Une médecin qui attend des salariés pour leur visite médicale.
En 2019, 39 % des salariés du secteur privé déclaraient avoir eu une visite médicale avec un médecin du travail ou un infirmier au cours des 12 mois précédents, contre 70% en 2005. © Freepik

En France, chaque salarié doit bénéficier d’un suivi médical tout au long de sa vie professionnelle. Pourtant, entre les rendez-vous oubliés, les délais dépassés et les confusions entre visites « d’aptitude » et simples entretiens de prévention, de nombreux employeurs ne respectent pas entièrement leurs obligations. Alors, que dit la loi ? Quels sont vos droits ? On fait le point. 

Vous venez de signer un CDI ? Ou un CDD ? Vous auriez dû passer une visite d’information et de prévention (VIP) dans les trois mois suivant votre arrivée. Et si vous êtes mineur, travaillez de nuit ou occupez un poste à risques, avant même de commencer. C’est l’article R4624-10 du Code du travail qui le précise.

Cette visite n’a rien d’un contrôle médical intrusif. Elle sert à informer le salarié sur les risques liés à son poste et à faire le point sur son état de santé. Elle peut être menée par un professionnel de santé du travail (médecin, infirmier ou collaborateur médecin) et donne lieu à une attestation de suivi transmise à l’employeur.

En pratique, ce premier rendez-vous est souvent oublié, surtout dans les petites entreprises ou les emplois précaires. Selon un rapport de la Cour des comptes (2022), plus de 30 % des salariés n’ont jamais bénéficié de visite d’embauche dans les délais légaux. C’est donc une visite que beaucoup de salariés ne voient jamais venir…

Le suivi périodique, un rendez-vous qui s’étire dans le temps

Une fois cette première visite passée, la loi prévoit un suivi médical régulier. Sa fréquence maximale est de cinq ans (article R4624-16 du Code du travail). Pour les travailleurs de nuit, les salariés handicapés ou titulaires d’une pension d’invalidité, la périodicité tombe à trois ans.

Ces rendez-vous sont essentiels, ils permettent d’aborder les risques professionnels, d’évoquer des difficultés physiques ou psychologiques, voire de demander une adaptation de poste. Mais là encore, la réalité diverge du texte. Faute de médecins du travail (environ 5 000 en exercice pour plus de 19 millions de salariés, selon la Direction générale du travail), les visites se font rares. 

Les services de santé au travail peinent à suivre le rythme, et certaines entreprises laissent filer les échéances. Résultat, des salariés restent parfois dix ans sans revoir un professionnel de santé au travail.

La visite de reprise, souvent négligée

C’est sans doute la visite la plus importante… et la plus méconnue. Après un arrêt maladie de plus de 60 jours, un accident du travail de plus de 30 jours, un arrêt pour maladie professionnelle, ou un congé maternité, l’employeur doit impérativement organiser une visite de reprise dans les huit jours qui suivent le retour du salarié (article R4624-31 du Code du travail).

Cette rencontre avec le médecin du travail vise à vérifier que le poste est compatible avec l’état de santé du salarié, à envisager d’éventuels aménagements ou une reprise progressive.

Le problème est systémique. Dans un contexte de tension sur les effectifs médicaux, certaines entreprises privilégient la reprise rapide au détriment du suivi. Selon la Dares (2024), près d’un salarié sur quatre concerné par un arrêt long n’a pas bénéficié de cette visite dans les délais légaux.

Le suivi renforcé, grand absent des postes à risques

Certaines professions exigent un suivi plus poussé. C’est le suivi individuel renforcé (SIR). Il concerne les salariés exposés à des risques particuliers (agents chimiques, amiante, rayonnements ionisants, travail en hauteur, etc). Dans ces cas, un examen d’aptitude est obligatoire avant l’affectation au poste, puis renouvelé au moins tous les quatre ans, avec une visite intermédiaire tous les deux ans (articles R4624-22 à R4624-28 du Code du travail).

Ce dispositif est vital dans certains secteurs industriels ou hospitaliers. Pourtant, l’Inspection du travail constate régulièrement que des salariés exposés à des produits dangereux ne bénéficient d’aucune visite spécifique.

Souvent, l’employeur ignore que le poste entre dans cette catégorie. En 2023, le ministère du Travail a recensé plus de 8 000 manquements à l’obligation de suivi renforcé, principalement dans le BTP et la maintenance industrielle.

C’est l’employeur qui a la charge de l’organisation, de la planification et du coût des visites médicales. Elles se tiennent sur le temps de travail, sans perte de rémunération, et les frais de transport éventuels sont remboursés. Le salarié, lui, a le droit de solliciter à tout moment une visite auprès du service de santé au travail, sans que son employeur puisse s’y opposer. C’est un droit individuel, souvent méconnu.

En cas de manquement, la responsabilité de l’employeur peut être engagée. L’absence de suivi médical est considérée par la jurisprudence comme un manquement à l’obligation de sécurité de résultat (Cour de cassation, 5 octobre 2010, n° 09-40.913). Autrement dit, ne pas faire passer les visites peut coûter cher. 

L’entreprise s’expose à des sanctions civiles, financières et parfois pénales. Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes pour obtenir des dommages et intérêts, voire faire annuler un licenciement jugé abusif. En cas d’accident ou de maladie professionnelle non détectée, la responsabilité pénale de l’employeur peut également être engagée, avec à la clé des amendes importantes. Et, dans les cas les plus graves, des peines d’emprisonnement.

Entre réformes successives et pénurie de médecins, la médecine du travail traverse une période délicate. Pourtant, son rôle reste central : prévenir les risques, protéger la santé des salariés, éviter les ruptures professionnelles.

Chaque salarié devrait connaître les différentes visites auxquelles il a droit : la visite d’information à l’embauche, les visites périodiques, la visite de reprise et, le cas échéant, le suivi renforcé. Ces rendez-vous ne sont pas de simples formalités administratives, ce sont des moments d’écoute et de prévention qui peuvent, parfois, changer le cours d’une carrière.

À SAVOIR

Depuis la réforme du 1er avril 2022, la médecine du travail a été rebaptisée Service de Prévention et de Santé au Travail (SPST). Désormais, ces services ne se limitent plus au suivi médical des salariés, ils participent aussi activement à la prévention de la désinsertion professionnelle, à la promotion de la santé mentale, et à la prévention des risques psychosociaux.

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Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

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