Nymphomane, sex addict, Marie-couche-toi-là… Les expressions mysogines et péjoratives pour décrire une femme ayant beaucoup de désir sexuel sont nombreuses. Pourtant, près de 5 % de la population serait touché par une réelle addiction au sexe dont 80 % seraient des hommes. La sexualité addictive est une maladie qui cache une réelle souffrance et dont les conséquences rendent le quotidien de ces personnes insoutenable.
Explications avec Karine Schein, sexologue et thérapeute de couple à Lyon.
Une personne au désir sexuel débordant est nymphomane. Voilà l’idée reçue qui stigmatise les femmes. Pourtant, il existe un réel trouble du désir qui concernerait 5 % de la population dont majoritairement des hommes. Il existe une réelle différence entre avoir un fort attrait pour le sexe et être au stade de l’addiction. La sexualité addictive est une maladie psychique extrêmement handicapante pour celles et ceux qui en souffrent.
Afin de comprendre et soigner l’hypersexualité, il faut remonter à la source. Les troubles du désir résultent généralement d’une pathologie ou d’un traumatisme qui n’ont pas été identifiés. Troubles du comportement obsessionnelles, dépression, isolement, sentiment d’être incompris… Les conséquences d’une sexualité addictive sont réelles.
Nymphomane : mythe ou réelle pathologie ?
Le terme « nymphomane » est associé à l’hystérie, une maladie inventée pour les femmes et revêtu à tort pendant de nombreuses années. Il est utilisé pour qualifier un désir sexuel exacerbé. Le mot « nymphomane » ne concerne que les femmes, car étymologiquement, il est la contraction de « nymphe » (divinité féminine) et de « mania » (folie des femmes). Aujourd’hui, on parle plutôt d’hypersexualité que de nymphomanie et 80% des personnes concernées seraient des hommes.
L’hypersexualité est à l’origine une maladie psychique en lien avec l’addiction et les troubles obsessionnels compulsifs ou bipolaires. Ce sont ces troubles qui vont se manifester à travers cette hypersexualité.
Une personne atteinte d’hypersexualité est donc une personne en réelle souffrance. Si elle n’a pas de relation sexuelle, son comportement peut s’associer à celui d’un toxicomane en manque de drogue : insistance, frustration, voire harcèlement pour assouvir ses désirs.
Cette addiction peut se visualiser comme un cycle en 4 temps :
- L’obsession : pour échapper à l’origine de sa souffrance, la personne va porter son attention sur le sexe.
- La ritualisation : la personne n’est jamais satisfaite et cette dépendance est systématique.
- L’action : l’acte sexuel permet de soulager temporairement cette souffrance.
- Le désespoir : la personne est incapable de se contrôler et se sent impuissante. Après un rapport, la souffrance revient et le cercle vicieux recommence.
On distingue deux profils bien distincts chez les individus qui souffrent d’hypersexualité. Celui qui est en quête de plaisir et de partenaire séduisant, qui enchaînera les rapports mécaniques sans réelle fin en soi, car il sera toujours insatisfait. Ainsi que celui qui se moque du physique de son/sa partenaire, car atteindre l’orgasme est facile, mais surtout vital. Ils sont addicts aux sensations et au sentiment d’apesanteur générés par l’orgasme.
Qu’est-ce qui déclenche la nymphomanie ?
Plusieurs causes pourraient être responsables de l’hypersexualité, même si aucune n’a réellement été déterminée. L’addiction sexuelle étant un trouble psychique, un conflit intrapsychique ancien est aussi régulièrement évoqué. Ce comportement compulsif se manifeste alors comme un mécanisme de défense symptomatique lié à un problème psychologique non résolu.
La dépendance sexuelle se développerait davantage chez les personnes émotionnellement instables à tendance bipolaire, dépressive et/ou avec des épisodes maniaques. Cela peut également avoir une origine neurologique ou encore consécutive à la prise d’un traitement médicamenteux. Les corticoïdes ou la L-Dopa pourraient par exemple déclencher des troubles du désir.
La dépendance sexuelle est donc principalement la conséquence d’un trouble psychique, d’un traumatisme, d’une pathologie qui n’a pas été diagnostiquée.
En quoi et comment l’addiction au sexe résulte d’une réelle souffrance ?
En tant que maladie psychologique, des conséquences néfastes découlent de cette hypersexualité :
- Difficulté à préserver des relations saines et stables avec leur entourage.
- Dépression causée par des désirs sexuels insatisfaits.
- Comportement stigmatisé : les femmes victimes souffrent du regard des autres, culpabilisent et n’osent pas se confier à leur entourage. Les femmes nymphomanes s’enferment dans le silence et s’isolent, choisissent d’affronter la maladie seules alors qu’elles ont besoin d’être écoutées, soutenues et suivies.
- Comportements sexuels à risque et non protégés.
Peut-on se soigner de la sexualité addictive et existe-t-il des traitements ?
Cette pathologie est difficile à détecter. Ceux qui en souffrent n’osent pas en parler et ne se rendent pas compte des conséquences graves. De plus, l’hypersexualité chez la femme est plus stigmatisante que chez l’homme. Un homme qui a des rapports avec beaucoup de femmes et qui montre une sexualité débridée est assez valorisé. L’inverse est beaucoup moins vrai. D’autant plus qu’il est très difficile d’établir une norme en termes de désir.
Pour se soigner, il est préconisé d’en parler avec un psychologue, un sexologue, ou sexothérapeute ou un psychiatre. Si la thérapie ne suffit pas, des méthodes de médecine parallèle comme la sophrologie ou l’hypnose peuvent s’avérer efficaces. Les traitements médicamenteux comme des antidépresseurs peuvent aussi parfois être prescrits.
À savoir
La « nymphomanie » chez la femme, et la « satyrisme » chez l’homme, sont deux termes tirés de la mythologie. Au XVIIIème siècle, le traitement de la « nymphomanie » reposait sur l’ablation du clitoris et des châtiments comme l’internement ou le bannissement.