Le 26 août 2025, la Commission européenne a validé la commercialisation du Yeytuo, un traitement préventif contre le VIH mis au point par le laboratoire Gilead. Déjà autorisé aux États-Unis sous le nom de Yeztugo, ce médicament présenté comme une révolution médicale pourrait bien changer la donne dans la lutte contre le sida. Mais son prix et son accessibilité posent déjà de lourds défis. Explications.
Le VIH continue de toucher fortement l’Europe. 25 000 nouvelles contaminations sont enregistrées chaque année dans l’Union européenne et l’Espace économique européen selon l’ECDC (Centre européen de prévention et de contrôle des maladies). En France, près de 5 000 personnes découvrent leur séropositivité chaque année, d’après Santé publique France.
Face à ces chiffres, la prévention reste essentielle. Jusqu’ici, la PrEP orale (prophylaxie pré-exposition), prise sous forme de comprimés quotidiens (Truvada® ou génériques), constituait la principale arme. Mais de nombreux patients évoquent une difficulté à respecter cette prise quotidienne, réduisant l’efficacité en conditions réelles.
Le Yeytuo change la donne. Il s’agit d’un anticorps monoclonal administré par deux injections intramusculaires par an seulement. Selon les essais cliniques présentés par Gilead, ce traitement réduit le risque de contamination par le VIH de plus de 99,9 %, un niveau de protection inédit.
Un traitement préventif « nouvelle génération »
Une avancée médicale, mais à quel prix ?
Aux États-Unis, Gilead a annoncé en juin un tarif avoisinant les 28 000 dollars par an et par patient, soit près de 24 000 euros. En Europe, aucun prix n’a encore été communiqué. Mais les inquiétudes sont déjà vives. Comment garantir un accès équitable à ce traitement, notamment pour les populations les plus exposées, comme les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, les travailleurs du sexe ou encore certaines communautés migrantes ?
« Si ce prix est confirmé en Europe, il sera tout simplement inaccessible pour la grande majorité des personnes qui en auraient besoin », estime le professeur Jean-Michel Molina, infectiologue à l’hôpital Saint-Louis à Paris, cité par Le Monde.
En France, tout nouveau médicament doit passer par une évaluation de la HAS (Haute Autorité de Santé) avant d’être éventuellement pris en charge par l’Assurance maladie. La question du remboursement sera donc centrale dans les prochains mois.
Une distribution mondiale sous tension
Le VIH reste une pandémie mondiale. 39 millions de personnes vivaient avec le virus en 2023 selon l’ONUSIDA, et environ 1,3 million de nouvelles infections ont été enregistrées la même année.
Consciente des inégalités d’accès, Gilead a signé en 2024 des accords avec des fabricants de génériques afin de produire des versions à bas coût dans plus de 100 pays à revenu faible ou intermédiaire. En juillet 2025, le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a conclu un partenariat avec Gilead pour faciliter la diffusion de ce traitement dans ces régions.
Reste que l’arrivée du Yeytuo en Europe risque de creuser un fossé entre pays riches et pauvres, si aucune politique volontariste n’est mise en place pour assurer une diffusion équitable.
Quelles perspectives pour la France et l’Europe ?
Le feu vert de la Commission européenne ouvre la voie à une mise sur le marché dans les prochains mois, mais le calendrier exact dépendra des procédures nationales. En France, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) devra encadrer l’utilisation et fixer les conditions d’accès.
Pour les associations de lutte contre le VIH, comme AIDES ou Act Up-Paris, ce traitement constitue une avancée majeure, mais ne doit pas faire oublier les autres leviers de prévention : dépistage, éducation à la santé sexuelle et accès universel à la PrEP orale.
« C’est un pas immense, mais il ne doit pas creuser les inégalités. Nous avons besoin d’un accès large, rapide et gratuit pour les populations les plus exposées », insiste AIDES dans un communiqué publié ce 27 août 2025.
À SAVOIR
En 2024, environ 630 000 décès liés au sida ont été enregistrés, un chiffre stable, mais en baisse de 54 % par rapport à 2010, selon le Sidaction. Une baisse qui se doit notamment à l’accès massif au dépistage et aux traitements.








