On estime à 270 000 le nombre de séniors souffrant de dénutrition aujourd’hui en France. Un triste constat, qui révèle à quel point la dénutrition des personnes âgées est devenu un enjeu majeur de santé publique. Face à cette réalité, le chef étoilé Christian Têtedoie et le collectif de Lutte contre la dénutrition ont profité de la Semaine nationale de sensibilisation à la dénutrition pour officialiser le lancement du projet de label “Établissement Gourmand”. L’objectif ? Redonner le goût de manger aux résidents en Ehpad et maisons de retraite.
La dénutrition n’est pas une condition transitoire mais bel et bien une maladie. Le combat contre cette pathologie silencieuse mais meurtrière s’ancre dans un contexte difficile : “en moyenne, il n’y a que 1000 repas consommés en Ehpad avant le décès du résident”. À travers ce triste constat, le collectif de Lutte contre la dénutrition, ainsi que le chef Christian Têtedoie, déjà impliqué dans plusieurs dispositif à destination des malades et des personnes âgées, ont initié lundi 18 novembre Établissement gourmand, concept ciblé sur quatre grands fondamentaux de l’appétit en résidence : la qualité des produits, la nutrition, la restauration et la maîtrise de l’art culinaire.
Redonner l’appétit aux personnes âgées, d’autant plus en texture modifiée, est un défi complexe à relever ! Sur les bases d’un savoir-faire et d’un accompagnement personnalisé solide, ce projet entend offrir une mise en lumière à celles et ceux qui offrent du beau et du bon pour remettre le plaisir au centre de la table. Mais cette initiative s’inscrit également dans l’ambition de la voir devenir un véritable “label porteur de bien-être et de santé pour les résidents des EHPAD”, a conclu Christian Têtedoie.
L’appétit passe par la qualité des produits
Des produits frais, bruts et locaux. Là est le point d’honneur de cette initiative. “Il faut s’approvisionner correctement, avec des produits frais et s’inscrire dans une logique anti-gaspi” insiste Patrick Sorbier, responsable de la restauration du Groupe ACPPA (Accueil et Confort pour Personnes Âgées), réseau d’Ehpad comptant plus de 40 établissements, dont la moitié en Auvergne-Rhône-Alpes.
De plus, même si la texture diffère, il ne faut pas en oublier les apports nutritionnels nécessaires au bon fonctionnement du corps. Un critère souvent mis de côté dans les repas transformés et industriels.
Disposer d’une équipe de cuisine et de produits de qualité, transformés sur place, permet de ne négliger ni le goût ni les nutriments. Pour contrer la perte d’appétit, préalable à la dénutrition chez les personnes âgées, il est en important de travailler des produits de qualité, susceptibles de donner envie.
Des besoins nutritionnels toujours adaptés aux résidents
La nutrition est la responsabilité de tous, des préférences alimentaires du résident à la prescription de texture modifiées par l’équipe en cuisine. En clair, une dynamique “d’accompagnement nutritionnel est entièrement personnalisée pour répondre aux besoins spécifiques du résident. Ce n’est pas du prêt-à-porter”, souligne Monique Girard, Directrice Médicale et Référent Gériatrique chez Colisée France, autre réseau de maisons spécialisées pour séniors ayant placé l’alimentation au coeur de ses priorités.
Dans ces établissements, la communication devient d’autant plus importante entre équipes de cuisine et personnels soignants. L’accompagnement dans les repas ne se fait pas que par l’assiette mais aussi par les moments de partage avec les équipes.
La maîtrise des arts culinaire : “il faut d’abord manger avec les yeux”
L’art culinaire ou comment sublimer une assiette par le travail des saveurs, le soin du dressage, la maîtrise des cuissons et surtout le respect des recettes traditionnelles ! Les plats régionaux sont ainsi mis à l’honneur et font l’objet d’un critère important : “il faut que les résidents les reconnaissent au goût et à l’odeur”.
Et parce qu’il faut d’abord manger avec les yeux, le dressage représente également un point non négligeable. D’autant plus pour les textures modifiées. “Pour ne pas altérer le goût et le plaisir, on ne mixe pas tout ensemble, on sépare les saveurs et on s’attarde sur le dressage”, insiste Grégory Sampino, chef dans un Ehpad de Saint-Marcel-lès-Valence, dans la Drôme.
Et si une personne âgée doit en moyenne consommer 2,4 kg de nourriture par jour pour combler tous les besoins nutritionnels, la maîtrise de l’art culinaire y est alors pour beaucoup. Même si le défi de quantité n’est pas gagné, donner envie de manger par de belles assiettes est déjà une petite victoire.
La restauration : l’écosystème du bien manger
“La restauration en EHPAD représente deux milliards d’euros de dépenses par an”, déclare Didier Sapy, Directeur Général de la Fédération Nationale Avenir et Qualité de vie des Personnes Agées et du cabinet GERONTIM, expert en gérontologie. Un chiffre important qui illustre bien le fait que la restauration ne se résume pas seulement au service en salle ou en chambre.
Il s’agit en effet de tout un écosystème, qui prend également en compte le respect des normes d’hygiène, des coûts, de la commission des menus, de la lutte contre le gaspillage alimentaire ou des animations. Mais aussi des menus plus festifs, qui s’inscrivent dans des thèmes bien définis. L’enjeu du respect de la restauration et de son écosystème est de redonner le plaisir et l’envie de bien manger.
La dénutrition est donc un enjeu majeur de Santé Publique. Avec 70% de personnes âgées atteintes de dénutrition à l’entrée en EHPAD, des initiatives à l’image d’Établissement Gourmand résonnent comme une nécessité. D’autant plus quand “certains EHPAD constatent que les personnes âgées arrivent de plus en plus tard et de plus en plus dépendantes”, souligne le Pr Éric Fontaine, médecin au CHU de Grenoble et président du collectif de Lutte contre la dénutrition. Ainsi, le respect des quatre fondamentaux du projet Établissement Gourmand devrait s’étendre sur tout le territoire national.
À SAVOIR
Dans le cadre de cette dynamique de sensibilisation et de reconnaissance du travail du personnels des EHPAD en faveur d’une restauration de qualité, le chef Christian Têtedoie et son équipe investissent Paris ce mardi 19 novembre pour servir des plats à base de textures modifiées AUX députés et sénateurs.