Les naissances prématurées sont de plus en plus nombreuses en France. Quel est l’impact sur le développement du bébé ? Edouard Gentaz, professeur de psychologie du développement à l’Université de Genève et directeur de recherches au CNRS (LPNC-Grenoble), et co-auteur d’un ouvrage* sur ce sujet, livre les dernières découvertes de la science.
Une partie de votre ouvrage porte sur le développement des sens chez le prématuré. Qu’est-ce que la science a découvert à ce propos ?
On voit que certains sens se développent plus vite que d’autres. Par exemple, nous avons mené une étude sur les compétences tactiles qui démontre que le bébé prématuré est capable de reconnaître un objet. Né deux mois avant terme, il possède déjà un micro-apprentissage : il a une petite mémoire qui lui permet de s’habituer aux objets et aux formes. Actuellement, nous rédigeons un article qui montre que l’environnement sonore proposé au bébé, comme des bruits quotidiens, peut diminuer ses capacités tactiles. On se rend compte que lorsque l’on met un objet dans la main de bébé, il le tient de moins en moins longtemps puis lorsqu’un objet différent lui est proposé dans la même main, il le tient à nouveau longtemps. Mais si l’on fait le même test avec un fond sonore, cela dégrade ses performances. C’est pourquoi il faut faire très attention à l’environnement sonore du bébé prématuré. Quant à la vision et l’audition, les 2 sens qui se développent le plus tard, les compétences en la matière des prématurés semblent plus fragiles.
Eviter les facteurs de stress pour le prématuré
Est-ce que ce léger retard pour la vision et l’audition aura un impact sur l’enfant plus âgé ?
Ce retard va très rapidement être comblé. Le but va être d’optimiser au maximum les soins pour répondre aux besoins spécifiques du prématuré. Cela est important car même si fort heureusement, une grande partie des prématurés se porte à merveille, certains risquent de développer des problèmes. Mais attention, il s’agit seulement d’un « risque de », il ne faut pas paniquer les parents.
Les bébés nés prématurément souffrent de leur environnement sonore donc, mais aussi de la lumière : quel impact le stress généré par ces stimuli peut-il avoir sur le bébé prématuré ?
Pendant les premières semaines de sa vie, le bébé prématuré souffre effectivement d’un environnement agressif : c’est très lumineux, bruyant, on n’arrête pas de le réveiller, on lui présente des odeurs qu’il n’aime pas forcément. Tout cela crée du stress délétère pour son développement. C’est pour cela que dans certains services, on fait aujourd’hui en sorte que les alarmes ne soient pas placées dans la chambre du bébé, que l’on fait attention aux odeurs. Il faut se rendre compte que le prématuré reçoit de très nombreuses informations olfactives : les gants du personnel, le produit dans la seringue, les odeurs de ménage… Tout l’art est de ne pas sur-stimuler, et de ne pas non plus sous-stimuler. Cela repose sur le savoir-faire du personnel. Autre exemple : on a longtemps mis des moufles au prématuré pour ne pas qu’il s’arrache ses tuyaux. Le problème est que cela bloque son exploration du monde avec les mains. Idem lors des soins du bébé : pour éviter de le réveiller, il faudrait pouvoir s’adapter à son rythme, ou regrouper les soins. Cela demande un travail énorme au niveau de la gestion du service de néonatalogie qui compte souvent plus de 100 personnes.
*L’enfant prématuré, développement cognitif et affectif, d’Edouard Gentaz et Fleur Lejeune, éditions Odile Jacob, 2015.
A savoir
En France, 4 naissances sur 5 ont lieu à partir de 32 SA (semaines aménorrhées). La prématurité extrême concerne les bébés nés avant 28 SA, la très grande prématurité se situe entre 28 et 32 SA, la modérée entre 32 et 34 SA, et la tardive entre 34 et 37 SA.