
Alors que plus de 9 millions de Français en consomment régulièrement, une nouvelle étude canadienne alerte sur les effets paradoxaux des benzodiazépines et des médicaments apparentés. Loin d’améliorer le sommeil, ils le dégradent et peuvent nuire à la mémoire et aux capacités cognitives.
En France, les benzodiazépines et leurs dérivés dits « Z-drugs » (Stilnox®, Imovane®, Lexomil®, Xanax®, Valium®…) restent parmi les médicaments les plus prescrits contre l’insomnie. Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), plus de 9 millions de Français en consomment chaque année.
Leur usage, pourtant censé être limité à quelques jours à 3 semaines pour les hypnotiques (somnifères) et à 12 semaines maximum pour les anxiolytiques, se prolonge souvent sur plusieurs mois, voire plusieurs années.
Mais une série d’études récentes, dont la dernière publiée par l’Université Concordia (Montréal) en septembre 2025, remet sérieusement en question leur efficacité et surtout leur innocuité.
Quand les somnifères empêchent… de bien dormir
Que révèle la nouvelle étude canadienne ?
Des chercheurs ont suivi trois groupes de personnes âgées de 55 à 80 ans :
- des bons dormeurs,
- des insomniaques non traités,
- et des insomniaques prenant régulièrement des benzodiazépines ou médicaments en Z (au moins trois fois par semaine depuis plus de trois mois).
Résultats, les personnes sous traitement présentaient moins de sommeil profond, un sommeil plus fragmenté et surtout une altération de la synchronisation des ondes cérébrales. Un mécanisme essentiel pour consolider la mémoire et protéger les fonctions cognitives. Autrement dit, ces médicaments permettent peut-être de s’endormir plus vite, mais ils empêchent le cerveau de bénéficier d’un sommeil réellement réparateur.
Des chiffres qui parlent
- Plus de 9 millions de Français ont reçu une benzodiazépine en 2024 (ANSM, 2025).
- Selon Santé publique France, environ 13 % des 18–75 ans souffrent d’insomnie chronique, avec une prévalence plus marquée chez les personnes âgées.
- La durée maximale recommandée est de 3 semaines pour les somnifères et de 12 semaines pour les anxiolytiques. Dans la pratique, ces prescriptions sont fréquemment prolongées bien au-delà .
À forte dose ou à long terme, ces médicaments augmentent aussi le risque de chutes, de troubles cognitifs et de démence. Les critères de l’American Geriatrics Society (2023) précisent qu’ils sont à éviter chez les plus de 65 ans pour l’insomnie et l’anxiété courante, sauf indications particulières (comme les sevrages ou les crises convulsives).
Pourquoi le cerveau trinque ?
Le sommeil profond n’est pas un luxe. C’est une étape vitale où le cerveau se répare, trie et range les informations de la journée. C’est à ce moment précis que les neurones se régénèrent, que la mémoire se consolide et que les déchets toxiques sont évacués.
Or, les benzodiazépines et leurs dérivés viennent perturber ce cycle essentiel. Ils favorisent l’endormissement, mais au prix d’un sommeil appauvri, moins réparateur. Les chercheurs parlent même d’un « sommeil artificiel ». L’impression de dormir, sans que le cerveau ne profite de son vrai nettoyage nocturne.
Peut-on arrĂŞter ces traitements du jour au lendemain ?
Non. Un arrêt brutal entraîne souvent une insomnie de rebond, encore plus sévère, et peut s’accompagner de symptômes de sevrage (anxiété, irritabilité, palpitations).
Les spécialistes recommandent un sevrage progressif, accompagné d’un suivi médical, parfois complété par une thérapie cognitivo-comportementale (TCC). Cette approche non médicamenteuse est aujourd’hui considérée comme le traitement de première intention de l’insomnie chronique.
Quelles alternatives pour mieux dormir ?
Avant de penser médicament, les experts insistent sur les mesures d’hygiène du sommeil :
- adopter des horaires réguliers,
- limiter les écrans le soir,
- éviter le café, le thé et l’alcool en fin de journée,
- pratiquer une activité physique douce,
- créer un rituel apaisant avant le coucher.
Certaines solutions naturelles (phytothérapie, relaxation, méditation, mélatonine en usage ponctuel) peuvent aussi aider, mais leur efficacité reste variable et doit être discutée avec un professionnel de santé.
Ă€ SAVOIR
Selon l’Assurance Maladie, la consommation de benzodiazépines en France reste particulièrement élevée par rapport à nos voisins européens : près d’un Français sur dix en a reçu au moins une prescription en 2022.







