La dépression post-partum touche environ 16,7 % des mères en France, quelques semaines ou quelques mois après leur accouchement. Derrière cette réalité se cachent des symptômes souvent confondus avec ceux d’une fatigue ordinaire, et inévitable à l’arrivée d’un bébé, voire de ceux du fameux baby blues, un mal-être beaucoup plus passager et bénin. La Lyonnaise Élise Marcende, présidente de l’association Maman Blues, explique pourquoi la dépression post-partum reste un sujet très tabou, aux ravages aussi silencieux que dramatiques, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 17 décembre 2024.
L’arrivée d’un enfant est souvent perçue comme une nouvelle aventure pleine de bonheur. Mais est-ce pour autant un moment magique pour tous ? Pour près de 17% des femmes en France, cette période s’accompagne d’une dépression post-partum, un trouble souvent sous-estimé et qui peut s’installer insidieusement dans le quotidien des jeunes parents.
Contrairement au baby blues, qui touche jusqu’à 80% des mères et disparaît après quelques jours, la dépression post-partum persiste et affecte plus durement la santé mentale et physique.
Invitée de l’émission Votre Santé du mardi 17 décembre 2024, la Lyonnaise Elise Marcende, présidente de l’association Maman Blues, explique toutes les réalités de ce trouble complexe, ses symptômes et les raisons pour lesquelles il reste encore fortement tabou aujourd’hui.
Dépression post partum : un mal insidieux et polymorphe
C’est quoi, une dépression post-partum ?
La dépression post-natale, comme son nom l’indique, survient après la naissance. Mais pour certaines, il y a des signes avant-coureur pendant la grossesse. C’était mon cas. La dépression et certains troubles anxieux étaient déjà présents.
La dépression post-natale touche vraiment à la question du rôle parental et sur le fait qu’on découvre un inconnu, un bébé. Il y a parfois des vécus de sa propre enfance qui remontent à la surface et viennent se projeter au moment où on découvre cet enfant.
Comment survient la dépression post-partum ?
C’est insidieux. Il y a des signes avant-coureurs similaires à une dépression “classique” : troubles du sommeil, troubles alimentaires, des troubles cognitifs comme des difficultés de concentration, ou encore de la perte de plaisir. Finalement, ce sont des signaux qu’on retrouve dans une dépression dite “classique”.
Il y a aussi tout ce qui se joue autour du bébé. On peut avoir des difficultés pour s’en occuper, même si ça n’est pas le cas pour toutes. Il est possible de voir naître une anxiété qui survient au moment où on s’occupe de cet enfant. Avec, pour certaines femmes, des phobies d’impulsion : certaines se voient faire du mal au bébé. L’anxiété peut être tellement forte qu’elle s’exprime de cette manière, sans passage à l’acte bien sûr. La dépression post-partum est donc polymorphe et insidieuse.
Existent-ils des différences entre baby blues, dépression post-partum et dépression post-natale ?
Oui. Le baby blues et la dépression post-natale sont deux choses différentes. En revanche, les formulations post-natale et post-partum ramènent à la même chose.
Le baby blues touche en moyenne 70% à 80% des jeunes accouchées. Il est souvent lié aux chamboulements hormonaux. C’est une période qui, selon les professionnels de santé, dure 10 jours environ. Si cela perdure et rend le quotidien difficile, on peut alors évoquer une dépression post-natal.
15% à 20% des femmes sont touchées par la dépression post-natal. Mais il y a aussi 8 à 10% des hommes. Ce n’est donc pas seulement une question d’hormones, il y a également des facteurs aggravant qui déclenche cette dépression.
Comment diagnostiquer une dépression post-partum ?
Quels sont les signes précurseurs d’une dépression post-natale ?
Généralement, il est difficile de se reconnaître, on ne sent pas comme avant. Souvent, on ressent de la tristesse mais aussi de l’anxiété, matin et/ou soir, qui arrive sans prévenir. On peut aussi constater des difficultés à s’occuper de l’enfant mais aussi avoir du mal à se reconnaître dans le rôle de parents et regretter sa vie avant l’arrivée de l’enfant.
Aussi, la question du sommeil est très importante. C’est très compliqué à constater puisque les troubles du sommeil se mêlent avec le post-partum. Avec ou sans dépression post-natal, il y a toujours un temps où l’on dort moins bien du fait de l’arrivée de l’enfant et de son rythme de sommeil à lui. Mais dans le cas d’une dépression post-partum, on est bien face à une fatigue plutôt psychique, et non physique. Cela va prendre beaucoup de place au quotidien. Il y a donc beaucoup de symptômes qui peuvent alarmer les parents et également le professionnel de santé.
La problématique majeure, ce sont les fluctuations dans le ressenti de cette dépression post-natale. Il y a un pic très tardif au alentours des 6 mois de l’enfant. Ainsi, les professionnels de santé ne pensent pas à une dépression post-partum, puisque la période est trop éloignée de l’accouchement.
Quand avez-vous été diagnostiquée ?
J’ai été diagnostiquée d’une dépression post-natale 5 jours après la naissance de ma fille. Malgré des signes avant-coureurs, aucun professionnel n’a posé ce diagnostic pendant la grossesse. À cette époque, la santé mentale périnatale était un sujet tabou. Cette période était surtout assimilée au bonheur de donner la vie et non à des potentiels troubles de la santé mentale.
Et dans mon cas, il y a eu beaucoup d’inquiétude et de questionnement sur la naissance précoce de ma fille. Ainsi, ma santé mentale n’était pas prise en compte.
Peut-on prévenir d’une dépression post-partum ?
Y-a-t’il des profils plus sujets que d’autres au développement d’une dépression post-partum ?
On ne parle pas de profil mais de facteurs. Des facteurs gynécologiques et obstétriques, des facteurs socio-économiques, des antécédents psychiatriques, etc. Une grossesse tardive est aussi un facteur de possible dépression post-natale et, a contrario, une grossesse en étant très jeune est aussi un risque.
Des antécédents de dépression, venant de soi ou des membres de la famille, des troubles psychiques préexistants sont des facteurs aggravants.
Existe-t-il un moyen ou des traitements pour éviter la dépression post-natale ?
Non. Elle est inévitable. Comme une dépression “classique”, il y a des facteurs qui amènent au développement de troubles psychiques comme la dépression post-natale, sans qu’on le puisse le prévoir. En revanche, il y a des traitements médicamenteux mais ils ne sont pas forcément donnés en première intention. De plus, il y a plusieurs degrés de dépression post-natal : légère, moyenne et sévère.
Pour une dépression légère, le traitement n’est pas indispensable. Un accompagnement psychologique par un professionnel de santé est recommandé. Dans le cas d’une dépression sévère, il peut y avoir des hospitalisations et/ou une prise en charge en unité mère/bébé.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 17 décembre 2024 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
Maman Blues est une association qui offre un espace d’écoute et de soutien aux mères confrontées aux difficultés de la maternité. Elle permet à chaque maman de témoigner librement de ses expériences, sans crainte d’être jugée, suspectée de maltraitance ou réduite à des diagnostics médicaux. Loin des discours rassurants et minimisant, l’association privilégie une écoute bienveillante et respectueuse, permettant aux mères de se libérer de leurs souffrances et de trouver un soutien authentique, sans pression ni préjugés.