Tester des cosmétiques sans animaux et mieux comprendre certaines maladies de peau ? C’est le défi relevé par Episkin, filiale lyonnaise de L’Oréal spécialisée dans la fabrication de peau humaine reconstruite. Implantée à Gerland depuis 1992, l’entreprise produit chaque semaine des tissus cutanés destinés aux laboratoires du monde entier. Mais au-delà de la cosmétique, cette technologie ouvre aussi des perspectives pour la médecine, notamment dans le traitement des grands brûlés. Nathalie Seyler, directrice générale d’Episkin, revient sur cette innovation qui bouleverse la recherche scientifique sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 18 février 2025.
Reproduire de la peau humaine en laboratoire, c’est désormais une réalité. À Lyon, Episkin, filiale de L’Oréal, fabrique des tissus cutanés artificiels permettant de tester les produits cosmétiques sans recourir aux tests sur les animaux, interdits en Europe depuis 2013.
Mais cette innovation ne s’arrête pas là. Grâce à la bio-impression et à l’impression 3D, ces peaux reconstruites offrent de nouvelles solutions pour traiter les pathologies dermatologiques et améliorer les techniques de greffe pour les grands brûlés.
De la recherche dermatologique à la photo-protection, ces avancées scientifiques révolutionnent la manière dont nous abordons la santé et la beauté. Comment fabrique-t-on cette peau artificielle ? Quels sont ses usages ? Nathalie Seyler, la directrice générale d’Episkin, lève le voile sur cette prouesse technologique, à l’occasion de son passage sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 18 février 2025.
Reproduire de la peau humaine, c’est possible !
Quel est l’objectif d’Episkin ?
Episkin est une filiale du groupe L’Oréal, créée en 1992 à Lyon. Notre mission est de produire à grande échelle des tissus humains, comme de la cornée ou de la peau reconstruite, pour aider la communauté scientifique à ne plus tester sur les animaux.
L’Oréal a été pionnier dans ce domaine en développant en 1979 le premier épiderme humain reconstruit. Nous avons ensuite relevé un autre défi : produire cette peau artificielle à grande échelle. L’Oréal s’est très tôt engagé dans cette voie, arrêtant tout test sur les animaux dès 1989, soit 14 ans avant que la réglementation européenne ne l’interdise.
Combien de personnes travaillent dans le centre de Gerland ?
Nous sommes 70 collaborateurs. Ce centre est à la fois un lieu de recherche, de production et d’évaluation. Notre mission est de développer et promouvoir des méthodes alternatives en partageant notre savoir-faire.
Chaque semaine, nous produisons des tissus humains à Lyon, que nous envoyons aux quatre coins du monde. Ces tissus sont utilisés dans des laboratoires de recherche publics et privés, notamment dans les industries chimique, pharmaceutique et cosmétique.
À quoi sert cette peau humaine reconstruite ?
Reproduire la peau en laboratoire permet avant tout d’éviter les tests sur les animaux et d’offrir aux chercheurs un modèle réaliste de peau humaine. Mais ce n’est pas son seul intérêt.
Nos peaux reconstruites permettent aussi de repousser les frontières de la cosmétique. Elles reproduisent la diversité des types de peau en fonction de l’âge, de la couleur ou encore de conditions spécifiques comme l’eczéma, l’acné ou la dermatite atopique. Grâce à elles, nous pouvons mieux comprendre ces affections et concevoir des traitements ciblés.
Dans le domaine de la photo-protection, où L’Oréal est très engagé, ces peaux ont permis d’étudier l’impact du soleil sur la peau et d’améliorer l’efficacité des filtres solaires.
Nous collaborons aussi avec le monde médical et la recherche dermatologique. Depuis 2000, nous avons travaillé sur un modèle de peau mimant une maladie génétique rare, la maladie des Enfants de la Lune, caractérisée par une hypersensibilité au soleil. Nous avons ainsi pu fournir aux scientifiques un outil pour mieux comprendre cette pathologie.
Enfin, nous partageons nos techniques avec les hôpitaux spécialisés dans le traitement des grands brûlés. Dès 2004, nous avons collaboré avec l’hôpital Percy, et en 2024, nous avons approfondi ces travaux en utilisant la bio-impression et l’impression 3D pour améliorer la prise des greffes, notamment pour les brûlures profondes.
Peau humaine reconstruite : un processus high-tech en laboratoire
Comment fabrique-t-on cette peau ?
Avant tout, il faut bien comprendre son anatomie et sa fonction. La peau est constituée de plusieurs couches. D’abord l’épiderme, la couche superficielle, protège le corps des agressions extérieures (UV, infections) et donne sa couleur. Puis le derme, en dessous, apporte élasticité et hydratation grâce aux fibroblastes.
Pour reconstruire cette peau en laboratoire, nous isolons ces cellules à partir de fragments cutanés humains. Dans un environnement stérile, nous les faisons proliférer jusqu’à obtenir une peau en 3D, en utilisant des incubateurs qui imitent les conditions du corps humain.
Des contrôles qualité très stricts garantissent que la peau reconstruite soit de haute qualité et reproductible, semaine après semaine. Chaque semaine, nous en produisons de nouvelles à Lyon.
Quelle est la différence entre la peau humaine et la peau reconstruite ?
En fonction des conditions cutanées qu’on souhaite reproduire, on aura différentes recettes, différents processus qui nous permettront de reproduire des peaux normales, des peaux sèches, des peaux plus ou moins colorées.
En 2009, L’Oréal a développé un épiderme pigmenté, permettant de reproduire différents phototypes de peau, du plus clair au plus foncé. Cela nous permet de tester des actifs et des produits adaptés à chaque type de peau.
Nous avons aussi réussi à reproduire des conditions pathologiques, comme une lésion d’eczéma. Grâce à la bio-impression, nous pouvons créer d’un côté une peau saine, de l’autre une peau atteinte d’eczéma, et ainsi tester des traitements sur une lésion reconstituée.
Retrouvez le replay de l’émission Votre Santé du mardi 18 février 2025 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
Les tests sur les animaux pour les cosmétiques sont interdits en Europe depuis 2013. Pourtant, certaines marques affichent encore des mentions comme « non testé sur les animaux » ou des logos « cruelty-free ». La DGCCRF (Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) rappelle que ces allégations sont trompeuses et interdites par la réglementation européenne. Les fabricants doivent les retirer sous peine de sanctions.