Alors qu’il était prévu pour janvier, le pic de la cinquième vague semble être déjà là, selon les autorités de santé. Mais le pire, pour les hôpitaux, reste à venir. Pour faire face à l’afflux de patients, les Hospices Civils de Lyon ont déployé leur plan blanc et déprogrammé en masse les interventions les moins urgentes. Mais les admissions, conséquences des contaminations actuelles, risquent encore d’augmenter dans les prochaines semaines. Les hôpitaux lyonnais, déjà sous tension, pourront-ils faire face durant les fêtes ? Invité de l’émission Votre Santé, Raymond Le Moign, le directeur général des HCL, explique les difficultés dont fait déjà face les hôpitaux.
Avec 740 cas pour 100 000 habitants dans le Rhône et sa Métropole lyonnaise de lundi 20 décembre, le nombre d’admissions s’envole dans les hôpitaux de Lyon. Alors que les Hospices Civils de Lyon (HCL) ont activé le plan blanc dans leurs établissements il y a une dizaine de jours, la moitié des interventions non-urgentes ont déjà été déprogrammées.
Les hospitalisations risquent toutefois d’augmenter dans les prochaines semaines, alors que la menace d’un tsunami Omicron plane au dessus de la ville. Comment vont s’organiser les hôpitaux en ce temps de fêtes de fin d’année ? Quelles sont les solutions de secours en cas de nouvelle vague ? Raymond Le Moign, directeur des Hospices Civils de Lyon était l’invité de l’émission Votre Santé de ce jeudi 16 décembre pour répondre aux interrogations d’Élodie Poyade et de Pascal Auclair, rédacteur en chef du Groupe Ma Santé.
20 patients Covid de plus en 24 heures hôpitaux lyonnais
A-t-on atteint le pic épidémique de la cinquième vague ?
Nous ne pouvons pas dire que nous avons atteint le pic de la cinquième vague en matière d’hospitalisation. En 24 heures, les Hospices Civils de Lyon ont enregistré 20 hospitalisations supplémentaires en soins conventionnels depuis hier. La bonne nouvelle est que pour le moment, la pression hospitalière n’a pas augmenté en soins critiques. Nous comptons actuellement 190 patients positifs au Covid hospitalisés aux HCL. Dont 68 en unités de surveillance continue et de réanimation.
Combien de temps s’écoule entre le pic épidémique et le pic d’hospitalisations ?
Au niveau du département, nous avons franchi le taux d’incidence de 700 cas pour 100 000 habitants. Depuis 48 heures (mardi à jeudi), ce taux n’évolue plus de façon importante. On peut donc imaginer qu’il s’agit des premiers signes d’un pic épidémique. Cela veut toutefois dire qu’entre deux à trois semaines après, des admissions croissantes à l’hôpital vont être encore comptabilisées. Et ce, dans la totalité des hôpitaux du territoire.
95% des lits de réanimation déjà occupés
Vous avez du réorganiser vos services pour faire face à l’afflux de patients, notamment avec l’ouverture de nouveaux lits. Peut-on encore ouvrir des lits de réanimation si besoin dans les prochaines semaines ?
Nous avons actuellement 156 lits contre 136 habituellement. Nous avons déjà réaffecté des professionnels de santé pour activer près d’une vingtaine de lits en service continu et en réanimation. Cela risque d’être très compliqué d’ouvrir de nouveaux lits en cette fin d’année. Si la situation l’exigeait, ouvrir des lits complémentaires reviendrait à franchir une nouvelle étape et aller jusqu’à la déprogrammation complète de toutes les activités qui pourraient être reprogrammées. Cela correspondrait à un état de pression hospitalière maximale. Et donc avec de lourdes conséquences en terme de reports de soins et de prise en charge.
Le plan blanc a déjà été déployé au sein des HCL. Quels types d’interventions sont concernés par la déprogrammation ?
Il s’agit de report d’actes qui peuvent être reprogrammés. Autrement dit, ce sont essentiellement de la chirurgie fonctionnelle ou encore prothétique. Il ne s’agira toutefois jamais de chirurgie carcinologique ou qui pourrait occasionner une perte de chance en terme de survie ou de guérison des patients. Nous avons déjà eu affaire à cette expérience de report depuis deux ans. Nous avons donc appris à décider. Autrement dit, les mécanismes de prise de décisions collectives au sein des services ou de groupement hospitaliers fonctionnent.
Deux tiers des patients sans couverture vaccinale
Le profil des patients admis à l’hôpital pour Covid-19 a-t-il évolué au fil des différentes vagues épidémiques ?
Il faut être prudent au niveau des statistiques, compte tenu du faible nombre de patients actuellement hospitalisés. Mais nous faisons certaines observations. Tout d’abord, la moyenne d’âge des patients hospitalisés en soins continus ou en réanimation a diminué. C’est le signe que l’infection de la Covid-19 peut toucher des patients très jeunes. Ce sont peut-être des personnes qui se pensaient à l’abri du virus. Aujourd’hui, elles doivent se questionner sur l’importance et la nécessité de répondre à la campagne vaccinale déployée dans le pays.
La majorité des patients hospitalisés aux HCL ne sont donc pas vaccinés ?
Deux tiers des patients en unités de soins continus et en réanimation ne sont pas vaccinés ou ont été vaccinés il y a plus de six mois. C’est-à-dire des patients pour lesquels le processus de protection avec la vaccination anti-Covid-19 s’est achevé.
Selon une étude publiée cette semaine, le variant Omicron induirait une maladie plus sévère chez les enfants, augmentant le risque d’hospitalisation de 20%. Constatez-vous déjà l’arrivée de jeunes patients au sein des HCL ?
Le variant Omicron n’est pas encore totalement introduit en France. Mais l’apparition d’un nouveau variant est un autre risque qu’il va falloir observer en janvier. On commence à comprendre que ce variant est beaucoup plus contagieux mais nous ne savons pas si cela concerne toutes les classes d’âge. On espère toutefois que le vaccin actuellement disponible sera efficace sur ce variant.
Les soignants “sont fatigués par cinq vagues”
Cela fait presque deux ans que les soignants font face à cette situation de crise sanitaire. Dans quel état sont-ils aujourd’hui ?
Ils sont fatigués par cinq vagues, des allers-retours pour l’organisation, le réarmement de lits de soins critiques, les activités quotidiennes qui sont empêchées et la difficulté de se projeter… Un soignant a comme toute personne le besoin de faire des projets, d’imaginer le fonctionnement de son service dans les prochains mois. Ce type de fonctionnement incertain depuis vingt mois est donc très compliqué. Il faut que chacun prenne conscience que notre système hospitalier a tenu mais qu’il ne continuera à tenir que si chacun prend ses responsabilités. C’est-à-dire respecter les mesures barrières et s’inscrire dans un programme de protection vaccinale.
Risque-t-on d’assister à une pénurie de personnels durant les fêtes à l’approche du pic des hospitalisations ?
Il y a une difficulté de disponibilité de ressources humaines chez les soignants dans notre pays car on ne peut plus recruter. Il n’y a plus de soignants disponibles sur le marché du travail. Ils sont tous déjà en poste, ont arrêté de travailler par fatigue ou aspirent à de nouvelles conversions professionnelles. En l’état, il n’y a donc pas de marge de manoeuvre supplémentaire, hormis faire appel à des retraités ou à des étudiants.
Comptez-vous proposer, comme cela a pu être fait dans d’autres établissements, à des soignants de ne pas prendre leurs congés de fin d’année pour faire face à la situation ?
Ce dispositif existe, on peut également indemniser des congés annuels non pris, mais je ne pense pas que proposer systématiquement aux soignants de ne pas prendre de congés soit la meilleure option. Les personnels soignants ont besoin, eux aussi, de se reposer. L’histoire nous apprend toutefois à être très prudents en terme de projections. Nous devrons peut-être demain réviser la totalité des décisions que nous avons prises.
À SAVOIR
Le taux d’incidence dans la région Auvergne-Rhône-Alpes s’établit à près de 700 cas pour 100 000 habitants. La Drôme qui dépasse désormais les 1100 cas positifs sur 100 000 habitants, est le département le plus touché de la région. Il est suivi de près par l’Ardèche (975/100 000).