmes (ex. : Imipénème) – Ciblent la paroi cellulaire.
Glycopeptides (ex. : Vancomycine) – Ciblent la paroi cellulaire.
Lincosamides (ex. : Clindamycine) – Bloquent la production de protéines.
Oxazolidinones (ex. : Linezolide) – Bloquent la production de protéines.
Polymyxines (ex. : Colistine) – Endommagent la membrane cellulaire.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du Groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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