Christian Têtedoie sur le plateau de BFM TV Lyon qui parle de sa collaboration avec le centre L.Bérard.
Christian Têtedoie (Chef étoilé lyonnais) répond aux questions de Pascal Auclair (Groupe Ma Santé). © BFM TV Lyon

Les repas dans les hôpitaux sont conçus pour fournir un équilibre nutritionnel adapté aux besoins du patient, en tenant compte de son état de santé et de ses traitements médicaux. Au détriment, bien souvent, des qualités gustatives. Depuis cinq ans, le chef étoilé, Christian Têtedoie tente de réconcilier équilibre alimentaire et plaisir du palais avec des menus innovants servis au centre Léon Bérard, à Lyon. 

Selon une récente étude du CNA (Centre National de l’Alimentation), près de 40% des repas seraient jetés à la poubelle. Pour combattre ce fléau, depuis cinq ans, le chef étoilé, Christian Têtedoie travaille en étroite collaboration avec le centre Léon Bérard (centre de lutte contre le cancer) afin d’offrir des repas de choix aux malades. Le chef lyonnais raconte ce projet remarquable sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 16 avril 2024, sur BFM TV Lyon.

Quel a été le déclic pour lancer ce projet ?

Le déclic est simple, c’est souvent le même. On est touché par un proche ou un ami. C’est ce qui m’a incité à accompagner une dame qui était la maman de ma collaboratrice et secrétaire de direction. Pendant plusieurs jours, nous l’avons accompagnée jusqu’à la fin de sa vie. On a essayé de rivaliser d’imagination pour pouvoir lui permettre de manger un petit peu. L’hôpital a vu ce qu’on faisait et m’a ainsi demandé de collaborer.

En quoi consiste cette collaboration avec le Centre Léon Bérard ?

Depuis cinq ans, on a fait énormément de choses. On essaie d’apprendre grâce aux patients. On fait des réunions avec eux, mais aussi des ateliers cuisine. La mission du quotidien a été de repenser tous les menus, travailler davantage les produits frais, faire les cuissons les plus justes possible. Pas toujours simple car on est contraint par des normes de surcuisson assez dommageables. J’essaie donc d’être à la limite du raisonnable pour garder au maximum les propriétés nutritives des aliments.

Quelle est la réaction des malades face à cette approche innovante ? Sont-ils plutôt dubitatifs ou enthousiastes ?

Ils sont souvent touchés par la présence d’un chef qui vient s’occuper d’eux dans ces moments difficiles. Beaucoup de patients me disent “Je viens d’un autre hôpital, je n’ai pas mangé depuis trois semaines et quand j’ai vu le plateau arriver, j’ai eu envie de manger !” Pour moi, c’est la meilleure des récompenses. Maintenant et depuis au moins deux ans, on observe aucune perte de poids à l’hôpital et c’est vraiment très important. Preuve que, quand on fait de la bonne cuisine, les gens mangent !

Comment cuisine-t-on pour une personne atteinte d’une maladie souvent grave ? Y a-t-il une approche différente en fonction des pathologies ?

Oui, car il existe de nombreuses formes de cancers, notamment pour les femmes. Il y a donc des traitements différents et les ressentis gustatifs sont eux aussi différents. On essaie de s’adapter. Ça n’est pas toujours facile. Au fur et à mesure des années, on arrive à être un peu moins ignorants mais il reste encore beaucoup de chemin à faire. 

L’important, c’est de les accompagner à l’hôpital mais aussi à leur sortie. On le sait, les femmes portent beaucoup sur elles. Elles ne veulent pas inquiéter leurs enfants, leur mari, leurs parents. Donc, quand elles arrivent à la maison, elles ne peuvent pas s’empêcher de reprendre les tâches quotidiennes. J’essaie alors de leur apprendre à cuisiner des choses simples en trois étapes. L’ensemble dure environ dix minutes. Ainsi, elles se fatiguent moins et ne perdent pas trop de temps en cuisine.

Dans la conception de ces plats, y a-t-il des ingrédients à éviter ou au contraire à privilégier ?

L’ingrédient le plus terrible est le pamplemousse, il est sérieusement à éviter parce qu’il y a des interactions avec les médicaments qui sont très importantes. Sur le plan gustatif, on retrouve souvent des gens qui n’aiment plus la betterave ou les agrumes comme le citron. Cependant, tous les cas sont différents. Certaines femmes vous diront qu’elles n’aimaient pas le citron et maintenant elles adorent ça ! C’est assez particulier.

Vous avez organisé un atelier début avril pour fêter vos cinq ans de collaboration avec le Centre Léon Bérard, quels sont les retours des patients que vous avez rencontrés ?

Il y avait principalement des dames, hormis deux messieurs. On a passé un après-midi extraordinaire. Là encore, nous leur avons appris des recettes assez faciles à faire. Nous avions eu une réunion avec elles avant l’évènement pour être au plus près de leurs attentes. Je crois qu’on a fait un carton et que c’était vraiment très réussi ! À chaque fois, elles nous disent que ça leur fait du bien qu’on les écoute. Que l’on prenne en considération tout ce qu’elles peuvent ressentir. 

C’est un moment de partage entre elles. C’est très important parce que, souvent, elles prennent tellement sur elles, qu’elles en oublient de se confier et de partager avec les autres. Ce sont des moments très riches pour tout le monde.

Avez-vous des moyens de diffusion pour faire connaître ces recettes aux personnes malades ?

Pas encore, mais on y travaille ! Nous avions fait un blog il y a quelques années. Depuis, le projet est tombé à l’eau. Dommage car les gens pouvaient à la fois consulter nos recettes, mais aussi apporter des commentaires et des idées de recettes. À l’heure actuelle, nous sommes un peu orphelins. Mais on travaille pour la mise en ligne prochaine d’un nouveau site.

À SAVOIR

Près d’un milliard de repas sont servis en milieu hospitalier en France chaque année, dont 78 % en hôpital public. Ce type de restauration doit répondre à quatre objectifs : sécurité sanitaire, qualité de service, qualité nutritionnelle et productivité. La problématique du goût est donc un enjeu complexe dans la conception des menus.

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