Une femme en situation de stress au travail, fragilisée par l’impact du changement climatique sur son moral, un trouble désormais reconnu sous le nom d’écoanxiété.
Et vous, pensez-vous être éco-anxieux ? © Adobe Stock

Face à la crise climatique, un nouveau mal-être gagne les Français : l’éco-anxiété. Cette angoisse née de la peur du dérèglement du monde ne se limite plus à la sphère personnelle. Elle s’installe dans les bureaux, alimente le stress et devient un facteur émergent de burn-out au travail. Mais quels sont les facteurs de cette éco-anxiété ? D’où vient-elle et quelles sont ses conséquences sur la productivité de nos entreprises ? Explications.

Canicules à répétition, incendies records, sécheresses historiques… Les événements climatiques extrêmes ne sont plus des projections lointaines. Ils s’imposent chaque jour dans l’actualité, et s’invitent peu à peu dans notre sphère psychologique.

Depuis quelques années, les psychologues observent une montée d’un trouble inédit : l’éco-anxiété, définie comme une détresse émotionnelle liée à la conscience du changement climatique et à la peur de ses conséquences.

Ce concept, décrit dès 2017 par l’American Psychological Association, est aujourd’hui reconnu en France. En avril 2025, l’ADEME (Agence de la transition écologique) a publié une vaste étude menée avec l’Observatoire de l’éco-anxiété (OBSECA).

Selon ce rapport, un quart des Français de 15 à 64 ans se disent concernés par l’éco-anxiété, et 4,2 millions d’entre eux présentent une forme forte à très forte de ce trouble. Parmi ces derniers, 2,1 millions seraient suffisamment affectés pour nécessiter un accompagnement psychologique.

Pour les chercheurs, il ne s’agit pas d’une maladie mentale à proprement parler, mais d’un réponse normale à une menace réelle. Le problème survient lorsqu’elle devient chronique : ruminations, troubles du sommeil, sentiment d’impuissance ou culpabilité écologique peuvent alors envahir le quotidien et, de plus en plus souvent, le monde du travail.

Au bureau aussi, la peur du climat s’installe

C’est tout le sens de la dernière étude menée par Moodwork, entreprise française spécialisée dans la santé mentale au travail. Publiée en septembre 2024, son enquête réalisée auprès de 1 026 salariés français établit un constat alarmant : les niveaux de stress professionnel et les risques de burn-out sont deux fois plus élevés chez les personnes éco-anxieuses.

Selon les données recueillies, 10,3 % des salariés interrogés peuvent être décrits comme éco-anxieux ou à risque d’éco-anxiété. Le phénomène touche plus particulièrement les femmes, qui affichent un score d’anxiété 12 % plus élevé que les hommes, ainsi que les jeunes actifs de 25 à 35 ans. Les managers apparaissent également plus vulnérables. Plus d’un salarié éco-anxieux sur deux occupe un poste d’encadrement.

L’étude souligne par ailleurs que cette anxiété climatique est corrélée à une frustration accrue vis-à-vis de l’environnement professionnel, notamment en matière d’autonomie, de reconnaissance et de cohérence écologique. Autrement dit, plus l’entreprise semble en décalage avec les valeurs environnementales de ses salariés, plus leur mal-être augmente.

L’éco-anxiété, reflet d’un conflit de valeurs

Ce que les psychologues appellent « dissonance cognitive » devient ici déterminant. Beaucoup de salariés engagés dans leur vie personnelle (tri des déchets, limitation de la voiture, sobriété numérique) peinent à accepter de travailler pour des structures peu soucieuses de leur empreinte écologique.

Selon Moodwork, seuls 37 % des répondants affirment que leur entreprise mène des actions concrètes pour les mobilités durables, et 42 % estiment que des efforts sont faits pour réduire l’empreinte numérique ou adopter une conception plus durable. Cette perception alimente un sentiment d’impuissance et de perte de sens au travail, deux éléments bien connus du mécanisme du burn-out.

Un enjeu émergent de santé mentale au travail

Longtemps cantonnée à la sphère intime, la question de l’éco-anxiété entre désormais dans le champ de la santé au travail. Et pour cause, ses symptômes (rumination, irritabilité, fatigue chronique) peuvent s’ajouter aux risques psychosociaux déjà identifiés (stress, surmenage, perte de sens) et accélérer la spirale du burn-out.

Pour Moodwork, la prévention passe d’abord par la reconnaissance du phénomène. « Les entreprises ne sont pas impuissantes », rappelle Benjamin Brion, co-fondateur de Moodwork. Elles peuvent agir en créant un environnement qui valorise les valeurs écologiques, en donnant de la cohérence entre discours RSE et pratiques quotidiennes, et surtout, en écoutant la détresse de leurs salariés.

Les chiffres confirment cette nécessité. Selon l’Observatoire de la santé mentale au travail, 44 % des salariés français déclarent déjà un niveau de stress élevé. L’ajout d’une angoisse climatique non reconnue dans ce contexte fragilise davantage les équilibres psychiques.

Pour l’ADEME, il s’agit d’un véritable enjeu de santé publique : « La santé mentale et la santé planétaire sont interconnectées. Lutter contre l’éco-anxiété, c’est aussi donner du sens à l’action climatique », précise l’agence dans son rapport de 2025.

Lutter contre l’éco-anxiété ne signifie pas la nier. Au contraire, il s’agit de l’entendre pour la transformer en engagement positif. Certaines entreprises commencent à former leurs managers à la compréhension de cette détresse émergente ; d’autres intègrent la question du climat dans leurs politiques de qualité de vie au travail.

Pour les psychologues du travail, la clé réside dans la cohérence. Lorsque les salariés voient leurs valeurs écologiques prises en compte, leur anxiété diminue.

À l’inverse, le « greenwashing » ou l’absence d’action concrète nourrissent la perte de confiance. À titre individuel, les spécialistes recommandent de ne pas rester seul : échanger, s’informer de manière mesurée, consulter si nécessaire. Et surtout, redonner du sens à son quotidien, y compris professionnel, en agissant à sa propre échelle.

À SAVOIR 

Selon une étude internationale publiée dans The Lancet Planetary Health (Université de Bath, 2021), près de 60 % des jeunes de 16 à 25 ans se disent très inquiets du changement climatique, et près d’un sur deux estime que cette peur affecte sa vie quotidienne.

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Ma Santé

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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