Un homme en sous-vêtement qui s'interroge sur son appareil génital.
En 2021 et 2022, plus d'hommes ont été stérilisés que de femmes. Un phénomène qui prend de l'ampleur, y compris chez dans les jeunes générations. © Freepik

La vasectomie, méthode de contraception masculine, connaît un essor fulgurant. Le nombre de stérilisations masculines a en effet été multiplié par quinze en douze ans, dépassant celui de la stérilisation féminine. Une tendance qui soulève aujourd’hui des inquiétudes chez les professionnels de santé, alarmés notamment par le profil de candidats de plus en plus jeunes. L’analyse du Pr Israël Nisand, gynécologue obstétricien.

La vasectomie est une forme de stérilisation masculine qui consiste à sectionner et ligaturer (ou attacher) les canaux déférents. Ces tubes ont pour rôle de conduire les spermatozoïdes vers la prostate, où ils se mêlent au liquide séminal pour former le sperme. Cette méthode de stérilisation définitive est de plus en plus fréquente chez les jeunes hommes. Un choix irréversible qui pose des questions éthiques pour les spécialistes de santé (gynécologues, urologues et sages-femmes). Les explications du Pr Israël Nisand, gynécologue obstétricien.

En France, pour des raisons culturelles et sociétales. Il y avait une confusion chez la plupart des hommes entre fertilité et virilité. Or, la fertilité et la virilité sont deux concepts différents. Beaucoup d’hommes, aujourd’hui plus cultivés et peut-être moins enclins à souhaiter avoir une descendance, décident de ne plus risquer une descendance accidentelle qui contraindrait leur compagne soit à faire une IVG, soit à garder une grossesse dont ils ne voudraient pas. La seule solution, en dehors de la vasectomie, c’est le préservatif, qui peut être gênant pour certains. Donc, des hommes ayant pris la décision de ne pas avoir d’enfant, ont recours à ce geste chirurgical sous anesthésie locale.

Oui. Et à choisir entre les deux, je préfère la vasectomie, parce qu’un homme peut très bien conserver du sperme en banque, ce qui, s’il change d’avis dix ans plus tard, lui permettra d’avoir quand même une descendance. Alors que chez les femmes, c’est beaucoup plus difficile. De plus, la ligature des trompes est généralement une opération chirurgicale plus compliquée que la ligature des déférents.

La contraception définitive a du charme auprès des jeunes hommes. Ils sont de plus en plus nombreux à y avoir recours. Le fait de décider très tôt de ne pas avoir d’enfant pour des raisons souvent écologiques est apparu récemment. Le partage de la charge contraceptive avec les femmes est aussi une notion récente. Ces grands mouvements sociétaux expliquent l’augmentation de la vasectomie, qui est passée devant la ligature des trompes. Aujourd’hui, il y a près de 30 000 ligatures des déférents en France chaque année, contre quelques centaines auparavant. C’est deux fois plus que la ligature des trompes.

À ma connaissance, il n’existe pas d’étude sur la question. C’est une question sociologique, et les médecins ne sont pas de bons sociologues (sourires) ! Globalement, il y a deux populations : les quarantenaires et les tout jeunes. Chez les quarantenaires, cela n’a pas vraiment augmenté, alors que chez les tout jeunes, cela a fortement augmenté. En ce qui concerne les classes sociales, j’ai l’impression que cela touche tout le monde. 

Nous vivons à l’époque des droits de l’homme et la relation avec un médecin est un contrat entre égaux. Le médecin propose, le patient dispose. Le médecin est considéré comme un prestataire de services, et une personne majeure est libre de décider pour elle-même. En matière de contraception définitive, il y a un délai de réflexion de quatre mois. Une fois ce délai passé, si la personne est considérée saine d’esprit, elle peut engager la procédure. Toutefois, un médecin peut faire valoir sa clause de conscience et refuser de pratiquer l’acte s’il estime que cela ferait du mal au patient. Dans ce cas, il oriente le patient vers un autre médecin.

Il s’agit de bien informer sur l’irréversibilité de cette contraception. Peu de jeunes souhaitent conserver leur sperme, et donc décident de ne jamais avoir d’enfant. Les médecins doivent informer les patients sur les conséquences, notamment sur le plan démographique.

Il y a vingt ans, proposer une vasectomie était impensable, même pour les quadragénaires. Aujourd’hui, c’est une demande qui vient des jeunes. La perception du corps a changé. La jeune génération n’a plus la même réticence à toucher de manière définitive à son corps. Cela traduit un changement sociétal considérable dans la tête des hommes et des couples. Si cela augmente encore, nous verrons augmenter d’ici à 10 ans les demandes de reperméabilisation (ou vasovasostomie, l’opération de réversibilité, NDLR). À titre personnel, je pense qu’il faudrait prévenir dès aujourd’hui sur le fait que ces demandes ne seront pas totalement prises en charge par la Sécurité Sociale.

J’ai vu tellement de gens changer d’avis… Une fois, j’ai rencontré une femme qui avait perdu son mari et ses trois enfants dans un accident de voiture. Elle a ensuite rencontré un homme plus jeune qui lui a dit : « Je t’épouse si tu me fais un enfant ». Malheureusement, elle avait subi une ligature des trompes. Qui peut prédire ce qui arrivera et ce que sera son désir d’enfant dans 20 ans ? Personne. En consultation, nous pouvons juste dire : « Êtes-vous sûr ? Vous savez que c’est définitif ? » Au final, c’est un grand garçon, c’est lui qui décide. Par contre, j’aurais tendance à rendre les actes de reperméabilisation moins remboursés par la Sécurité Sociale.

La question est de savoir ce qui est pris en charge par la collectivité. Aux États-Unis, il y a des cliniques qui vivent de cela : « Je te ligature, je te reperméabilise, je te ligature, je te reperméabilise ». Pardonnez-moi, mais à l’heure où la Sécurité Sociale est en déficit, on pourrait peut-être choisir les choses qu’on paye et celles qu’on ne paye pas. C’est un avis personnel, ce n’est pas facile à instituer, mais j’aurais tendance à dire à une femme qui choisit la ligature des trompes à 20 ans : « Attention, si tu as besoin d’une FIV plus tard ou d’une reperméabilisation des trompes, prépare-toi à en assumer le coût ». Oui, ce sont de grands garçons et de grandes filles, mais avec le porte-monnaie de la Sécurité Sociale…

Oui, la France est le seul pays au monde à offrir des soins gratuits. Ailleurs, la question ne se pose pas. Durant la crise Covid, certains qui refusaient la vaccination se retrouvaient en réanimation à 5 000 euros la journée. Moi, j’aurais eu tendance à leur dire : « Si tu ne te vaccines pas, mais que tu as besoin d’une réanimation, une partie des frais sera à ta charge ». Il faut responsabiliser les gens, ils n’ont pas que des droits, ils ont aussi des devoirs !

À SAVOIR

Les Assises Nationales de Gynécologie à Lyon sont un événement médical majeur réunissant des experts en santé reproductive pour discuter des avancées cliniques et des meilleures pratiques en gynécologie et obstétrique. La 9e édition des Assises Nationales de Gynécologie a eu lieu les 6 et 7 juin 2024 au Palais de la Bourse à Lyon.

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Vincent Dallée
En troisième année de journalisme à l'ISFJ et créateur d'un petit média scientifique, Vincent Dallée développe ses talents rédactionnels pour Ma Santé, animé par la mission du journaliste d'informer les gens sur leur santé.

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