De nombreuses questions demeurent sur la contagiosité des enfants à la Covid-19. Depuis l’apparition du virus, les pédiatres s’interrogent. Sont-ils si contaminants ? La réouverture des écoles et le port du masque pour les enfants dès 6 ans sont-ils pertinents ? Le point sur les rapports entre l’enfant et la Covid-19 avec le pédiatre lyonnais Jean Stagnara, invité de l’émission Votre Santé.
Depuis le début de la pandémie de Covid-19 en France, la question de la contamination et de la contagiosité des enfants fait débat. La future campagne de vaccination qui se profile ne concernera pas prioritairement cette tranche d’âge, considérée comme non à risque.
Source de débats scientifiques, les mesures sanitaires comme le port du masque doivent-elles continuer d’être appliquées aux enfants ? Éléments de réponse avec le Dr Jean Stagnara, pédiatre lyonnais et co-fondateur de Pédiasanté, invité d’Élodie Poyade et Pascal Auclair dans l’émission Votre Santé (BFM Lyon).
Les enfants épargnés par la Covid-19 ?
Depuis le début de la crise sanitaire, les enfants sont très peu touchés par le coronavirus. Sait-on pourquoi ?
Jean Stagnara : Nous savons que les enfants sont peu contaminants et peu contaminés. Cependant, nous constatons de plus en plus l’existence de clusters intra-familliaux. Récemment, un enfant d’un mois et demi qui était au lait maternel a ainsi été testé positif. Il vit dans une famille de quatre enfants et deux parents. Cela illustre le fait que les cas sont possibles chez les enfants. Si au début de la crise, nous étions prudents avec les enfants, nous effectuons aujourd’hui plus de prélèvements pour essayer de comprendre les risques éventuels. Il faut souligner aussi que les enfants, depuis leur retour à l’école, respectent les gestes barrières. Ils sont vigilants quant au port du masque, la distanciation et le lavage des mains. C’est un point positif.
Avez-vous relevé, depuis le mois de mars, un nombre important d’enfants positifs à la Covid-19 ?
Oui, mais nous avons surtout beaucoup plus de cas négatifs. En pédiatrie de ville, aucun des cas avérés n’a subi de forme grave, ou de complication. Certains enfants ont été hospitalisés mais cela concernait le syndrome de Kawasaki. Toutefois, comme pour le reste de la population, nous observons une décrue. Ce qui est là encore rassurant.
“Il semble que les enfants soient moins contaminants que nous le pensions”
La potentielle contagiosité des enfants à la Covid-19 a été source de polémiques et de différentes hypothèses. Estimez-vous que le taux de contaminations des enfants a été surévalué au départ de la pandémie ?
Au niveau pédiatrique, il est évident que cela a effectivement été surévalué au début. Nous pensions que le coronavirus était comme la grippe. Si cela était avéré, ce serait problématique. Lors de la grippe, les enfants ne sont pas ou peu malades et cela passe inaperçu dans les rhino-pharyngites. Mais ils deviennent extrêmement contaminants et peuvent transférer la grippe aux personnes âgées ou fragiles. Pour le coronavirus, il semble avérer qu’actuellement, les enfants soient moins contaminants que nous le pensions. Toutefois, il est primordial de garder une vigilance à l’approche des périodes de fêtes de fin d’année.
Le port du masque chez les enfants, bonne idée ?
Depuis mars, le port du masque est obligatoire pour les collégiens et lycéens. Une obligation élargie, début novembre, aux enfants dès six ans à l’école. Êtes-vous favorable à cette mesure ?
Tout d’abord, il est heureux que les enfants aient pu retourner à l’école. Cela aurait été dramatique pour la nation d’avoir une génération d’enfants non scolarisés aggravant ainsi les différences sociales et intellectuelles. Les pédiatres n’étaient pas totalement favorables au port du masque. Mais nous avons constaté que cela a été bien toléré. Les enfants, que ce soit dans la rue ou à l’école, le portent bien et respectent même cette recommandation dans la sphère privée.
Covid-19 : un impact… positif sur les autres maladies
Cela fait neuf mois que la pandémie a commencé en France. Quelles conclusions pouvons-nous déjà établir au niveau pédiatrique ?
Actuellement, nous observons deux bonnes nouvelles et une moins bonne, en épidémiologie. Tout d’abord, grâce aux gestes barrières, nous ne recensons pas de bronchiolite qui est une maladie grave chez les petits. Également, la grippe n’a pas encore démarré grâce à ces protections. Ensuite, nous avons diminué la consommation d’antibiotiques et des anti-inflammatoires. C’est une bonne nouvelle puisque la France est une trop grande consommatrice de ces médicaments. Néanmoins, à cause de l’épidémie, nous regrettons la baisse importante de consultation des enfants et des parents. Par conséquence, le taux de vaccination a baissé. Il faudra être vigilant à cet effet là puisque nous craignons une augmentation de cas de rougeole, de coqueluche et autre.
Dépistage et vaccination au cœur des débats
La première campagne de vaccination contre la Covid-19 approche. Tous les enfants devront-ils être vaccinés selon vous ?
Non. Bien sûr, dès que possible, il faudra vacciner le plus possible. Mais chez les enfants, la priorité devra aller aux plus fragiles. C’est à dire ceux ayant une cardiopathie, une insuffisance respiratoire, de l’asthme… À mon avis, la vaccination ne devrait pas aujourd’hui se faire plus largement concernant les enfants.
Le dépistage massif est une stratégie importante. Faut-il dépister tous les élèves avant ou après les vacances ?
Il faut se reposer sur le bon sens. La Région Auvergne-Rhône-Alpes compte appliquer cette stratégie pour la fin du mois de décembre. Nous ne sommes pas les seuls à le faire : des pays, des régions ont recours aussi à cette stratégie. Le dépistage massif est une vraie aide au niveau épidémiologique. Je pense qu’une telle opération avant les vacances est une bonne chose.
Pour voir l’émission Votre Santé du 3 décembre en replay sur BFM Lyon.
À SAVOIR
La crise sanitaire ne doit pas retarder les rendez-vous avec son médecin pédiatre ! Les enfants doivent continuer à se faire vacciner. Depuis le 1er janvier 2018, ce sont 11 vaccins qui sont obligatoires pour les enfants de moins de 2 ans.