Les addictions sont un fléau qui touche des millions de Français, à tel point qu’une personne sur dix signale avoir été confrontée à un moment de sa vie à des problèmes d’addiction. Et la crise n’a fait qu’accentuer ce constat : un peu plus d’un tiers des consommateurs auraient augmenté leur usage de substances addictives suite à la pandémie. Déployé par la Métropole de Lyon, le dispositif AMé Lyon a justement pour vocation d’améliorer le repérage et la prise en charge des addictions. Le Dr Véronique Fonteille, médecin addictologue aux Hospices Civils de Lyon, explique le rôle et les bienfaits de cet outil sur le plateau de l’émission “Votre Santé”, sur BFM TV Lyon.
Depuis 2022, la Métropole de Lyon a lancé AMéLyon afin de lutter contre l’augmentation des risques d’addiction après la pandémie. Ce programme vise à sensibiliser et à aider les populations vulnérables, en particulier les femmes enceintes et les enfants. En outre, l’objectif est de réduire les risques liés à la consommation de substances psychoactives. Les explications du Dr Véronique Fonteille, addictologue et cheffe de service adjoint au SUAL (Service Universitaire d’Addictologie de Lyon), à l’occasion de son passage sur le plateau de l’émission Votre Santé du 11 juin 2024, sur BFM TV Lyon.
En quoi consiste le dispositif AMé Lyon ?
Le dispositif AMé Lyon, pour Addictologie Métropole de Lyon, est un dispositif mis en œuvre en collaboration avec la Métropole de Lyon, à la suite d’un appel à projets de l’Assurance Maladie. Il s’inspire du modèle des ELSA (Équipes de Liaison et de Soins en Addictologie), qui interviennent au sein des services hospitaliers.
Cependant, notre approche élargit ce cadre en intervenant directement au sein des maisons de la Métropole : Protection Maternelle et Infantile (PMI), services de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), ainsi que les anciens Centres de Planification et d’Éducation Familiale (CPEF).
L’objectif est de diffuser et d’intégrer la culture et les pratiques addictologiques au sein des maisons de la Métropole.
Comment s’organise le comité de pilotage de ce dispositif tripartite ?
Nous nous réunissons tous les trois mois avec un comité de pilotage pour avancer ensemble. L’idée est de favoriser une acculturation entre nos différents domaines : l’addictologie, la périnatalité, la protection maternelle et infantile, ainsi que l’aide sociale à l’enfance. Cette pluralité de perspectives est une richesse.
Nous savons que l’addictologie n’est pas toujours bien connue ni reconnue comme une maladie. Ces réunions nous permettent de partager et de confronter nos différents points de vue.
Quel type de public vient principalement vous voir ?
Nous retrouvons les mamans, les femmes enceintes, mais aussi les conjoints. Il y a également tous les enfants, ainsi que leurs parents qui consultent la Protection Maternelle et Infantile, et les jeunes placés dans le cadre de l’Aide Sociale à l’Enfance.
Comment envisagez-vous de motiver toutes ces populations à venir vers vous ?
La CPAM (Caisse Primaire d’Assurance Maladie) a souligné les difficultés rencontrées par certains patients pour consulter dans les centres spécialisés. Notre objectif est donc de les accompagner dans ce processus.
Les équipes de liaison et de soins en addictologie jouent un rôle central dans cette démarche. Elles réalisent un premier entretien afin de présenter les divers dispositifs de prise en charge disponibles. Des permanences addictologiques sont proposées dans les maisons de la métropole, offrant ainsi un premier avis éclairé.
Il s’agit de déterminer s’il s’agit d’un usage récréatif ou d’une potentielle addiction. L’importance de ce premier contact est de pouvoir orienter l’individu vers les services adéquats.
Sommes-nous davantage orientés vers le curatif ou vers le préventif ?
Nous nous investissons dans les deux aspects. Des initiatives préventives sont mises en place, car il arrive souvent que les parents manquent d’information sur les conséquences de leurs comportements. Ainsi, nous nous efforçons également de les sensibiliser et de les informer.
Notre dispositif vise à combiner des actions de prévention, de réduction des risques, et de prise en charge médicale.
Quelles sont les addictions les plus courantes que vous rencontrez au quotidien ?
La porte d’entrée, principalement, ce sont le tabac et l’alcool, car ils sont plus aisés à aborder. En revanche, nous observons également la consommation de cannabis, de cocaïne, et surtout celle de médicaments. Nous constatons aussi une augmentation de la dépendance aux opioïdes, notamment au tramadol. C’est un sujet sur lequel nous devons également nous pencher attentivement.
La crise Covid a-t-elle exacerbé ces problèmes d’addiction ?
Effectivement, outre la crise sanitaire, l’actualité politique contribue à une détérioration de la santé mentale. Cela entraîne une augmentation significative du niveau de stress et d’anxiété. De nombreux individus se retrouvent privés de leur emploi, ce qui constitue un terreau propice au développement d’addictions. Ainsi, nous observons une détérioration de la santé mentale qui favorise cette tendance à l’aggravation des problèmes d’addiction.
Comment se déroule concrètement une consultation ?
Le dispositif AMé Lyon offre la flexibilité des deux approches : par téléphone ou en direct.
En évoquant la protection maternelle infantile ou l’aide sociale à l’enfance, on envisage souvent la perspective de signalements ou de placements. Il est donc compréhensible que les femmes puissent ressentir de l’appréhension à parler de leurs comportements addictifs. Elles craignent que cela n’entraîne immédiatement le placement de leur enfant. L’objectif était donc de mettre en place un dispositif où elles pourraient être vues en personne ou contacter par téléphone.
L’avantage de la ligne téléphonique réside dans la disponibilité d’une infirmière addictologue en ligne. Cela offre ainsi la possibilité de rester anonyme tout en obtenant un soutien et des conseils.
Pouvez-vous intervenir de manière concrète et efficace assez rapidement ?
Lorsqu’une patiente appelle, nous l’orientons et effectuons un premier point par téléphone. Si elle préfère une consultation en personne, elle a la possibilité de nous rencontrer soit dans une maison de la métropole. Soit pour éviter de croiser d’autres professionnels si elle est préoccupée par une situation en cours, soit directement dans nos services d’addictologie.
Pour prendre rendez-vous avec nous, vous pouvez passer par la Maison de la Métropole ou nous contacter par mail à l’adresse suivante : hcl.amelyon@chu-lyon.fr.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 10 juin 2024 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
En plus des addictions classiques telles que le tabac et l’alcool, de nouvelles formes d’addiction émergent, comme celles aux écrans et aux réseaux sociaux. Ces dernières peuvent avoir des effets néfastes sur la santé mentale et le bien-être des individus, notamment chez les jeunes.