Nombreux sont les malades du cancer à avoir fait les frais de l’épidémie de la Covid-19. Entre reports de soins, peur de l’hôpital et absence de dépistages, les dégâts sont lourds et renforcent un peu plus le besoin de soutenir la recherche contre le cancer. À l’heure où les donations, aspirées par la mobilisation contre la Covid-19, sont en berne, le président du Comité du Rhône de la Ligue contre le cancer, Jean-Pierre Martin, a profité de la dernière émission Votre Santé, jeudi 3 février, pour renouveler un appel général à la générosité.
Le cancer reste la première cause de mortalité prématurée en France. Une triste réalité nourrie par des chiffres (près de 400 000 nouveaux cas détectés chaque année) et qui justifie la nécessité d’une sensibilisation efficace. Près de la moitié des cancers pourraient en effet être évités grâce à une meilleure prévention. Un message au coeur, comme chaque année, de la journée mondiale pour la lutte contre le cancer organisée le 4 février.
Depuis deux ans, le discours s’est toutefois alourdi, face à l’impact de la crise sanitaire. De nombreux malades, en effet, n’ont pu être pris en charge de manière optimale, pour des raisons organisationnelles comme émotionnelles. La déprogrammation des activités jugées non essentielles dans les hôpitaux a laissé de lourdes traces, tant en termes de traitements que du dépistage. Les dons, aussi, se sont amenuisés, l’ensemble de l’effort collectif étant concentré sur la Covid-19.
Les malades du cancer font-ils partie des grands perdants de l’épidémie? C’est en substance ce qu’a regretté Jean-Pierre Martin, le président du Comité du Rhône de la Ligue contre le Cancer, sur le plateau de l’émission Votre Santé du jeudi 3 février, face à Élodie Poyade et Pascal Auclair, rédacteur en chef du Groupe Ma Santé.
« Le cancer n’a pas pris de repos, il ne s’est pas confiné »
Dans le contexte sanitaire actuel, la journée mondiale contre le cancer est-elle encore plus importante cette année ?
Évidemment, l’épidémie de la Covid-19 a eu un impact très marqué sur le dépistage et la prise en charge des personnes atteintes d’un cancer. Notamment pendant le premier confinement. Heureusement, les équipes se sont mobilisées pour permettre une meilleure prise en charge des patients, avec le moins de retard possible.
Le cancer n’a pas pris de repos, il ne s’est pas confiné. On parle de plus de 130 000 morts de la Covid-19 depuis environ deux ans. Le nombre de personnes décédées à la suite d’un cancer, sur cette même période, est deux fois plus élevé. On compte au moins 300 000 décès. C’est une maladie de tous les jours, un problème permanent. Il faut donc continuer d’agir quotidiennement, et pas seulement lors d’une journée mondiale de mobilisation. Il faut s’appuyer sur deux axes clés pour lutter contre le cancer, le dépistage et la prévention.
Un dépistage désorganisé
Au-delà de l’impact sur les malades, la crise sanitaire s’est-elle répercutée sur les donations faites à la Ligue contre le cancer ?
Non, même si l’année 2020 a été assez complexe, en 2021 les donateurs ne nous ont pas oubliés. Tant au niveau national que régional. La Ligue est parvenue à un résultat qui nous a permis de remplir le plus correctement possible nos missions. 50% de nos ressources sont dédiées au soutien de la recherche, notamment des équipes régionales. L’autre partie est attribuée à l’aide aux patients, au financement des soins de support, etc.
De nombreuses opérations ont dû être annulées à cause des déclenchements des « plans blancs » dans les hôpitaux lyonnais. Faut-il craindre de lourdes conséquences dans la lutte contre le cancer ?
En effet, le « dépistage organisé », qui revient à inviter une tranche précise de personnes pour se faire dépister, a été totalement désorganisé. Pour identifier des possibles cancers du sein, les femmes sont soumises à des mammographies. Des recherches dans les selles sont aussi réalisées pour repérer le cancer du côlon. Tout comme des tests pour celui du col de l’utérus. Avec les « plans blancs », toutes ces convocations ont été supprimées. Il y a toutefois eu un rattrapage, les organismes se sont bien relancés. Du retard peut donc être constaté au niveau de la prise en charge des patients ou du dépistage. Mais les conséquences ne devraient pas être trop lourdes.
« Il faut travailler en amont de la maladie »
En France, comment évolue le nombre de personnes atteintes d’un cancer ?
De 1990 à 2010, il y a eu de fortes augmentations. Mais le taux d’incidence (nombre de nouveaux cas diagnostiqués chaque année dans une population déterminée) s’est stabilisé ces dernières années. Actuellement, on parle beaucoup d’une forme de cancer particulière : le cancer du poumon féminin. Chez les hommes, son taux d’incidence est en baisse depuis plusieurs années. A l’inverse, chez les femmes il augmente chaque année de 3.5%.
Cette semaine, la Haute Autorité de Santé a autorisé le dépistage généralisé du cancer du poumon chez les fumeurs. Est-ce une avancée importante pour la France ?
C’est évidemment une avancée très significative. La HAS est longtemps restée opposée à l’autorisation de ce dépistage. Alors que les pneumologues, radiologues et autres praticiens souhaitaient la mise en place de ce dépistage plus performant.
Faut-il privilégier la prévention du cancer au lieu de se focaliser sur son traitement ?
Il faut en effet penser d’abord à la prévention, car il est important de travailler en amont de la maladie. La Ligue a toujours été un moteur dans l’information. Ses premières actions se sont traduites par de la propagande, dans le sens où elle recommandait aux patients de consulter un médecin s’ils avaient des symptômes.
A SAVOIR
La Ligue contre le cancer fêtera le 100è anniversaire de son installation à Lyon en 2022. pour soutenir cette association, rendez-vous sur leur site