Alors que la seconde vague d’épidémie de coronavirus s’éternise, Santé Publique France note une nette augmentation des dépressions. De quoi redouter une fin d’année désastreuse sur le plan de la santé mentale. Entre retour du confinement et dépression hivernale, quelles seront les conséquences de cette période de reconfinement ? Le point sur la situation avec le Dr Nicolas Franck, psychiatre au centre hospitalier Le Vinatier à Lyon.
Dans son dernier rapport CoviPrev datant du 29 octobre, Santé Publique France alerte sur la situation psychologique des Français. En effet, le mois d’octobre affiche un record de dépressions depuis le déconfinement. Avec une prévalence en hausse de plus de 5 %, cette nouvelle vague épidémique s’annonce rude. Mais pourquoi un tel rebond dépressif ?
Dépression hivernale, situation pandémique inédite… Les raisons semblent multiples. Le premier confinement au mois de mars révélait d’ores et déjà des conséquences psychiatriques plus ou moins graves. Qu’en sera-t-il de ce reconfinement ? Doit-on s’attendre à une altération davantage préoccupante de la santé mentale en cet hiver ? Réponse au côté du Dr Nicolas Franck, psychiatre et auteur du livre « Covid-19 et détresse psychologique » à Lyon.
Situation sanitaire, manque de soleil… Le bon cocktail pour les dépressions
Dépression hivernale, couvre-feu et confinement, incertitude vis-à-vis de l’évolution sanitaire… Comment pourrait-on expliquer cet accroissement de troubles dépressifs ce mois d’octobre ? L’évolution drastique des taux de contaminations à la Covid-19 a-t-il joué un rôle dans l’apparition d’autres troubles dépressifs ?
« L’effet de ces différents facteurs est cumulatif », explique le Pr Nicolas Franck. Leur combinaison de facteurs accroit les sentiments de tension, d’incapacité, de morosité voire de tristesse ou léthargie en cette fin d’année. Le mois de novembre, soumis à l’impact supplémentaire du confinement, risque donc de voir le taux de dépression s’envoler. « L’interdiction de se déplacer librement et d’entretenir des contacts sociaux impose des contraintes fortes aux Français. Elle peut constituer un facteur de contrariété ou de souffrance selon les capacités de résilience de chacun ».
Dépressions : le confinement accroît les fragilités
Ainsi, même pour des personnes qui n’étaient pas forcément en situation de vulnérabilité psychique auparavant, le confinement augmente le risque de dépasser un seuil de fragilité. En effet, « chacun d’entre nous a une limite qui lui est propre en termes de capacité à résister au stress. Au-delà, troubles anxieux et dépressifs peuvent surgir ».
Dès lors, le confinement est une période propice à l’aggravation ou l’accentuation de troubles psychiatriques ou comportementaux. Autisme, TOC, bipolarité… Les personnes déjà rapidement en proie à l’anxiété le seront d’autant plus dans un espace fermé, en proie à une absence de liberté.
Reconfinement : pire ou mieux que le confinement rayon dépressions ?
Face à l’expérience d’un premier confinement et aux restrictions plus souples, le reconfinement apparait comme une moindre difficulté. Pourtant est-ce réellement le cas ?
« Certaines personnes ont bien vécu le premier confinement. On peut faire l’hypothèse que ce sera la même chose lors du second. En revanche ceux qui ont souffert au printemps risque de souffrir encore à l’automne, les mêmes causes reproduisant les mêmes effets », relate le Pr Nicolas Franck.
Dès lors, le reconfinement peut être facilité pour ceux qui se déplacent travailler dans de bonnes conditions mais aussi être source importante d’anxiété pour les autres. Situation économique, crise sanitaire « illimitée » … Des peurs qui ne manquent pas d’impacter la santé mentale de chacun.
D’autre part, l’organisation du travail a évolué pour ce second confinement. Le télétravail doit être instauré cinq jours sur cinq pour ceux qui le peuvent. Une solution bénéfique pour le bien-être mental ?
Santé mentale : un burn-out médical à venir ?
Si l’ensemble de la population est soumis au stress de ce reconfinement, les « premières lignes » de la crise attestent d’une surcharge sans précédent. Avec l’afflux de patients Covid, les secteurs hospitaliers de Lyon, Saint-Etienne et Grenoble sont débordés. De même, laboratoires, pharmaciens, médecins et infirmiers libéraux font face à une recrudescence des demandes de dépistage Covid. En ces temps de crise, doit-on craindre des burn-out massifs au sein des professionnels de santé ?
Plus qu’un simple épuisement professionnel, un burn-out se manifeste par un effondrement. Entre dévotion, surcharge et manque de reconnaissance, le corps impose des limites alors même que la personne voudrait poursuivre son action. Un soignant vidé de toute énergie vitale n’aura d’autre choix que de s’arrêter, ce qui est problématique dans cette crise sanitaire. Il est donc très important de prévenir de tels burn-out grâce à une bonne organisation du travail, une valorisation du travail effectué et un soutien approprié.
Ainsi, quels conseils appliquer afin de limiter cette décompensation ? Tant pour les professionnels de santé que pour la population générale. « Pour faire face positivement à cette période, il faut reprendre un minimum de maîtrise sur elle. À cet effet, il faut structurer son quotidien et se fixer des objectifs raisonnables », rapporte le Pr Nicolas Franck.
À SAVOIR
Presque 20 % d’antidépresseurs supplémentaires ont été vendus lors de la première semaine du confinement au mois de mars. Un chiffre conséquent qui dénote l’impact direct du stress et du manque de liberté sur les troubles psychiques et psychiatriques.