L’arrivée d’un enfant chamboule la vie des parents, qui se retrouvent à gérer de nouvelles responsabilités, parfois dans un climat de stress et de doute. Entre la sortie de la maternité et l’entrée en crèche, l’accompagnement pour les guider dans leur nouveau rôle de parents est… inexistant. De nombreux jeunes parents, mal guidés, insouciants ou peu conscients de leurs futures responsabilités, n’ont pas anticipé toutes ces questions Alors, comment faire face à ces réalités de la parentalité ? Comment leur apporter les réponses et l’aide nécessaire ? Les conseils de Charlotte d’Astorg, directrice de crèche à Lyon, ancienne infirmière et conseillère en petite enfance au centre Serbie, “lieu de vie lyonnais pour futures mamans”.
Alors que les attentes vis-à-vis des parents se multiplient, le bien-être de l’enfant, en particulier de son développement émotionnel et psychologique, est désormais au cœur des préoccupations. L’accompagnement des jeunes parents est donc devenu un véritable sujet de société.
Mais dans cette dynamique, se pose une question : qui est là pour accompagner les parents, dès la naissance, dans cette transition vers une vie de famille ? La Lyonnaise Charlotte d’Astorg, ancienne infirmière et conseillère en petite enfance au centre Serbie, aujourd’hui directrice de crèche, parle avec franchise du manque de soutien auquel font face de nombreux parents. “En tant que directrice d’une crèche de 40 berceaux à Lyon, je suis au cœur des préoccupations des parents, dès les premiers mois de leur vie de famille. J’ai aussi animé des ateliers de soutien à la parentalité au Centre Serbie, un lieu dédié à la maman et au bébé, où j’ai vu de près les difficultés rencontrées par les familles, notamment le manque de soutien post-natal”.
À travers son expérience de terrain, elle dresse un constat sans appel : entre la sortie de la maternité et l’entrée en crèche, il existe un véritable “vide” dans l’accompagnement des familles. Un vide qui, à un moment où les besoins affectifs de l’enfant sont la pierre angulaire de son développement, met souvent les parents dans une situation de grande solitude et de pression.
“Avoir un enfant, ça change l’emploi du temps !“
Les parents sont-ils correctement pris en charge pour l’arrivée de leur premier enfant ?
Non. Il est frappant de voir à quel point le manque de temps pour prendre du recul peut affecter les parents. Dès la naissance, les parents sont plongés dans un tourbillon : visites médicales, nuits blanches, gestion du quotidien. Même avec des suivis, ces temps sont souvent trop courts pour permettre aux parents de poser toutes leurs questions. Il manque un vrai espace d’échange, sans jugement.
De plus, les conseils, souvent contradictoires, ajoutent une pression énorme sur les jeunes parents. On nous dit d’allaiter jusqu’au six mois de l’enfant pour ne pas passer pour la mauvaise mère, mais aussi d’inscrire le bébé en crèche pour reprendre le travail. Les parents se retrouvent alors perdus entre des attentes qui ne collent pas à leur réalité. Ce qu’il leur faut, c’est un soutien cohérent, réaliste et sans culpabilisation.
Que doit-on savoir avant de devenir parents ?
Devenir parent, c’est un grand bouleversement. Avant l’arrivée de bébé, il y a quelques questions importantes à se poser pour vraiment comprendre ce que ce changement va impliquer. Avoir un enfant, ça change l’emploi du temps ! Pour moi, la première clé, c’est de se préparer justement a réorganiser son mode de vie. Oui, vous ne sortirez pas autant qu’avant, mais il y a plein de nouvelles choses à découvrir !
Il faut se dire qu’avoir un bébé, ce n’est pas simplement accueillir un enfant, c’est prendre soin de lui, l’engager émotionnellement, et cela transforme notre quotidien. Par exemple, il faut réfléchir à comment gérer le temps avec son partenaire. Est-ce que je serai prête à renoncer à certaines choses de ma vie pour répondre aux besoins de mon bébé ?
Ensuite, il y a la question du “nous”. Passer du “je” au “nous”, c’est un grand changement. Comment je vais m’organiser avec mon conjoint ? Comment allons-nous nous répartir les responsabilités et les moments ensemble, en tant que couple, mais aussi en tant que parents ? C’est important d’anticiper cette nouvelle dynamique et de se préparer à faire des compromis.
“Avoir un enfant n’est pas une contrainte, mais un choix de vie“
Quels conseils donneriez-vous dans la gestion du bébé ?
Il ne faut pas oublier qu’aucun enfant n’est pareil. Chacun grandit à son rythme. Ce qui marche pour l’un ne fonctionnera pas forcément pour l’autre. Et se comparer aux autres parents peut générer un stress inutile. L’essentiel, c’est de respecter le rythme et les besoins de son propre enfant. Il ne faut pas avoir d’attentes irréalistes.
Je crois également que l’une des clés pour bien se préparer, c’est de prendre conscience de l’importance de la santé émotionnelle de l’enfant, aussi importante que sa santé physique. Un enfant qui pleure souvent ou qui semble stressé a besoin d’attention et d’un attachement sécurisant pour se développer sereinement. Il doit sentir que vous êtes là et que vous l’aimez. Mais il ne faut non plus pencher vers l’extrême et le surprotéger !
Et justement, il y a la notion de sécurité. Les règles doivent être claires et cohérentes pour éviter confusion et insécurité. Avant d’être parent, il faut réfléchir avec son partenaire aux valeurs que l’on veut transmettre et instaurer un cadre stable et rassurant.
Quels sont les conséquences d’une méconnaissance des besoins de l’enfant ?
Une autre réalité qui m’inquiète parfois, c’est le manque de préparation à ce qu’implique réellement la parentalité. Les jeunes parents se sentent perdus et ne savent pas comment répondre aux besoins de leur enfant. Cela peut entraîner un épuisement, que ce soit physique ou émotionnel. Surtout quand l’enfant ne dort pas ou pleure beaucoup. Dans ces moments-là, le stress accumulé peut mener à des risques d’épuisement parental, et, dans des cas extrêmes, à des troubles de la santé mentale.
C’est d’ailleurs ce que j’ai observé pendant mes consultations avec des parents d’enfants qui avaient des problèmes de sommeil. La fatigue devient insupportable, et on perd vite de vue les besoins de l’enfant.
En finalité, je trouve dommage que certains parents, face à leurs difficultés, en viennent à penser que leur enfant est un fardeau. “J’en ai marre de ce bébé qui me prive de ma liberté”, ou “Je ne peux plus rien faire sans que mon enfant ne me suive”, sont des phrases que j’entends. Pourtant, avoir un enfant n’est pas une contrainte, mais un choix de vie. C’est un projet à long terme.
“Les PMI ne s’occupent pas que des cas sociaux…”
Vers qui peut-on se tourner pour obtenir toutes les informations utiles à la parentalité ?
À l’heure actuelle, on ne sait pas vraiment. Les sages-femmes font un travail formidable, mais leur rôle est surtout médical et leur suivi est limité dans le temps, généralement jusqu’à trois semaines après la naissance. Ensuite, il y a souvent un vide. Entre la sortie de la maternité, l’inscription à la crèche et le suivi postnatal, de nombreux parents se retrouvent seuls avec leur premier bébé. C’est souvent dans cette période que les parents, surtout ceux sans famille proche, se sentent désemparés.
Même les PMI (Protection Maternelle et Infantile) ne sont pas toujours accessibles. C’est pourtant leur fonction. Elles ont un rôle de soutien, mais elles sont souvent surchargées, et leurs services ne sont pas assez connus des parents. Beaucoup pensent que les PMI ne s’occupent que des « cas sociaux », mais ce n’est pas vrai. Elles devraient être un vrai point de contact pour les parents, mais elles ne sont pas assez mises en avant.
À SAVOIR
18% des couples de jeunes parents renoncent à mettre leurs enfants à la crèche ou à les confier à une assistante maternelle, préférant les garder eux-mêmes à la maison.