À Lyon, la Cité Internationale de la Gastronomie a été le cadre, ce jeudi 5 octobre, d’une journée d’échange inédite sur la problématique de la restauration en Ehpad. Un sujet majeur, alors que la dénutrition fait des ravages dans les maisons de retraite.
On sait que l’alimentation joue un rôle fondamental dans le bien-être des résidents en Ehpad. Mais comment redonner le goût du plaisir de manger à des aînés trop souvent confrontés à la dénutrition ?
Tel était l’enjeu de la journée d’échanges organisée dans les salons de la Cité Internationale de la Gastronomie, à Lyon, ce jeudi 5 octobre 2023. A l’initiative de la Métropole de Lyon, de la FNAQPA (Fédération Nationale Avenir et Qualité de Vie des Personnes Agées) et de l’Adef Résidences (Association), une centaine de professionnels se sont ainsi retrouvés pour assister à cet événement mêlant conférences, exposition privatisée et ateliers interactifs pour promouvoir une restauration plaisir et responsable dans les établissements médico-sociaux.
Parmi les intervenants, le philosophe Yannis Costantinides est venu rappeler en préambule l’importance du bien-manger dans les Ehpad. « C’est fondamental car sans plaisir, on perd le goût de vivre. Il faut revoir tous les principes de la restauration collective, faire que les acteurs du secteur aient une vraiment volonté de satisfaire leur clientèle âgée, autrement dit les résidents des Ehpad et maisons de retraite. Autrement dit, il s’agit de passer de la notion de nutrition focalisée sur l’apport calorique à l’alimentation privilégiant le plaisir de manger. Je défends aussi l’idée de faire déjeuner ou dîner les soignants en même temps que les résidents. Cette notion de partage me paraît vertueuse, même si elle peut poser dans certains établissements des problèmes logistiques ».
Alimentation en Ehpad, le meilleur des médicaments
De son côté, Didier Sapy, directeur général de la FNAQPA, a mis l’accent sur la nécessité de placer le repas au cœur des préoccupations des professionnels des Ehpad.
« Le temps du repas, c’est le temps le plus important dans la vie d’un résident en Ehpad. On travaille depuis plusieurs années sur la question de la qualité de l’alimentation auprès de nos résidents car une bonne alimentation reste le meilleur des médicaments. Songez que la dénutrition chez les personnes âgées tue plus que la grippe en France. Il y a une problématique médicale mais aussi sociale », a expliqué Didier Sapy.
Dans cette perspective, une étude menée par la FNAQPA et Adef Résidences dans 500 Ehpad du pays a confirmé que « le plaisir est le meilleur allié contre la dénutrition ». Outre ce retour du plaisir dans l’assiette, le directeur de la FNAQPA a insisté sur la nécessité de s’adapter aux contraintes des personnes âgées, en particulier sur le plan visuel et de préhention des aliments. « Cela exige de soigner la présentation de l’assiette et d’adapter la quantité aux résidents, avec un souci de lutter contre le gaspillage alimentaire. Un cercle vertueux qui doit devenir une priorité de nos établissements, les maisons de retraite étant, avec 3 millions de repas servis chaque jour, le plus grand restaurant de France juste derrière McDonald. C’est un enjeu économique et sociétal considérable ! ».
De la fourche à la fourchette
Un propos en phase avec la vision de Jérémy Camus, vice-président à la Métropole de Lyon, en charge de l’agriculture, de l’alimentation et de la résilience du territoire. « L’alimentation fait partie intégrante de notre politique de santé publique. On travaille de la fourche à la fourchette pour fournir un produit sain et de qualité, d’abord dans les collèges de Lyon et bientôt dans les Ehpad, avec en plus une démarche de sociabilité autour de l’assiette pour vaincre l’isolement des personnes âgées ».
En ouverture de la journée, Pascal Blanchard, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de la santé, des personnes âgées et du handicap, a également insisté sur l’aspect fondamental de l’alimentation en Ehpad. « D’un point de vue psychanalytique, une alimentation de qualité a un effet thérapeutique. Outre la lutte contre la dénutrition, le plaisir dans l’assiette participe à la prévention en matière de syndrome anxio-dépressif et de vieillissement cérébral », a estimé l’élu, psychiatre de formation.
Autant de bonnes intentions mises en pratique par Christian Têtedoie, chef étoilé présent à la Cité internationale de la Gastronomie, qui se bat depuis plusieurs années pour remettre la notion de plaisir gustatif au cœur des préoccupations, à l’hôpital comme dans les Ehpad.
À SAVOIR
En France, le nombre de séniors souffrant de dénutrition est estimé à 270 000 en Etablissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes, et à 400 000 pour ceux vivant à domicile.