Un berceau vide traduisant la souffrance, la mort de l'enfant à naître et du deuil périnatal.
Les par’anges. Ce sont ces parents qui font face à la mort prématurée de leur bébé. © Adobe Stock

Aujourd’hui en France, près de 7000 couples perdent chaque année un bébé en cours de grossesse ou quelques jours après la naissance. Le deuil périnatal se vit le plus souvent dans une souffrance silencieuse, sur laquelle la Lyonnaise Solange Dual a décidé de sensibiliser à travers son roman “IMaGine”, paru en mai dernier. L’auteur, qui a vécu deux interruptions médicales de grossesse, est venue témoigner de son douloureux parcours dans l’émission Votre Santé du mardi 19 novembre.

Le deuil périnatal est un sujet encore tabou. Ce traumatisme s’inscrit dans une mécanique impensable, qui voit la mère survivre à l’enfant. Particulièrement difficile à surmonter, ce deuil survient dans une période très marquante de la vie, appelée la période périnatale, qui va de la 22e semaine d’aménorrhée jusqu’au 7e jour après la naissance.

Plusieurs facteurs peuvent traduire le drame : interruption médicale de grossesse, interruption volontaire de grossesse, mort fœtale, décès du bébé pendant l’accouchement, fausse-couche tardive, extrême prématurité, décès post-natal, décès dans la période néonatale…

Chaque année, en France, près de 6 000 interruptions médicales de grossesse (IMG) sont effectuées, chez l’enfant à naître. Une douloureuse expérience que la Lyonnaise Solange Dual a malheureusement traversé à deux reprises. Aujourd’hui, elle témoigne de son deuil périnatal à travers son roman “IMaGine” , dans l’espoir de contribuer à lever les tabous et d’aider les couples confrontés à cette terrible épreuve, sur le plateau de l’émission Votre santé du mardi 19 novembre

Oui. J’ai subi deux IMG (interruption médicale de grossesse). Une en 2011 et une en 2012. Au bout de 10 ans, je commençais à perdre certains détails. Alors j’ai commencé à écrire pour ne pas oublier ce qu’il m’est arrivé. J’ai ainsi souhaité porter une voix et écrire un roman. Un livre qui s’adresse au grand public et pas seulement à ceux qui ont été concernés par le deuil périnatal. 

Le deuil périnatal se traduit par le deuil d’un bébé in utero ou très peu de temps après sa naissance. On parle vraiment de petits êtres. 

Pour mon cas, mes deux foetus étaient atteints de la maladie appelée atrésie aortique. Cela enclenche une hypoplasie du ventricule gauche. C’est en fait le sang qui ne circule pas dans le cœur. Les médecins nous ont alors recommandé une interruption médicale de grossesse pour les deux foetus. 

Ils ont été détectés au troisième mois, pendant la première échographie. Il a ensuite fallu quelques temps pour valider le diagnostic . Ce petit temps qui nous parait interminable en tant que parents nous a conduit presque au cinquième mois pour ma première IMG et au quatrième mois pour la deuxième. 

Oui. J’ai été accompagnée à l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon. L’équipe médicale a été vraiment formidable. Ils sont formés pour nous apporter le diagnostic mais aussi nous accompagner. On rentre dans un monde parallèle qu’aucun parent ne veut connaître. Mais nous avons été bien accompagnés. 

Très concrètement, c’est le système post-diagnostic qui est assez brutal. Il y a une contradiction entre l’humanité du personnel soignant et la prise en charge psychologique. Le système est mal fait. Et c’est cette aigreur que j’ai conservé et que j’ai traduit dans le livre.  

J’ai été suivie par une psychologue dont le bureau était en face de la pouponnière. Je venais de perdre mon bébé et je devais me rendre dans le secteur de la pouponnière pour aller voir la psychologue. C’est très violent de se retrouver dans cette situation en tant que mère en devenir qui perd son enfant. Ce sont ces aberrations qui m’ont conduite à vouloir porter des mots sur ce qu’il se passe. Il faut dire qu’à Lyon, il y a une réelle humanité dans l’expertise médicale. Mais un système de prise en charge psychologique qui ne suit pas. 

Tout dépend à quel moment le diagnostic a été posé. Personnellement il a été posé très tôt parce que c’était au niveau du développement du cœur. Mais il existe d’autres pathologies qui peuvent être diagnostiquées bien plus tard. 

Les praticiens qui nous suivent se rassemblent dans un collectif éthique. Ce sont eux qui posent le diagnostic et exposent les conséquences aux parents. Et nous, en tant que parents, nous avons le choix. On peut poursuivre la grossesse, qui peut aussi être interrompue. C’est alors une mort foetale in utero. Ou alors suivre le conseil du collectif qui a posé le diagnostic. C’est ce que nous avons choisi avec mon mari. 

Pour mon cas, ça a été un accouchement. On m’a posé une péridurale. J’ai eu des médicaments pour déclencher les contractions. Ensuite je poussais quand la sage femme me disait de le faire. Je ne sentais rien. Et j’ai accouché de mes deux bébés par voie basse. Comme pour un accouchement normal.

Je pense que c’est parce que l’être n’a pas existé aux yeux de notre entourage. Il n’y a aucune trace au niveau du vécu. On ne se remet jamais d’un deuil périnatal. On conserve toujours cette souffrance. Mais avec mon mari, nous avons quand même voulu fonder notre famille. Et puis nous sommes restés extrêmement soudés. On a été suivis. Nous avons entrepris des recherches génétiques qui aujourd’hui n’ont toujours rien donné. Sans ces explications médicales, on s’est alors dit qu’il fallait poursuivre notre envie de fonder une famille. 

Donc on ne s’en remet jamais mais on se dirige vers l’avenir. Il y a du bonheur qui doit nous revenir. Aujourd’hui je suis mère de deux petits garçons.

Il faut en parler. Surtout ne pas rester seule, dans le silence et la souffrance. Quand on parle, les langues se délient. Et on se rend compte que beaucoup de famille ont été confrontées d’une manière ou d’une autre à un deuil périnatal.

Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du 19 novembre 2024. 

À SAVOIR

Jusque dans les années 1970, l’interruption médicale de grossesse était appelée avortement thérapeutiques. La première loi française autorisant cet avortement thérapeutique date du décret-loi du 29 juillet 1939 (article 87). Avant cela, c’était à chaque médecin de décider, en fonction de son savoir médical et de ses convictions personnelles (morales, philosophiques ou religieuses), si un avortement thérapeutique était justifié.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du Groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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