Oméga-3, produits enrichis en phytostérols… Les complémentaires alimentaires sont-ils vraiment bénéfiques pour la santé, et en particulier pour protéger du cholestérol et des risques cardio-vasculaires. Les réponses du Pr Philippe Moulin, chef de service endocrinologie et diabétologie au sein de l’hôpital Louis Pradel, à Lyon.
On parle beaucoup des Oméga-3 qui seraient formidables pour la santé : leur action est-elle vraiment importante sur le cholestérol ?
Les Oméga-3 ne font pas baisser le LDL cholestérol (mauvais cholestérol). Les derniers essais cliniques avec des compléments ont été systématiquement négatifs en protection cardiovasculaire depuis les 4 dernières années, et c’est pour cela qu’ils ont été déremboursés. Mais ils pourraient être néanmoins bénéfiques quand ils sont apportés par une alimentation naturelle et peuvent avoir un impact via d’autres mécanismes, et notamment en inhibant les plaquettes. On ne peut donc que conseiller d’en consommer régulièrement dans des produits naturels comme certains poissons gras (saumon, hareng, maquereau, thon…) ou blancs (sole, raie, merlan…), l’huile de foie de morue, les noix, les pistaches, les amandes, le soja, les épinards crus…
Mauvais cholestérol, statine et phytostérols
Que penser des produits enrichis en phytostérols, censés réduire le mauvais cholestérol ?
Cette question n’est pas simple. Les produits enrichis en phytostérols comme la margarine, le yaourt, sont l’objet d’un débat actuellement. Ils sont autorisés depuis les années 90. Ce que l’on sait, c’est que lorsque l’on consomme 2 grammes par jour de phytostérols, cela baisse de 10% le cholestérol LDL. Le problème est que l’industrie agroalimentaire n’a jamais voulu dépenser d’argent pour faire des essais cliniques montrant que ça fonctionnait en prévention cardiovasculaire. Il faudrait traiter au moins 30 000 personnes pendant 5 ans… Quand ce genre d’essai est réalisé pour un médicament, le retour sur investissement est intéressant, mais cela ne l’est pas pour un industriel qui vend son produit peu cher, et dont les concurrents vont profiter de l’étude. Du fait qu’il n’y ait pas d’étude scientifique sur ces produits, l’ANSES ne les recommande pas, contrairement à d’autres grandes institutions comme l’American heart association, et bien d’autres société savantes. Après, on sait qu’une statine fait baisser de 30 à 40% le LDL cholestérol. Si l’on regarde le rapport coût/performance, la statine est paradoxalement plus intéressante.
Quid des médicaments ?
Quels effets secondaires peuvent avoir les traitements médicamenteux ?
Notons d’abord que nous avons un recul colossal sur ces médicaments, car ils sont sur le marché depuis le début des années 90. On dispose donc 25 ans de recul. Ces médicaments sont parmi les plus prescrits au monde. Les événements graves menaçant la vie des gens sont exceptionnels : on dénombre environ 1 décès pour 5 à 10 millions d’années de traitement. En guise de comparaison, les médicaments anticoagulants sont 1000 fois plus dangereux.
Lorsque le cholestérol est génétique, à partir de quel âge traite-t-on les enfants dépistés ?
Pour les formes les plus graves d’hypercholestérolémie familiale hétérozygote, on les traite en accord avec les recommandations européennes à partir de l’âge de 8 ans. Pour les formes modérées, à partir de 12 à 16 ans, après la puberté.
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A savoir
On considère que la prise d’un traitement est efficace si 80% des médicaments sont pris. La sécurité sociale a maintenant des outils de surveillance, et l’on observe que les mauvais observants font plus de complications cardiovasculaires. Le traitement ne fonctionne que s’il est suivi de façon chronique, le taux d’abandon en prévention primaire est très élevé depuis la polémique d’il y a trois ans qui portait sur les formes nutritionnelles et polygéniques, il est désolant de constater le nombre d’arrêt de traitement par confusion dans les formes mono géniques.