L’origine du coronavirus est un véritable mystère pour la communauté scientifique, même un an après son apparition officielle. Loin des théories du complot, les chercheurs essaient de comprendre grâce à la science comment le coronavirus a émergé chez l’homme. Les experts n’excluent aucune hypothèse, comme celle de l’accident de laboratoire… Retour sur la genèse d’une pandémie meurtrière avec l’expertise de Philippe Vanhems, professeur des universités et praticien hospitalier aux Hospices Civils de Lyon (HCL) et à l’Université Claude Bernard Lyon 1 et chercheur au Centre International de Recherche en Infectiologie (CIRI).
« Nous voulons connaître l’origine du Covid-19 et nous ferons tout pour la connaître ». Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a clarifié la volonté de rendre publique la genèse d’une pandémie historique. La Covid-19 a déjà un an d’existence. Les experts continuent toujours les investigations pour comprendre l’émergence du coronavirus chez l’homme.
Aucune étude officielle ne fait encore la lumière autour de l’origine de la pandémie. Des investigations complexes qui ont une importance clé dans la suite même de la lutte contre le coronavirus. « Il est essentiel de comprendre la genèse liée à l’infection et à ses complications chez l’homme. Cela permet d’identifier certains déterminants qui sont contrôlables, notamment en ce qui concerne les risques de transmissions », explique Philippe Vanhems. Membre du conseil scientifique régional, il est professeur des universités et praticien hospitalier aux Hospices Civils de Lyon et à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Il est également chercheur au Centre International de Recherche en Infectiologie.
Comprendre comment le coronavirus a émergé facilite la compréhension de sa capacité à créer une maladie potentiellement sévère. Une fois cela dévoilé, les chercheurs pourront mieux intervenir pour maîtriser ses conséquences pathogènes. Dans une perspective plus lointaine, la compréhension de l’origine du Covid-19 pourrait permettre de mieux anticiper de futures pandémies.
Historique de l’origine du Covid-19
Au microscope, son nom prend soudainement sens. Autour de la germe du virus, on observe une capsule de protéines en forme de couronne. Issu de la famille des coronaviridae, le coronavirus était jusqu’en 2002 loin d’être aussi inquiétant qu’aujourd’hui, selon l’INSERM. Les complications concernaient principalement les personnes immunodéprimées et les nourrissons.
Mais de 2002 à 2004, l’épidémie de SARS Cov-1 (en français : Syndrome Respiratoire Aigu Sévère), responsable de 774 décès, a changé la donne. Habituellement, le coronavirus se transmet qu’entre les espèces animales principalement. Or, cette épidémie a révélé que le coronavirus peut infecter l’homme et causer des symptômes sévères allant jusqu’au décès.
Une seconde épidémie en Arabie Saoudite a lieu aux alentours de 2012. Le coronavirus devient ensuite source d’études pour des centres de recherches répartis dans le monde entier. Dont celui de Wuhan, en Chine, qui héberge un laboratoire P4, financé en partie par la France. Cette classification autorise l’hébergement de micro-organismes extrêmement pathogènes. À l’intérieur de salles hermétiques où la protection est renforcée, plusieurs virus mortels, sans vaccins identifiés, sont analysés. Une trentaine de laboratoires P4 existent à l’échelle mondiale. À Lyon, il existe le P4 Jean Mérieux, situé à Gerland.
L’hypothèse de l’accident
Le laboratoire P4 de l’institut de virologie de Wuhan a, dès 2015, cherché à anticiper les nouvelles pandémies. Plus précisément celles de coronavirus passant des animaux à l’humain. Au début de l’année 2020, le Sars-Cov 2 a d’ailleurs été identifié officiellement dans ce laboratoire P4. Les complotistes s’interrogent sur le lien géographique entre ce laboratoire manipulant des coronavirus et le lieu d’émergence du Covid-19, dans un marché de gros de fruits de mer à Wuhan. De là, les interrogations fusent. Une fuite (in)volontaire ? Un accident passé sous silence ?
La communauté scientifique n’écarte pas ces hypothèses. Mais celle-ci reste toutefois mal à l’aise quant à l’idée de donner du crédit aux théories reprises par les complotistes. « Il faut que nous soyons extrêmement prudents quant à la dépense du temps et d’énergie consacrée à tester ces hypothèses. Ces possibilités sont très faibles, non nulles, mais d’autres sources d’infection sont beaucoup plus crédibles. Nous devons analyser factuellement l’ensemble des études publiées », analyse Philippe Vanhems qui prône une totale transparence sur l’avancée des recherches.
Actuellement, rien ne permet d’affirmer que le laboratoire de Wuhan a une part de responsabilité dans l’émergence du virus.
Quel animal à l’origine du Covid-19 ?
C’est l’hypothèse la plus crédible aux yeux des scientifiques. Celle d’un passage malheureux entre un animal et l’homme. Le coronavirus a pour hôte principal les vertébrés volants à sang chaud. Les oiseaux et les chauve-souris remplissent les critères. Par conséquent, ce sont eux qui font émerger, héberger et évoluer le coronavirus. La chauve-souris est reconnu unanimement comme l’hôte principal du Covid-19. Cependant, sous cette forme, le virus n’est pas transmissible à l’homme. Il doit muter… ou passer par un hôte intermédiaire, un autre animal.
Quant à l’animal en question, le flou persiste. À première vue, il a été envisagé que le pangolin soit l’hôte secondaire. C’est à dire, responsable du passage entre l’espèce animale et l’humain. Le pangolin était même vendu sur le marché Huanan, dans la ville de Wuhan. Finalement, la responsabilité du pangolin est moins sûre qu’envisagé. En effet, la comparaison entre le virus présent chez l’homme et le pangolin dévoile une concordance moins évidente que prévue. Alors, quel animal ? Les chercheurs penchent actuellement pour la civette, un mammifère carnivore à quatre pattes… mais non volant.
Au-delà de l’identification de l’hôte intermédiaire, la question primordiale est celle de la transmission. Pourquoi le Sars-Cov2 a-t-il réussi à arriver jusqu’à l’homme ? « On sait qu’il y a au moins deux hypothèses. Celle d’un seuil de réplication chez l’animal si important que cela a fini par infecter l’homme au bout d’un certain temps. Ou alors, le virus présent chez l’animal peut avoir muté. Dans ce cas-là, cette modification génétique peut lui avoir conféré une capacité de transmission vers l’homme accrue. Et ce, indépendamment de la quantité de virus présent dans l’espèce animale », détaille Philippe Vanhems.
L’origine du Covid : méthodologie d’enquête
Les investigations pourraient presque être assimilées à une enquête policière, comme l’explique Philippe Vanhems. « Les études épidémiologiques tendent à identifier les populations humaines et animales à risque d’infection. Mais également les facteurs liés à la transmission incluant des facteurs environnementaux et ceux associés au pronostic de l’infection. » L’investigation aura atteint son but lorsque le virus suspect sera identifié de manière formelle par les biologistes. Ensuite, le virus pourra être comparé aux autres agents infectieux déjà connus.
L’objectif est ainsi de trouver les points communs aux autres pathogènes et les spécificités propres au Covid-19. « Nous tentons de détecter un lien entre un potentiel virus et les manifestations cliniques de personnes contaminés. Les éléments récoltés décrivent une dynamique épidémique selon le temps, le lieu et les caractéristiques de ces personnes. »
Le « patient zéro » est-il identifiable ?
Parmi les nombreux mystères, se trouve celui du « patient zéro ». Également appelé « cas index », « c’est l’origine présumée de la maladie chez l’humain. Il s’agit du premier cas qui doit être retracé afin d’essayer de décrire en détail ce qui s’est passé. Il faut comprendre dans quel contexte le virus s’est développé chez lui. Également, il faut savoir pourquoi d’autres personnes de son environnement proche se sont infectées et d’autres non », explique Philippe Vanhems.
Identifier le tout premier cas humain est loin d’être une tâche évidente. Les scientifiques ont envisagé que le patient zéro se trouvait au sein des premiers cas du marché de Wuhan. Mais le premier cas officiel daté du 1er décembre à Wuhan n’a pourtant pas révélé de lien avec ce lieu précis. D’autres cas suspects dateraient même du mois précédent. « Les chercheurs tentent de confirmer la présence d’un agent infectieux à ce stade initial de l’épidémie. Cela permet de comprendre la chaine épidémiologique. Un travail qui demande beaucoup de précision et de travail d’investigation », détaille Philippe Vanhems. Un exercice de “contact-tracing” où l’on tente de remonter le temps.
De plus, des journalistes américains ont révélé un manque de transparence de la part des autorités locales chinoises. Sur le mois de décembre et janvier, le nombre réel de cas Covid-19 aurait été caché dans cette région de Chine. Des données troubles qui empêchent de reconstituer précisément les débuts du parcours d’un virus meurtrier.
Plus d’un an après, les experts n’ont toujours pas identifié clairement ni l’origine du Covid-19, ni le premier patient humain.
À SAVOIR
Le premier cas officiel, bien que remis en doute, date du 1er décembre 2019, en Chine. Depuis, la pandémie du Covid-19 a contaminé près de 69 millions de personnes dans le monde entier. En décembre 2020, le nombre de décès au niveau mondial s’élève à plus de 1 500 000. L’ESPOIR D’UNE PORTE DE SORTIE TOURNE AUTOUR DES VACCINS À ARN-M. Le Royaume-Uni est le premier pays à en avoir autorisé son usage.