
Dans la course aux traitements innovants contre le cancer du sein, une piste inattendue fait actuellement beaucoup parler d’elle : le venin d’abeille. Des chercheurs français et internationaux étudient depuis quelques années cette substance naturelle, capable d’éliminer certaines cellules cancéreuses, notamment dans les formes agressives comme le cancer du sein triple négatif. Mais que sait-on vraiment de ce traitement prometteur ? Décryptage.
Le cancer du sein triple négatif représente environ 15 % des cas et se caractérise par l’absence de récepteurs hormonaux et HER2. Ce qui le rend difficile à traiter avec les thérapies ciblées habituelles. La chimiothérapie reste souvent la seule option, avec son lot d’effets secondaires. Alors quand on entend parler d’un remède qui vient tout droit des abeilles, forcément, ça pique la curiosité.
Depuis plusieurs années, le venin d’abeille, et plus précisément une de ses molécules, la mélittine, attise l’intérêt des scientifiques. Cette petite protéine pourrait, en laboratoire, s’attaquer aux cellules cancéreuses avec une précision chirurgicale, les faisant disparaître sans toucher aux cellules saines.
Du venin d’abeille pour traiter le cancer du sein : est-ce vraiment sérieux ?
Le venin d’abeille : une arme naturelle contre les cellules cancéreuses
Le venin d’abeille est un cocktail bio-chimique qui sert à la défense des abeilles. Parmi ses composants, la mélittine retient l’attention. Elle représente environ 50 % du venin et possède des propriétés anti-inflammatoires, antimicrobiennes, et surtout… cytotoxiques. Traduction pour les non-initiés : elle peut détruire des cellules.
Des études publiées notamment dans la revue scientifique Nature Communications (2023) ont montré que la mélittine infiltre la membrane des cellules cancéreuses du sein triple négatif, provoquant leur mort programmée, ce qu’on appelle l’apoptose. Cette molécule semble cibler spécifiquement ces cellules « mauvaises » tout en épargnant les cellules normales.
Une autre recherche publiée en 2024 dans Frontiers in Pharmacology a même observé une destruction totale des cellules tumorales dans des cultures en laboratoire, grâce à des nanoparticules associant mélittine et agents anticancéreux.
Pourquoi ce traitement fait-il tant parler ?
D’abord, parce qu’il ouvre la voie à des thérapies plus ciblées et donc potentiellement moins toxiques que la chimiothérapie classique. En effet, la chimiothérapie attaque toutes les cellules à division rapide, bonnes ou mauvaises. Elle provoque fatigue, nausées, chute de cheveux… Alors, si le venin d’abeille tient ses promesses, il pourrait réduire drastiquement ces effets indésirables.
Ensuite, parce que le cancer du sein triple négatif est une forme particulièrement agressive, avec un taux de récidive élevé et une survie à 5 ans plus faible (environ 77 % contre plus de 90 % pour d’autres formes). Un nouveau traitement, même en complément, serait donc une avancée majeure.
Venin d’abeille : à quand une thérapie ouverte aux malades ?
Attention, le venin d’abeille a ses limites !
Ne nous emballons pas trop vite. Ces résultats sont pour l’instant principalement expérimentaux, obtenus en laboratoire sur des cellules humaines ou des modèles animaux. Les essais cliniques sur les patientes ne sont pas encore aboutis.
Autre bémol important : le venin d’abeille est une substance allergène puissante. En cas de réaction allergique grave, cela peut tourner au drame. C’est pourquoi les scientifiques travaillent à isoler et synthétiser uniquement les composants efficaces, et à les délivrer de manière ciblée, sans provoquer de choc anaphylactique.
Enfin, ce traitement ne remplace pas les traitements conventionnels mais pourrait venir s’y ajouter dans le futur. Il faut donc rester vigilant face aux promesses miracles, et toujours s’appuyer sur des avis médicaux sérieux.
Où en est la recherche aujourd’hui ?
En France, plusieurs équipes universitaires, comme celle de l’Institut Curie et du CNRS, participent à ces travaux. À l’international, notamment aux États-Unis, au Japon et en Corée, la recherche progresse aussi rapidement.
Un des défis majeurs consiste à améliorer la biodisponibilité de la mélittine et à limiter sa toxicité systémique. Pour cela, des technologies nanoscientifiques, comme l’encapsulation dans des liposomes ou nanoparticules, sont testées afin d’optimiser la distribution et la sécurité. Les premiers essais cliniques devraient démarrer dans les prochaines années, ce qui pourrait ouvrir la voie à un nouveau chapitre dans la lutte contre le cancer du sein.
À SAVOIR
Une seule piqûre d’abeille libère en moyenne 0,3 mg de venin, soit une quantité très faible pour un usage thérapeutique, ce qui nécessite la synthèse en laboratoire de la mélittine pour des applications médicales.








S’il faut soigner des gens avec une arme, par précaution il faut savoir la manipuler.