Un homme qui travaille dans un endroit dangereux.
Les décès au travail représentent "plus de deux morts par jour" selon le ministère du Travail.© Freepik

En 2024, l’Assurance-maladie recense 764 accidents du travail mortels parmi les salariés du privé, un niveau jamais atteint, auxquels s’ajoutent 318 décès d’accidents de trajet et 215 liés à des maladies professionnelles, soit 1 297 morts liées au travail en une seule année. Alors que la fréquence globale des accidents recule, les drames les plus graves, eux, ne faiblissent pas.

Selon le rapport annuel “Risques professionnels” de l’Assurance-maladie, 764 personnes sont mortes à la suite d’un accident du travail en 2024 parmi les salariés du régime général. C’est cinq de plus qu’en 2023, qui était déjà une année record. À ces décès s’ajoutent 318 accidents mortels de trajet (domicile-travail, déplacements professionnels) et 215 décès consécutifs à une maladie professionnelle. Total : 1 297 décès liés au travail.

Ces chiffres ne couvrent pas tout le monde. Ils excluent la fonction publique, les agriculteurs, les chefs d’entreprise, les indépendants et micro-entrepreneurs. Autrement dit, le nombre réel de morts liées au travail en France est plus élevé que ce que disent ces statistiques officielles.

D’après la Dares (le service statistique du ministère du Travail), 668 510 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt ont été recensés en 2023, tous secteurs confondus (régime général, Mutualité sociale agricole et fonctions publiques territoriale et hospitalière), soit une baisse d’environ 2 % par rapport à 2022.

En parallèle, le rapport 2024 de l’Assurance-maladie montre que le taux global d’accidents du travail continue à diminuer. 26,4 accidents pour 1 000 salariés en 2024, contre près de 45 à la fin des années 1990.

Donc moins d’accidents déclarés, mais un niveau de mortalité qui reste très élevé, voire record. Ce contraste suggère que la gravité des accidents, elle, ne recule pas. Et que les facteurs qui mènent aux décès (malaises, surcharge, précarité, sous-traitance, travail intense) ne sont pas suffisamment maîtrisés.

Le rapport de l’Assurance-maladie pour 2024 détaille les secteurs les plus touchés par les accidents du travail mortels :

  • Transports, eau, gaz, électricité, livre et communication : 178 morts, soit +13 % par rapport à 2023.
  • Bâtiment et travaux publics (BTP) : 146 morts, en légère baisse (–2 %), mais toujours l’un des secteurs les plus meurtriers.
  • Alimentation : forte progression, avec une augmentation de 20 % des accidents mortels en un an.

Aussi, plus de la moitié des décès sont la conséquence de malaises sur le lieu de travail, et un quart ont une origine professionnelle identifiée (chutes de hauteur, manutention, etc.). Plus de 20 % des décès sont survenus dans l’année qui suit la prise de poste. Vingt-deux décès concernent des salariés de moins de 25 ans, contre 33 en 2023.

Malaise : quand le corps décroche avant l’entreprise

Le fait que la majorité des décès soient liés à des malaises sur le lieu de travail n’est pas anodin. Un malaise mortel au travail, ce n’est pas juste “la faute à pas de chance”. Cela peut traduire une surcharge physique, un rythme infernal, des conditions climatiques extrêmes (canicules à répétition), un état de santé fragilisé et peu suivi, ou encore du stress chronique.

Dans certains métiers (logistique, livraisons, BTP, industrie, énergie) les journées longues, les horaires décalés, la pénibilité et la pression commerciale ne laissent souvent que peu de place aux pauses, au repos ou à la prévention médicale.

Surcharge : quand l’intensification du travail devient un risque de santé

Depuis des années, les travaux en santé au travail documentent ce phénomène. On ne multiplie pas forcément le nombre d’heures, mais on condense davantage ce qu’on demande aux salariés sur le même temps. Résultat :

  • moins de marge pour faire les choses en sécurité,
  • moins de temps pour la formation,
  • moins de tolérance pour les “pertes de temps”, y compris les gestes de prévention.

On retrouve cela dans les enquêtes sur les troubles musculosquelettiques (TMS, 88 % des maladies professionnelles reconnues) et les troubles psychiques liés au travail (burn-out, dépressions, syndromes anxieux), qui continuent de progresser et de mener à des inaptitudes médicales en hausse.

Précarité : quand on est plus facilement exposé, mais moins protégé

Les données disponibles montrent que les jeunes salariés et les travailleurs en intérim, CDD, sous-traitance sont sur-représentés dans les accidents graves et mortels.

Les facteurs se cumulent :

  • arrivée dans un environnement inconnu,
  • formation sécurité parfois expédiée,
  • difficulté à dire non,
  • affectation sur des postes dangereux ou peu attractifs, laissés aux moins expérimentés,
  • peur de perdre son contrat si on “fait des histoires”.

Sur le papier, la France dispose de tout un arsenal : Code du travail, document unique d’évaluation des risques (DUER), plans “santé au travail”, campagnes de prévention, rôle de l’Inspection du travail, etc.

Sur le terrain, c’est plus nuancé. Une campagne nationale de l’Inspection du travail ,montre que :

  • sur 1 149 établissements contrôlés après un accident,
  • seule la moitié, précisément 50,6 %, a mis en place des mesures concrètes de prévention ;
  • près de 30 % n’ont pas du tout réévalué les risques ;
  • seuls 38 % ont mis à jour leur document unique.

Autrement dit, même après un accident parfois grave, une partie non négligeable des employeurs ne revoit pas sérieusement l’organisation du travail, ni les protections, ni la formation.

En parallèle, les pouvoirs publics ont commencé à durcir le ton. Instruction pénale renforcée sur les manquements à la sécurité, et préparation d’un nouveau plan de lutte contre les accidents du travail graves et mortels, seront déployés à partir de 2026, en articulation avec le 5ᵉ Plan santé au travail (PST5) annoncé pour le premier semestre 2026.

À SAVOIR

Les troubles musculo-squelettiques (TMS) restent de loin la principale maladie professionnelle reconnue en France. En 2023, selon l’Assurance Maladie les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles indemnisées.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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