La baisse de l’activité physique de nos enfants, a pris des proportions particulièrement inquiétantes ces dernières années. Les conséquences de l’inactivité physique qui sont amplifiées par l’inflation de la sédentarité, qu’elles soient directes (obésité, diminution de la condition physique, baisse des facultés cognitives…) ou indirectes (maladies chroniques, isolement…) font froid dans le dos et poussent les professionnels de la santé infantile à tirer la sonnette d’alarme. L’état de santé des adultes de demain en dépend et tout l’enjeu aujourd’hui, est de sensibiliser le public à la nécessité d’une pratique physique quotidienne dès le plus jeune âge. Les explications de Claire Perrin, professeure des universités à l’Université Lyon I.
Selon l’OMS, plus de 80% des enfants de 5 à 17 ans ne pratiquent pas les 60 minutes d’activité physique par jour recommandées pour rester en bonne santé. En cause ? Des habitudes en chute libre, tant sur le plan du sport que des mouvements quotidiens, avec des déplacements et jeux extérieurs autonomes bridés par l’inquiétude des parents et, bien sûr, la prolifération des écrans.
On sait, pourtant, que tout se joue dans l’enfance. Le goût des bienfaits de l’effort physique et du partage de pratiques physiques ou sportives s’acquiert dès le plus jeune âge et participe à la construction de l’état de santé du futur adulte. C’est ce qu’explique Claire Perrin, enseignante-chercheuse, responsable du master Activité Physique Adaptée et Santé à l’Université Lyon I et présidente de l’Institut RECAPPS (recherche collaborative sur l’activité physique et la promotion de la santé). « Ces dernières années, une stratégie nationale sport santé s’est développée pour favoriser la pratique des malades chroniques. On s’est beaucoup intéressé aux adultes, souvent avançant en âge. Il est temps aujourd’hui de la consacrer aux enfants et aux jeunes, qu’ils soient malades ou en bonne santé ! ».
L’activité physique disparaît-elle des habitudes de nos enfants ?
Claire Perrin : Le constat est général, mais il touche aussi les enfants qui sont les adultes de demain. Il s’agit ainsi d’une véritable bombe à retardement qu’il est urgent de désamorcer. Les pratiques sédentaires ont explosé chez les enfants avec la prolifération des activités numériques, l’omniprésence des téléphones portables et l’assistance aux déplacements (escaliers mécaniques, tapis roulants, ascenseurs…). Les activités physiques sont globalement réduites et la dépense énergétique qui l’accompagne également, tandis que l’alimentation s’est excessivement enrichie. Les dégâts, sur le long terme, sont très importants. C’est en effet durant l’enfance que des habitudes se prennent et que des goûts se structurent, qui conditionnent la vie adulte. Au-delà de récupérer les personnes qui sont restées éloignées des pratiques physiques ou sportives, l’objectif principal est de restaurer une culture du mouvement et de l’éducation physique et sportive, de l’école primaire à l’université.
Pourquoi le besoin de prévention est-il devenu si important, notamment auprès des parents ?
Parce qu’ils ont un temps de plus en plus contraint, entre leur travail et leurs nombreuses activités. Par peur et besoin de protéger leurs enfants, ils perdent l’habitude de les laisser jouer dans le quartier, dans les parcs ou les jardins. Les enfants sont davantage maintenus à domicile et véhiculés qu’il y a 30 ans. Et constat est fait que les enfants d’aujourd’hui ont une condition physique amoindrie relativement à ceux des générations précédentes.
Quels sont justement les dangers d’un manque d’activités physiques durant l’enfance ?
D’abord de réduire sa condition physique générale. Moins l’enfant pratiquera d’activités physiques, moins il aura d’aisance à le faire, moins il aura envie de bouger et moins il bougera. C’est ce qu’on appelle le cercle vicieux du déconditionnement physique. Une étude récente montre d’ailleurs que la capacité physique des collégiens en classe de sixième s’est beaucoup dégradée durant les trente dernières années. Et qui dit moins d’activités physiques dit souvent également moins d’interactions avec les autres, moins de jeux d’extérieur, de plaisir et d’expériences partagés dans les pratiques physiques ou sportives. L’engagement corporel dans des activités physiques tend à être remplacé par des expériences virtuelles qui engagent un imaginaire préconstruit.
Des liens étroits entre activité physique et développement cognitif
Quels sont, à l’inverse, les bénéfices d’une activité physique pratiquée dès le plus jeune âge ?
Un enfant stimulé sur le plan physique et moteur va activer ses facultés cardiaques, respiratoires, musculaires… Il va développer sa motricité, mais également ses capacités intellectuelles. Il y a un lien très étroit entre le développement moteur et les développements cognitif et affectif. Les expériences motrices favorisent le déploiement de la confiance en soi, la capacité à interagir avec les autres, à s’adapter à un nouvel environnement, à nouer des relations et à forger son identité. La période de l’adolescence s’accompagne souvent d’un désengagement des pratiques physiques et sportives. Il s’agit d’une période clé durant laquelle il est important de renouveler les formes de pratiques et d’amener les jeunes à construire leurs projets.
Quelles solutions s’offrent à nous aujourd’hui ?
La sensibilisation à l’activité physique doit débuter dès le plus jeune âge. Notamment à l’école, ce qu’elle fait plutôt bien, sans pour autant être en mesure de tout régler. Les parents doivent soutenir l’éducation physique scolaire pour sa réussite. Il est également important de les sensibiliser à la nécessité de se battre contre la domination des écrans, à soutenir l’activité physique de leurs enfants dans des pratiques organisées en dehors du temps scolaires (qu’elles soient formelles, organisées par des clubs ou des associations, ou informelles initiées par les familles sur les temps libres ou lors de déplacements actifs).
Et en dehors des cercles scolaires et familiaux ?
Il faut également travailler avec les collectivités locales pour sécuriser des espaces de jeux libres en plein air. Mais aussi dynamiser les déplacements vers l’école sur le modèle du « pédibus » qui organise une forme de ramassage scolaire à pied. Ou encore développer les offres de pratiques physiques non compétitives et l’offre de d’Activité Physique Adaptée pour les enfants fragiles, atteints d’une maladie chronique et/ou en situation de handicap. Le chantier est immense ! Si les clubs sportifs proposent des créneaux ludiques pour les plus petits, ils recherchent des collégiens et lycéens qui sont prêts à s’engager en compétition. Ces derniers peinent à trouver des créneaux de loisirs qui ne les enfermeraient pas dans une seule pratique. Une offre d’activités sportives plus appropriées à chacun pourrait ainsi être développée et réduire le désengagement à l’adolescence.
Cette notion d’activité physique adaptée ne se développe-t-elle pas aussi en direction des enfants malades ?
Bien sûr. L’Activité Physique Adaptée (APA) est une thérapeutique non médicamenteuse validée. Elle contribue à lutter contre la maladie, voire contre des effets délétères de certains traitements. Elle est proposée à des jeunes qui ne peuvent pratiquer en raison de leur maladie ou de leur handicap. A Lyon, l’Hôpital Femme Mère Enfant comme l’IHOP ont mis en œuvre de nombreux projets en APA, embauché du professionnel dédié, formé à l’université, créé des espaces de pratique (l’espace sport santé, la pyramide), noué des partenariats avec des clubs comme l’Olympique Lyonnais… Si l’on prend l’exemple du cancer, l’APA va aider l’enfant à supporter des soins potentiellement très lourds, à se reconstruire, à reprendre le contrôle de ses sensations et de son corps, retrouver le moral et le goût de vivre… L’APA participe ainsi à une approche globale du soin, intégrée et individualisée.
À SAVOIR
La Métropole de Lyon organise le mercredi 5 avril à l’Hôtel de la Métropole (20 rue du Lac, 69003 Lyon) l’événement « Comment promouvoir l’activité physique auprès des scolaires et des étudiants ? » Une rencontre ouverte à tous ponctuée d’une table-ronde sur les enjeux du sport-santé et d’un défi ludique voué à mettre à jour des propositions spontanées pour répondre à ces enjeux.
Infos et inscription ICI.
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