Handicaps moteur, troubles neurologiques, addictions… Les ravages liés à la consommation de plus en plus importante de protoxyde d’azote, le fameux gaz hilarant, inquiètent sérieusement les autorités sanitaires françaises. À Lyon, une trentaine de jeunes patients ont ainsi été hospitalisés cette année à l’hôpital neuro. Un chiffre en constante hausse, qui a poussé les Hospices Civils de Lyon à mettre en place un dispositif de téléconsultation inédit pour dépister les excès de consommation et limiter des dégâts souvent irréversibles.
Le phénomène prend de l’ampleur et ne masque plus ses dérives. L’utilisation récréative de protoxyde d’azote, le fameux gaz hilarant, fait de plus en plus de dégâts, principalement chez les jeunes, entre soirées étudiantes et autres festivités. Selon Santé publique France, 4,3% des Français ont ainsi déjà inhalé du gaz hilarant, et jusqu’à 13,7% des jeunes de 18 à 24 ans.
La tendance est à la hausse, et ce malgré les campagnes de sensibilisation aux dangers du gaz hilarant. L’usage détourné de ce gaz utilisé généralement à des fins médicales ou alimentaires, stocké dans des cartouches métalliques, peut en effet entraîner de lourdes répercussions sur la santé. C’est la raison pour laquelle sa vente a été, d’une part, interdite aux mineurs dès 2021, et d’autre part limitée aux autres consommateurs.
Gaz hilarant : “les usagers pensent que le proto est inoffensif”
« Parce que la vente est légale et l’effet hilarant éphémère, les usagers pensent que le”proto” est inoffensif », constate le Dr Christophe Riou, addictologue à Lyon. « Or, non seulement ce produit a une composante addictive – on a constaté qu’il activait les récepteurs “du plaisir”, créant une dépendance affective – mais il a également un effet neurotoxique : à doses abusives, il peut entrainer des lésions neurologiques graves et irréversibles, avec une paralysie des membres ».
Selon les Hospices Civils de Lyon, les hospitalisations liées à un excès de consommation de protoxyde d’azote ne cessent d’augmenter. Une trentaine ont été recensées depuis le début de l’année 2024 à l’hôpital “neuro” Pierre Wertheimer, l’établissement lyonnais spécialisé dans la prise en charge des pathologies neurologiques.
« D’un seul appel pour un motif sanitaire lié au protoxyde d’azote, tandis que certains professionnels de santé ou du secteur en 2017, le centre antipoison-HCL de Lyon est passé à 80 en 2022 ». Le Dr Alexandra Boucher, pharmacienne responsable du centre d’addictovigilance des HCL précise que « depuis 2019, le nombre de dossiers traités a été multiplié par 20. Et on ne parle ici que des cas cliniques, qui, de surcroît, sont loin d’être tous recensés. C’est la partie émergée de l’iceberg. Nous savons que la consommation elle, s’avère largement plus importante ».
Gaz hilarant : une téléconsultation inédite à Lyon
Durant ces dernières années, les Hospices Civils de Lyon ont par la force des choses développé une certaine expertise en la matière. Ce savoir-faire, nourri par la recrudescence de cas, s’est traduit par l’ouverture, le 12 novembre 2024, de la toute première téléconsultation en France spécifiquement dédiée aux consommateurs de protoxyde d’azote. « L’objectif: créer une véritable filière de prise en charge et répondre ainsi à un problème majeur, celui de l’entrée dans le soin des consommateurs abusifs ».
L’idée, à travers cette consultation unique en son genre, est de dépister les conduites à risque, de prévenir les addictions et d’assurer une prise en charge la plus précoce possible, comme l’explique le DR Christophe Riou : « le souci, c’est que les premiers symptômes, souvent des fourmillements dans les bras ou les jambes, sont perçus comme légers. Beaucoup de personnes atteintes, la plupart très jeunes, ne font pas attention ou pensent que ce n’est rien. Et quand elles arrivent à nous, il est souvent trop tard. Avec la téléconsultation, notre but, c’est de cibler les consommateurs au stade infraclinique ».
Gaz hilarant : “des cas de décès ont été rapportés”
L’échange permet au spécialiste d’évaluer le patient et, le cas échéant, de lui proposer une consultation en présentiel à l’hôpital Pierre Wertheimer (groupement Est des Hospices Civils de Lyon) et de l’orienter vers une prise en charge adaptée (traitement médicamenteux, hospitalisation, etc. « Même si le protoxyde d’azote n’a pas de traitement substitutif, il existe des solutions pour traiter les symptômes de manque », confirme le Dr Riou. « Mais le meilleur moyen d’éviter des dommages sérieux reste de stopper la consommation. Les pathologies liées au “proto” représentent une charge de santé à risque de séquelles permanentes, surtout avec des patients jeunes, alors que l’usage abusif est quelque chose de tout à fait évitable, en tout cas que l’on peut accompagner. Il est primordial d’en faire prendre conscience aux consommateurs, et le plus tôt possible ».
Pour éviter, au final, qu’il ne soit trop tard : « Nous sommes sur un vrai sujet de santé publique, avec des risques importants en cas d’usage addictif. Outre les cas cliniques de jeunes patients qui ne peuvent plus marcher, car le système nerveux est endommagé, des cas de décès liés au protoxyde d’azote ont été rapportés. Et, même sans aller jusque-là, dans quel état sera un consommateur actuel dans vingt ans ? Il y a de quoi être inquiet ».
À SAVOIR
Quatre créneaux de téléconsultation de 30 minutes sont proposés chaque mardi de 15h30 à 17h30 par le Dr Christophe Riou. Pour prendre rendez-vous : 04 72 11 78 52 ou myhcl.sante-ra.fr