On savait la jeunesse française en souffrance, mais l’ampleur de ce mal-être semble particulièrement sous-estimé. 25% des jeunes de 15 à 29 ans avouent souffrir de symptômes dépressifs, un chiffre colossal mis en lumière par une étude choc réalisée par la Mutualité Française au printemps dernier, et dont les résultats, profondément alarmants, viennent d’être rendus publics.
Mais qu’arrive-t-il à notre jeunesse ? La tendance n’est pas nouvelle, puisque l’état de la santé mentale de la population française, et plus particulièrement des jeunes, s’invite régulièrement dans le débat public. Mais ce qui inquiète, depuis que la crise sanitaire a cruellement mis le phénomène en lumière, c’est son importance sous-estimée et, surtout, sa croissance exponentielle.
Un jeune de 15 à 29 ans indique souffrir de symptômes dépressifs. Pire, 31% ont déjà songé à se faire du mal, voire à mettre fin à leurs jours. C’est ce que révèle les conclusions d’une grande enquête réalisée par la Mutualité Française, l’Institut Terram et l’Institut Montaigne.
Cette étude passe au crible les raisons d’une telle dégradation, que les jeunes eux-mêmes ont parfois du mal à percevoir. 14% des sondés seulement sont capables de se juger en mauvaise santé mentale, ce qui montre à quel point la perception que l’on peut avoir de la période est très certainement bien en deçà de la réalité. L’étude, en l’occurrence, pointe “un décalage entre la perception globale de (leur) état psychique et le vécu symptomatique”.
Les jeunes d’outre-mer et les femmes en première ligne
Autre élément mis en exergue, de profondes disparités entre les jeunes, moins touchés par ces symptômes dépressifs en métropole que dans les départements d’outre-mer (52% en Guyane, 44% en Martinique…) Les femmes sont également beaucoup plus concernées que les hommes : 27% d’entre-elles (et même 29% avant 22 ans) se disent en dépression, contre 22% des jeunes hommes (19% avant 22 ans).
L’origine sociale joue également : “47% des jeunes en grande précarité souffrent de dépression, près de trois fois plus que chez les jeunes sans difficultés économiques”. Les jeunes à la vie sociale fournie se disent aussi en meilleure santé mentale que les non actifs.
Les inégalités, enfin, subsistent également en matière d’âge, contribuant à tisser une toile générale qui n’a rien d’uniforme. Les jeunes dont la santé mentale est la plus dégradée sont les 22-25 ans (28% d’entre eux), juste devant les 18-21 ans (27%). Le mal est moindre ”avant” (19% des 15-17 ans) et “après” (23% des 26-29 ans).
Écoanxiété, stress du travail, pression économique et hyperconnexion : le cocktail explosif
Mais pourquoi les jeunes Français sont-ils en telle détresse psychologique ? Selon l’enquête, ces jeunes générations, qui sont sorties de l’enfance pendant la crise sanitaire, sont bouffées d’anxiété. En causes principales, un avenir personnel jugé incertain (68% des sondés), une actualité internationale angoissante (83%) et un futur environnemental alarmant (77%).
L’étude pointe également la pression scolaire et professionnelle : “87% des jeunes sont stressés par leurs études et 75% par leur travail”. Résultat, parmi ces jeunes stressés, 33% des étudiants sont en dépression, tout comme 41% de ceux qui travaillent. Nombreux sont ceux, aussi, qui ont été confrontés au harcèlement scolaire (52% des jeunes touchés), ce qui laisse des traces profondes pour l’avenir.
L’hyperconnexion numérique, dans laquelle baigne particulièrement cette tranche d’âge (15 à 29 ans) est également un facteur clé. Un jeune sur deux passe plus de 3 heures par jour sur les réseaux sociaux, et 10% entre 5 et 8 heures. “Plus le temps d’écran augmente, plus les troubles s’intensifient : 44% de ceux qui y passent plus de 8 heures sont en dépression. C’est trois fois plus que ceux qui y passent moins d’une heure (15%)“.
Et le cyberharcèlement, dont sont victimes 26% des jeunes (dont 5% de manière récurrente), accentue inévitablement le basculement dans un état dépressif.
Comment agir : les jeunes réclament plus de prévention
“Cette étude, inédite par son ampleur et sa profondeur, révèle des constats alarmants sur la santé mentale des jeunes dans tous les territoires. Face à cette réalité, nous ne pouvons plus rester spectateurs”, assène Séverine Salgado, directrice générale de la Mutualité Française.
La responsabilité ne pèse pas uniquement sur les épaules des jeunes. Un chiffre, en effet, révèle le nécessaire travail de sensibilisation à mener pour infléchir la courbe: 38% seulement des interrogés “ont déjà parlé de leur santé mentale à un professionnel de santé”. Pourquoi si peu ? Beaucoup sont freinés par la honte, la peur du jugement, voire le coût de la prise en charge psychologique. Nombreux sont ceux qui estiment aussi qu’un traitement ne va pas les aider.
Dans ce contexte, les attentes manifestées par les jeunes n’ont rien de surprenant : 36% plaident pour plus de prévention et 34% pour un meilleur accès aux soins psychologiques. “En cette année où la santé mentale est la grande cause nationale, il est encore temps de franchir un cap et bâtir une politique ambitieuse, cohérente et durable, en s’appuyant sur les recommandations formulées par les jeunes”, conclut Séverine Salgado. “C’est une urgence sociale. Et c’est une responsabilité collective.”
À SAVOIR
L’enquête “Santé mentale des jeunes de l’Hexagone aux Outre-Mer, cartographie des inégalités”, a été réalisée par la Mutualité Française, l’Institut Montaigne et l’Institut Terram auprès de 5633 jeunes de 15 à 29 ans, du 14 au 30 avril 2025.