spermatozoid in vitro
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La start-up lyonnaise Kallistem a réalisé une première mondiale : la production de spermatozoïdes humains complets in vitro, sur la base de prélèvements effectués sur des hommes infertiles. Une découverte qui pourrait changer le destin de jeunes enfants atteints d’un cancer, ou d’adultes souffrant de troubles de la spermatogenèse. Les explications du professeur Hervé Lejeune, endocrinologiste de renom.

Une solution pour vaincre l’azoospermie

En pédiatrie, le traitement des cancers s’est nettement amélioré, et l’on guérit une majorité d’enfants, au prix de séquelles de stérilité, pour les traitements les plus agressifs. Avant la puberté, ils n’ont pas de spermatozoïdes, et l’on ne peut donc pas faire comme chez les adultes où l’on congèle les spermatozoïdes avant une chimiothérapie ou une radiothérapie. C’est donc pourquoi il n’y avait pas de solution pour ces enfants jusqu’à maintenant. Avec la technique mise au point par Kallistem, on a bon espoir de pouvoir utiliser les tissus testiculaires qui contiennent les cellules de réserve qui n’avanceront dans la spermatogenèse qu’à la puberté. Donc dans le système in vitro, on va essayer d’obtenir des spermatozoïdes pour ces enfants, comme on l’a fait en laboratoire pour des rats de 8 jours. Ensuite, il s’agira de congeler les spermatozoïdes, de manière à faire une Fécondation in Vitro avec micro-injection (ICSI). Dans ce cadre, nous avons reçu des crédits du Cancéropôle Auvergne-Rhône-Alpes (CLARA) pour mettre au point ces procédés : comment congeler pour que les tissus puissent être utilisés dans la spermatogenèse in vitro ? Comment sont les cellules germinales des enfants selon l’âge ? Combien en aura-t-on ? Combien de temps faudra-t-il les cultiver ? Il y a encore de la mise au point, mais elle débute déjà !

Cela pourra concerner les enfants à partir de quel âge, et jusqu’à quel âge ?

Pour le moment, nous n’avons pas de raisons d’avoir une limitation d’âge. Ce n’est que si l’on trouvait qu’avant l’âge de deux ans, cela ne fonctionne pas qu’il y aurait une limitation. Parfois, ce sont de très jeunes enfants qui subissent un traitement fort et toxique. Ensuite, la question pour les grands enfants est de savoir quand est-ce qu’ils ont suffisamment avancé dans la spermatogenèse. Là, les collègues de la Banque de sperme ont une limite autour de 12 ans. Avant, il est rare de trouver des spermatozoïdes.

La deuxième application concerne les hommes infertiles. Dans quel cas de figure exactement puisque l’on sait qu’il existe de nombreuses causes d’infertilité ?

On a fait un grand progrès en matière d’infertilité masculine avec la micro-injection, mais pour cela, il faut bien entendu avoir des spermatozoïdes. Pour les patients qui sont azoospermiques, c’est à dire qui n’ont pas de spermatozoïdes, on a pu développer une méthodologie pour extraire les spermatozoïdes à partir du tissu testiculaire, quand il en reste quelques uns. Pour les patients qui souffrent d’une azoospermie obstructive, c’est à dire quand grossièrement les tuyaux sont bouchés (un tiers des cas environ), on a beaucoup de spermatozoïdes dans les testicules, donc il n’y a pas de difficultés. Mais pour les patients qui ont un trouble de la spermatogénèse (les trois quart restant), la moitié d’entre eux ont des petits îlots où il reste encore quelques spermatozoïdes. En utilisant la biopsie testiculaire, on arrive à avoir des spermatozoïdes pour faire une FIV dans 50% des cas. Pour ceux qui n’ont rien, certains vont avoir des cellules germinales, des spermatogonies au moins, et à ce moment là, on espère pouvoir améliorer leur spermatogénèse. Cela va dépendre de la maladie qui les aura rendus stériles. Il y aura une recherche à faire pour savoir quels sont les patients qui pourront bénéficier de cette méthodologie. Ce ne seront pas tous les patients, mais c’est prometteur et cela constitue une avancée de plus dans l’amélioration de la prise en charge de la stérilité masculine.

A savoir

La spermatogenèse est le processus de production des spermatozoïdes. Elle permet de faire évoluer des cellules germinales primordiales (spermatogonies), en spermatozoïdes, grâce au concours de cellules nourricières : les cellules de Sertoli. Tout l’enjeu de Kallistem est de reproduire cet environnement in vitro afin de permettre la différenciation des cellules souches germinales.

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Journaliste indépendante depuis 2013, Paulina Jonquières d'Oriola s'est longtemps spécialisée dans la rédaction d'articles santé : psycho, sexualité, santé animale... Une fine plume au service de l'info santé !

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