Illustration : recherche des vaccins
Image d'illustration : Recherche des vaccins ©Pixabay

Face à la pandémie du COVID-19, les laboratoires du monde entier luttent pour trouver un vaccin. Les dernières pistes sont encourageantes comme l’annonce l’Américain Pfizer, alors que d’autres laboratoires comme Sanofi, dont la division vaccin est basée à Lyon, affichent aussi leur optimisme pour la distribution d’un remède anti-covid en 2021. Toujours en expérimentation, les vaccins-candidats devront ensuite obtenir l’aval judiciaire pour leurs commercialisations. Ma Santé fait le point sur le parcours réglementaire d’un vaccin jusqu’à sa diffusion.

Face à une tension hospitalière toujours aussi forte en Auvergne Rhône-Alpes, l’espoir d’un vaccin grandit enfin. C’est ce que confie Olivier Epaulard, infectiologue au CHU de Grenoble et membre de la Commission Technique de Vaccination à la Haute Autorité de la Santé. “Il y a peu de maladies infectieuses pour lesquelles nous n’y sommes pas arrivés. Les deux échecs en ce qui concerne les virus, c’est l’hépatite C et le VIH. Pour pleins d’autres infections, on a essayé et on y est arrivé.”

L’infectiologue isérois se montre même optimiste sur le calendrier : “Pour moi, il est presque certain que nous pourrons commencer à vacciner avant le printemps 2021. Il ne s’agira pas d’une mise sur le marché mais bien d’une politique de santé”. Une lumière au bout du couloir qui pourrait rassurer la population de la région.

Les annonces se multiplient pour des vaccins à venir

Les laboratoires Pfizer, leader mondial de l’industrie pharmaceutique, et BioNtech, société allemande de biotechnologie, ont ainsi annoncé le lundi 9 novembre que leur “candidat-vaccin” commun contre le coronavirus était efficace à plus de 90%. “Un grand jour pour la science et l’humanité”, a même déclaré le docteur Albert Bourla, le président-directeur général de Pfizer.

Cette bonne nouvelle doit toutefois être relativisée, selon Olivier Épaulard. “C’est un communiqué en plein milieu d’une phase 3 du développement d’un vaccin : cela reste préliminaire. Par ailleurs, on s’attend à voir se multiplier les annonces de différents autres laboratoires dans les semaines à venir, qui eux aussi testent leur vaccin anti-Covid-19.

À Lyon, Sanofi est sur la brèche

Ce candidat-vaccin fait à ce jour partie des plus avancés, avec ceux développés notamment par Moderna (USA), qui vient d’annoncer que son vaccin était efficace à 94,5%. Ou encore Spoutnik-V (Russie), dont le vaccin serait efficace à 92%. La course internationale est loin d’être gagnée : 183 candidats-vaccins seraient actuellement en cours de développement selon le CNRS, dont 40 en phase clinique chez l’homme.

En France, Sanofi, dont la division vaccins se situe à Lyon, ne cache pas son optimisme. selon son directeur général Olivier Bogillot, un vaccin pourrait ainsi être diffusé “dès le mois de juin 2021”.

Le long parcours de l’élaboration d’un vaccin

La phase 3 du développement correspond à la phase dite de “pré-commercialisation”. Une étape durant laquelle plusieurs dizaines de milliers de personnes reçoivent le vaccin ou un placebo afin d’évaluer son efficacité. À  titre d’exemple, Pfizer et BioNtech ont entamé cette phase le 27 juillet dernier, sollicitant 43 538 participants partout dans le monde. Répartis en deux groupes, les volontaires ont soit reçu la dose du produit-test soit un produit placebo.

Début novembre, 38 955 d’entre eux ont reçus une seconde dose du vaccin-candidat sur la base de résultats encourageants. « La répartition des cas entre les individus vaccinés et ceux ayant reçu le placebo indique un taux d’efficacité vaccinale supérieur à 90%, à 7 jours après la deuxième dose », détaille Pfizer/BioNtech. Maintenant, les scientifiques souhaitent obtenir une double sécurité de ces résultats. Au lieu de sept jours, l’observation de l’efficacité de la seconde dose passe à quatorze. La mise à jour des résultats sera publiée lors de la troisième semaine de novembre.

Les vaccins bientôt commercialisés ?

Face à ces résultats plus qu’encourageants, les différents vaccins anti-Covid-19 seraient alors, si bien sûr ils sont validés en phase 3, diffusés massivement dans le monde. Pour le cas du vaccin Pfizer, jusqu’à 50 millions de doses pour la fin d’année, et jusqu’à 1,3 milliard de doses produites en 2021. Dans le scénario où ce vaccin de Pfizer validerait ses derniers tests, qui recevrait le produit en premier ? Dès juillet, les Etats-Unis ont sorti leur chèquier pour s’assurer 100 millions de dose : un contrat fixé à 1,95 milliard d’euros.

D’autres pays comme le Canada, le Japon ou encore le Royaume-Uni font également partie des principales commandes. Dernier client en date : l’Europe. La Commission Européenne a annoncé, mercredi 11 novembre, avoir passé commande pour 300 millions de doses livrées début 2021, le tout pour un montant inconnu.

Un vaccin-candidat fruit d’une technique inédite

Comme quelques autres, le vaccin-candidat Pfizer/BioNTech a été développé selon une technique encore jamais éprouvée à l’heure actuelle, dite “ARN messager”.

À la base le principe d’un vaccin repose sur le fait d’administrer une solution contenant soit des protéines de pathogènes, soit des pathogènes (une bactérie ou un virus) tués, soit des pathogènes atténués, qui ont perdu leur pathogénicité (c’est à dire qui ne disposent plus de leur capacité à rendre malade). Une fois la solution injectée, le corps va produire des anticorps qui permettront de neutraliser et éliminer l’agent infectieux lors d’une infection future. Le corps est donc immunisé. Pour résumer, on injecte des antigènes et un adjuvant qui conduit le corps à se défendre.

Procédé ARN Messager, comment ça marche ?

Le procédé “ARN Messager” se focalise sur une partie précise du virus : la protéine Spike. C’est elle qui permet au Covid-19 de se fixer sur nos cellules pour y pénétrer et se multiplier. C’est la clé du virus pour déverrouiller l’accès à notre organisme. Le but est donc de produire des anticorps contre cette protéine.

Dans le cadre du vaccin ARN-messager (ARNm), les scientifiques travaillent à partir d’une séquence “synthétique” du génome qui reproduit la protéine Spike. Cette séquence se nomme l’Acide RiboNucléique messager (ARNm). Cet ARNm injecté fabrique une protéine qui est reconnue comme étrangère par le corps et déclenche la réponse immunitaire. L’organisme produit des anti-corps anti-protéines Spike qui empêchent la fixation du Covid sur les cellules humaines.

Contacté, le laboratoire américain Pfizer précise : “Le mode d’action de l’ARNm présente deux avantages principaux : une capacité à induire une bonne réponse immunitaire contre le virus, un profil de sécurité favorable et permettant d’accélérer le rythme de développement du vaccin et la conception des essais cliniques. Concrètement, le vaccin à ARN messager a la capacité de donner des instructions génétiques aux cellules de l‘organisme permettant de provoquer une réponse immunitaire.”

Un vaccin-candidat aux phases de développement accélérées 

Comment les essais cliniques de Pfizer ont-ils pu apporter des résultats aussi rapidement ? “La technologie des vaccins à ARNm permet également une production plus simple que les vaccins qui sont fabriqués à partir de matériel vivant ainsi qu’une mise à l’échelle rapide de la production”, affirme Pfizer. Contrairement aux vaccins traditionnels, il n’y a pas besoin ici de cultiver un pathogène.

Face à l’enjeu mondial, le laboratoire américain explique avoir accéléré les phases de développement. “Classiquement, pour le développement d’un vaccin, on procède de manière séquentielle, chaque étape ne démarrant qu’après la fin de la précédente. Ici, compte tenu de l’urgence, nous avons décidé de lancer plusieurs étapes en même temps.” Et de préciser que le tout reste sous le contrôle strict de la FDA (Agence du Médicament américaine).

La température des vaccins : une problématique à prendre en compte

Une température très basse est nécessaire pour conserver le vaccin ARNm. À minima, -80 degrés Celsius. Un problème à venir pour les pharmaciens dont les frigos sont conditionnés entre 2 et 8 degrés ? « Si jamais la stratégie du gouvernement est de faire distribuer les vaccins via les pharmacies, il faudra un financement pour des frigos de cette capacité » , témoigne Aurélien Verchere, gérant de la pharmacie de la Chapelle, situé à Gleizé (Rhône). Le respect de la chaîne du froid est en effet impératif pour ce vaccin fragile. « Il faudra aussi se poser la question des transporteurs, ce n’est pas tout le monde qui peut faire circuler des vaccins à ces températures ».

Pour le pharmacien, il sera peu probable que le vaccin soit distribué dans les officines. Cependant « si le vaccin peut supporter d’être à des températures comme celles de nos frigos, cela pourra se faire », ajoute Aurélien Verchere. Et de conclure : « Pour le moment, on ne sait rien, et il faut éviter l’emballement médiatique de ces grandes industries pharmaceutiques qui annoncent des résultats en plein milieu d’une phase 3. Attendons, d’autant que nous avons d’autres soucis à gérer en ce moment ! »

Lors d’une conférence de presse, le 13 novembre, le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, a en tout cas annoncé l’achat de 50 super-congélateurs en prévision d’une éventuelle commercialisation du vaccin-candidat Pfizer/BioNTech.

Course au vaccin : les laboratoires lyonnais s’activent

Comme un grand nombre dans le monde, les laboratoires français sont dans la course au vaccin. En tête de file, l’Institut Pasteur à Paris teste actuellement trois formes de vaccins. Un vaccin ADN (proche du principe du vaccin ARNm) ; un vaccin ayant recours au virus de la rougeole ; et un vaccin utilisant le processus « lentiviral », c’est-à-dire utilisant des virus non dangereux pour vacciner contre la Covid-19.

À Lyon, les scientifiques sont sur le chantier depuis le mois de mars. Notamment le projet “Discovery” localisé à la Croix-Rousse qui est un essai clinique national sur les traitements. Mis en place par l’INSERM (Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale), le projet a testé de multiples traitements pouvant déboucher sur des études vers un vaccin. Ils ont pour l’instant surtout démontré que la majorité, comme l’hydroxychloroquine, ne sont pas efficaces.

54% seulement des Français ouverts à la vaccination

Après l’annonce de Pfizer sur son vaccin efficace à plus de 90%, l’institut IPSOS a réalisé un sondage pour connaître la défiance du public face au vaccin. 73% des sondés à travers le monde se disent ouverts à la vaccination. Un chiffre qui descend de 4 points par rapport au mois d’août. Une inquiétude dû majoritairement à deux raisons : pour 34% des personnes, ce sont les potentiels effets secondaires du vaccin. 33% disent craindre, eux, le fait que les essais cliniques soient trop rapides.

En France, les anti-vaccins sont encore nombreux. En effet, la part de personnes qui ont l’intention de se vacciner n’est que de 54%.

Ce n’est pas du scepticisme, mais plutôt de l’hésitation vaccinale” tempère l’infectiologue Olivier Epaulard. “On ne va pas demander à toute la population de se vacciner. Ça sera d’abord les personnes à risques de présenter des formes graves du Covid-19. À terme, on parle tout de même de 20 millions de personnes”.

Doit-on rendre le vaccin obligatoire ?

La question dépasse rapidement le domaine de la santé et devient ces derniers jours un débat politique. Loin des opinions, la loi se veut claire. « La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé de la santé qui fixe les conditions d’immunisation” (Article L3111-1 du Code de la Santé Publique). Cela signifie que la décision appartient au gouvernement qui doit toutefois consulter la Haute Autorité de la Santé. Une commission technique des vaccinations (CTV) est créée en 2017 pour délivrer des avis. Libre au gouvernement d’en prendre compte ou non.

Dans l’optique d’un futur vaccin et pour préparer la population au débat de la législation autour du vaccin contre la Covid-19, la Haute Autorité de la Santé a récemment mis en ligne une consultation publique incitant chacun à s’exprimer et à donner son avis.

À SAVOIR

Les laboratoires multiplient les appels aux volontaires. L’INSERM a mis en ligne Covireivac, une plateforme facilitant la démarche de volontariat pour des tests cliniques. L’objectif est de trouver « 25 000 volontaires pour participer au développement de vaccins sûrs et efficaces ». Sous contrôle de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), les tests-cliniques ont une obligation légale d’être indemnisés. Un individu ne peut toutefois enchaîner plusieurs tests-cliniques. Il ne peut toucher plus de 4 500 euros sur un an.

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