Une femme qui suspecte un mélanome à cause d'une surproduction d'hormones féminines appelées œstrogène.
Chez les femmes jeunes, le mélanome peut être plus agressif selon l'Institut Curie. © Freepik

Jusqu’ici classés comme “non hormonodépendants”, certains cancers, dont le mélanome ou le cancer gastrique, pourraient en réalité être stimulés par les œstrogènes. Une étude de l’Institut Curie et de l’Inserm, publiée dans la revue scientifique Nature le 11 juin 2025, dévoile un mécanisme inédit qui rebat les cartes de l’oncologie. On vous explique.

Pendant des décennies, le monde médical a opéré une distinction nette entre les cancers dits “hormonodépendants”, comme ceux du sein ou de la prostate, influencés par les hormones sexuelles, et les autres, considérés comme totalement indépendants de ces mécanismes. Mais cette frontière, qui paraissait bien établie, vacille désormais.

Une équipe française, associant chercheurs de l’Institut Curie et de l’Inserm, révèle dans Nature qu’une voie moléculaire activée par les œstrogènes pourrait favoriser la progression et la métastatisation de certains cancers, jusque-là considérés comme “non hormonodépendants”. En ligne de mire : le mélanome, les cancers de l’estomac ou encore de la thyroïde.

Le mécanisme ESR1-GRPR-YAP1 : une boucle pro-métastatique

L’étude a identifié une boucle moléculaire aussi élégante que pernicieuse :

  1. Les œstrogènes stimulent le récepteur ESR1, bien connu dans les cancers du sein.
  2. ESR1 augmente l’expression de GRPR, un récepteur impliqué dans la signalisation cellulaire.
  3. GRPR active la voie YAP1, qui réduit l’expression d’E-cadhérine, une protéine essentielle à la cohésion cellulaire.
  4. Cette perte d’adhérence permet aux cellules cancéreuses de se détacher, de résister à l’anoïkis (une forme de mort cellulaire) et de coloniser d’autres tissus.

“Nous avons mis en évidence un mécanisme circulaire où chaque maillon renforce le suivant, ce qui favorise l’invasion tumorale”, résume la Dr Fatima Mechta-Grigoriou, directrice de recherche Inserm à l’Institut Curie et co-auteure de l’étude.

Une spécificité féminine aux conséquences cliniques

Si cette boucle est activée par les œstrogènes, elle concerne au premier chef les femmes. Et en particulier les femmes préménopausées chez qui les taux hormonaux sont naturellement plus élevés. Ce phénomène pourrait expliquer pourquoi certaines tumeurs, comme le mélanome, semblent plus agressives dans cette population.

Les auteurs de l’étude insistent. Le sexe et le statut hormonal doivent désormais être intégrés à la stratégie thérapeutique. Même dans des cancers non classiquement hormonodépendants.

Des pistes thérapeutiques concrètes

Au-delà de la découverte fondamentale, les chercheurs entrevoient des perspectives cliniques prometteuses. En ligne de mire : le récepteur GRPR, qui pourrait être ciblé par des molécules déjà connues. “Bloquer GRPR permettrait de freiner les métastases, mais aussi d’agir sur certains symptômes, notamment la douleur, car ce récepteur joue aussi un rôle dans les voies nociceptives”, précisent les auteurs.

Autre piste : l’utilisation d’anti-œstrogènes, déjà largement employés dans les cancers du sein, pour inhiber l’activation d’ESR1 et casser cette boucle pro-métastatique.

Un changement de paradigme pour l’oncologie

La découverte impose un virage conceptuel : la classification hormonale des cancers devra être revisitée. Elle renforce aussi l’idée que la médecine personnalisée doit tenir compte de paramètres comme le sexe ou le cycle hormonal. Les essais cliniques à venir devront intégrer ces facteurs pour proposer des traitements plus adaptés.

Pour les chercheurs, l’enjeu est désormais d’évaluer la pertinence de ces cibles thérapeutiques sur des cohortes plus larges et en conditions cliniques réelles.

À SAVOIR

Les œstrogènes ne sont pas seulement produits par les ovaires. Ils peuvent aussi être fabriqués localement par certaines cellules cancéreuses, ce qui leur permet de s’auto-stimuler et de devenir plus agressives, même sans influence hormonale extérieure selon l’Inserm.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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