
Le Népal fait rêver des milliers de randonneurs chaque année. Ses sommets mythiques, ses monastères perchés et ses villages suspendus dans le temps attirent autant les aventuriers chevronnés que les trekkeurs débutants. Mais derrière cette magie se cache un adversaire invisible : le mal aigu des montagnes (MAM). Ce syndrome, parfois sous-estimé, peut transformer une expédition de rêve en cauchemar médical. Pourtant, avec les bonnes connaissances et une préparation adaptée, il est tout à fait possible de l’éviter et de profiter pleinement de votre trek himalayen.
L’altitude commence à jouer des tours au corps dès 2 500 mètres, et au Népal, la majorité des treks populaires dépassent largement cette barre.
Le camp de base de l’Everest culmine à 5 364 mètres, le col du Thorong La à 5 416 mètres, et même le tour des Annapurnas vous fait flirter avec les 4 000 mètres pendant plusieurs jours.
À ces hauteurs, l’oxygène se raréfie, la pression atmosphérique chute, et votre organisme doit s’adapter pour survivre. Cet article vous livre toutes les clés pour anticiper, comprendre et surtout éviter le MAM lors de votre aventure népalaise.
Comprendre le mal aigu des montagnes
Le mal aigu des montagnes survient lorsque le corps n’a pas le temps de s’habituer à la diminution d’oxygène en altitude. En montant trop vite, vous privez vos cellules de leur carburant essentiel. Le cerveau et les poumons sont les premiers touchés. Les symptômes classiques ressemblent à une gueule de bois carabinée : maux de tête persistants, nausées, vertiges, fatigue extrême et troubles du sommeil.
Ces signes peuvent apparaître dès la première nuit passée en altitude. Certains trekkeurs les ressentent à partir de 3 000 mètres, d’autres seulement au-delà de 4 500 mètres. Il n’existe aucun profil type. Même les sportifs aguerris peuvent être touchés, car la condition physique ne protège pas du MAM. Ce qui compte vraiment, c’est la vitesse d’ascension et la capacité naturelle de votre corps à s’acclimater.
Dans les cas graves, le MAM peut évoluer vers un œdème pulmonaire ou un œdème cérébral de haute altitude, deux urgences vitales. L’œdème pulmonaire provoque une accumulation de liquide dans les poumons, entraînant une détresse respiratoire. L’œdème cérébral fait gonfler le cerveau, avec confusion mentale, troubles de l’équilibre et perte de conscience. Ces complications nécessitent une redescente immédiate et une prise en charge médicale d’urgence.
L’acclimatation progressive est votre meilleure alliée
La règle d’or pour éviter le MAM au Népal tient en un mot : patience. Votre corps a besoin de temps pour fabriquer davantage de globules rouges et améliorer le transport d’oxygène. Les guides népalais expérimentés connaissent cette réalité mieux que personne. Ils intègrent systématiquement des journées d’acclimatation dans leurs itinéraires, particulièrement sur les treks du camp de base de l’Everest ou du tour des Annapurnas.
Concrètement, il est recommandé de ne pas gagner plus de 300 à 500 mètres de dénivelé positif par jour au-delà de 3 000 mètres d’altitude. Cette progression permet à votre organisme de suivre le rythme. Tous les deux ou trois jours, prévoyez une étape de repos ou une journée d’acclimatation active : vous montez en altitude dans la journée, puis redescendez dormir plus bas. Par exemple, depuis Namche Bazaar (3 440 m), de nombreux trekkeurs montent à l’Everest View Hotel (3 880 m) avant de redescendre dormir au village.
Cette technique, résumée par le principe « monte haut, dors bas », permet au corps de s’habituer graduellement sans prendre de risques. Elle est particulièrement efficace dans les vallées du Khumbu et de la région de Manang. Résistez à la tentation de brûler les étapes, même si vous vous sentez en forme. Le MAM peut surgir 24 à 48 heures après l’ascension, quand on s’y attend le moins.
Hydratation et alimentation en altitude
L’altitude déshydrate plus vite que vous ne l’imaginez. L’air sec des montagnes népalaises accélère la perte d’eau par la respiration, tandis que l’effort physique quotidien du trek augmente la transpiration. Une déshydratation même légère amplifie les symptômes du MAM et ralentit l’acclimatation. Buvez au minimum 3 à 4 litres d’eau par jour, voire davantage si vous transpirez beaucoup.
Privilégiez l’eau purifiée ou bouillie pour éviter les problèmes intestinaux, fréquents au Népal. Les pastilles de purification ou les filtres portables sont vos meilleurs amis. Évitez l’alcool et limitez le café, qui peuvent accentuer la déshydratation et perturber le sommeil, déjà fragile en altitude. Certains trekkeurs ne jurent que par les tisanes de gingembre servies dans les lodges, réputées pour calmer les nausées.
Côté alimentation, misez sur les glucides complexes : riz, pâtes, pommes de terre et dal bhat, le plat national népalais. Ces aliments fournissent l’énergie nécessaire sans surcharger la digestion, qui fonctionne au ralenti en altitude. Mangez régulièrement, même si l’appétit diminue. Les soupes chaudes, très présentes dans les menus des lodges, combinent hydratation et nutrition.
Les fruits secs, noix et barres énergétiques constituent d’excellents encas pour maintenir votre glycémie stable entre les repas. Évitez les repas trop copieux le soir, qui peuvent gêner la respiration nocturne et aggraver les inconforts liés au MAM.
Les signes d’alerte à surveiller
Apprenez à écouter votre corps avec attention. Les premiers symptômes du MAM apparaissent généralement sous forme de maux de tête persistants, qui ne cèdent pas aux antalgiques classiques. Si vous ressentez également des nausées, des vertiges ou une fatigue anormale malgré une bonne nuit de sommeil, ne prenez aucun risque.
Voici les signaux d’alarme qui doivent vous alerter immédiatement :
- Maux de tête intenses qui s’aggravent malgré le repos et l’hydratation
- Essoufflement au repos ou toux sèche persistante
- Nausées et vomissements répétés
- Troubles de l’équilibre ou démarche titubante
- Confusion mentale, difficultés à raisonner normalement
- Fatigue extrême qui vous empêche de poursuivre
- Insomnie sévère avec sensation d’étouffement
Si ces symptômes apparaissent, la règle est simple : ne montez plus. Passez une nuit supplémentaire au même endroit pour observer l’évolution. Si les signes persistent ou s’aggravent après 24 heures, redescendez de 300 à 500 mètres minimum. Dans la plupart des cas, une descente de quelques centaines de mètres suffit à faire disparaître les symptômes en quelques heures.
N’ignorez jamais les signaux de votre corps par fierté ou peur de ralentir le groupe. Le MAM ne discrimine personne, et chaque année, des accidents graves surviennent parce que des trekkeurs ont sous-estimé leurs symptômes.
Les médicaments utiles en prévention
L’acétazolamide (Diamox) est le médicament de référence pour prévenir et traiter le MAM. Il accélère l’acclimatation en stimulant la respiration et en améliorant l’oxygénation du sang. De nombreux médecins le prescrivent en prévention avant un trek himalayen. La posologie classique est de 125 à 250 mg deux fois par jour, à débuter la veille de l’ascension.
Ce traitement présente quelques effets secondaires bénins : picotements des doigts et des lèvres, augmentation de la diurèse (d’où l’importance de bien s’hydrater), et parfois modification du goût des boissons gazeuses. Ces désagréments sont mineurs comparés aux bénéfices. Consultez votre médecin avant le départ pour obtenir une ordonnance adaptée à votre situation.
Emportez également du paracétamol ou de l’ibuprofène pour soulager les maux de tête légers, ainsi qu’un traitement anti-nauséeux. Certains trekkeurs utilisent le dexamethasone, un corticoïde puissant, mais celui-ci est réservé aux situations d’urgence et nécessite un encadrement médical strict. Il masque les symptômes sans traiter la cause et doit être utilisé uniquement pour faciliter une redescente.
Les lodges des régions de haute altitude disposent parfois de bouteilles d’oxygène et de caissons hyperbares portables (sacs Gamow), mais ces équipements restent des solutions de dernier recours. La meilleure stratégie reste la prévention.
Choisir le bon itinéraire et le bon rythme
Tous les treks népalais ne présentent pas le même niveau de risque face au MAM. Certains itinéraires sont mieux conçus pour une acclimatation progressive. Le trek du camp de base de l’Everest, par exemple, impose une montée assez rapide depuis Lukla (2 860 m) jusqu’à Namche Bazaar en deux jours seulement. C’est pourquoi une journée d’acclimatation à Namche est absolument indispensable.
Le tour des Annapurnas, lui, offre une progression plus douce jusqu’à Manang (3 540 m), où la plupart des agences prévoient deux nuits. Le passage du col du Thorong La reste le moment critique, mais l’acclimatation préalable limite les risques. À l’inverse, des treks comme le Langtang ou Poon Hill restent sous les 4 000 mètres et posent rarement de problèmes sérieux.
Marchez à votre propre rythme, sans chercher à suivre les plus rapides. Les guides népalais utilisent l’expression « bistari bistari » (doucement, doucement) pour rappeler aux trekkeurs pressés que la montagne demande de l’humilité. Une progression lente favorise l’acclimatation et réduit considérablement les risques de MAM.
Si vous débutez en haute altitude, envisagez de commencer par un trek plus modeste avant de vous attaquer aux géants himalayens. Cette expérience vous permettra de découvrir comment votre corps réagit à l’altitude et d’ajuster vos stratégies pour les aventures futures.
L’assurance et l’assistance médicale
Avant de partir au Népal, souscrivez impérativement une assurance voyage couvrant les frais d’évacuation par hélicoptère. En cas de MAM sévère, l’évacuation héliportée peut être la seule solution pour descendre rapidement vers des altitudes plus sûres. Ces interventions coûtent plusieurs milliers de dollars, rarement pris en charge par les assurances classiques.
Vérifiez que votre contrat couvre spécifiquement les activités de trekking en haute altitude (au-delà de 4 000 mètres) et les évacuations d’urgence. Conservez toujours une copie de votre police d’assurance et les numéros d’urgence à contacter. Certaines compagnies népalaises spécialisées dans le sauvetage en montagne collaborent directement avec les assureurs internationaux.
Les cliniques de l’Himalayan Rescue Association (HRA), présentes à Pheriche et Manang, offrent des consultations gratuites et des conseils précieux sur l’acclimatation. N’hésitez pas à les solliciter en cas de doute sur vos symptômes.
FAQ
Peut-on prévenir complètement le mal aigu des montagnes ?
Aucune méthode ne garantit une protection à 100 %, car chaque organisme réagit différemment. Cependant, une acclimatation progressive, une bonne hydratation et éventuellement la prise d’acétazolamide réduisent considérablement les risques. L’écoute de son corps reste le facteur déterminant.
Combien de temps faut-il pour s’acclimater à l’altitude ?
Le processus d’acclimatation commence dès les premières heures en altitude, mais il faut généralement 3 à 5 jours pour que le corps s’adapte convenablement à une nouvelle altitude. Au-delà de 3 000 mètres, comptez au moins une journée d’acclimatation tous les 1 000 mètres gagnés.
Le mal des montagnes peut-il toucher n’importe qui ?
Absolument. L’âge, le sexe et la condition physique n’influencent pas la sensibilité au MAM. Des alpinistes professionnels peuvent être affectés tandis que des novices n’éprouvent aucun symptôme. La génétique et la vitesse d’ascension jouent un rôle majeur.
Que faire si les symptômes apparaissent pendant la nuit ?
Ne restez pas seul et prévenez immédiatement votre guide ou vos compagnons. Asseyez-vous, hydratez-vous et surveillez l’évolution. Si les symptômes persistent au matin ou s’aggravent, ne poursuivez pas l’ascension. Une redescente même partielle améliore rapidement la situation.
À SAVOIR
Cet article n’a pas été rédigé par la rédaction de Ma Santé.







