Symptomatique d'un système de santé à bout de nerf : une infirmière au bord de l'épuisement.
L'épuisement et le ras le bol des soignants est l'une des principales conséquences de l'obsolescence d'un système de santé français inadapté aux réalités actuelles du soin. ©Freepik

Soignants à bout, manque de médecins, urgences débordées… Les difficultés de notre système de santé, cristallisées par la crise sanitaire, ne cessent de s’accroître. Autrefois vertueux et érigé en exemple, le système de santé est au bord du gouffre. Sa reconstruction est aujourd’hui incontournable, et doit s’articuler autour d’une place prépondérante accordée à la santé publique. Tout faire pour prévenir, plutôt que toujours guérir en urgence, une fois la maladie installée. C’est ce qu’explique Christelle Galvez, directrice générale de l’Institut Santé et directrice des soins au Centre Léon Bérard.

Sommes-nous collectivement prêts et capables de reconstruire notre système de santé ? Pour beaucoup d’observateurs, la réponse à cette question est oui. Le système de santé à la française, autrefois si vertueux, est exsangue. Mais le malade peut être guéri, au gré d’une reconstruction qui doit faire admettre à tous que l’enjeu de demain sera d’abord de savoir préserver notre capital santé, à travers une politique de santé publique axée sur la prévention, et non seulement sur le soin. Le point avec Christelle Galvez, soignante au Centre Léon Bérard, à Lyon, et déléguée générale de l’Institut Santé.

Ils n’ont plus le temps de créer une relation structurée avec leurs patients

Pourquoi le système de santé français a-t-il besoin de se reconstruire en profondeur ?

Car notre système de santé, pourtant qualifié comme le meilleur du monde par l’OMS en 2000, traverse une crise sans précédent. Il n’est plus du tout adapté aux différentes évolutions. Notamment d’un point de vue démographique et de vieillissement de la population. Des pathologies chroniques se sont développées sans que le système de santé ne s’organise pour y faire face. Et cela a un coût financier de plus en plus important. Comment expliquer également que, dans un pays où l’innovation est partout, le monde de la santé ne parvienne pas à accéder aux nouvelles technologies et à en faire bénéficier aux patients ? Notre système de santé est en crise depuis 20 ans. Il a besoin d’une régénération de fond, et pas seulement de sparadraps en guise de petites solutions.

Quels sont les maux principaux dont souffre notre système de santé ?

Nous n’avons plus de médecins traitants, nos urgences sont pleines, les déserts médicaux s’étendent sans cesse un peu plus… On a vu également qu’en cas de grave crise sanitaire, nous sommes bien en peine de gérer. Les soignants sont débordés et à bout. Ils ont le sentiment de faire beaucoup pour répondre aux besoins de la population, mais sont freinés par des lourdeurs administratives. Ils n’ont plus le temps de créer une relation structurée avec leurs patients. Nombreux ont l’impression de ne pas être entendus, et cela contribue à leur usure. On peut comprendre que les générations d’aujourd’hui ne veuillent plus vivre ce qu’ont subi les précédentes !

“Redonner espoir en un système de santé au service des besoins de chacun”

Quelles solutions permettraient de régénérer notre système de santé ?

Il ne s’agit pas d’un simple problème de manque de médecins ou d’urgences saturées. On doit arriver à une prise de conscience que nous avons besoin de mieux faire ensemble ! Il est évident que pour des soignants, délivrer des soins est essentiel. Mais n’avoir qu’une approche curative va continuer à user les professionnels de santé sans stopper l’hémorragie. Il est temps de s’écouter et d’apprendre à prendre soin de sa santé. Et ce dans un climat de solidarité où chacun participe à prendre soin de la santé de l’autre. Il y a urgence à donner les clefs pour reconnaître que sa santé, et celle de son entourage, est un don capital, sans doute le plus précieux à préserver. Nous devons encourager et inculquer cette approche résolument préventive dès l’enfance. L’idée est de se dire que l’on doit avoir une carte d’assurance santé, et non plus d’assurance maladie. Pour ne plus être assuré d’avoir une maladie mais d’être assuré d’avoir une bonne santé.

Comment peut-elle se traduire aujourd’hui ?

En agissant sur le fond. L’État doit retrouver son rôle de stratège, avec une politique de santé publique nationale globale. Il n’y a pas que le ministère de la santé qui est concerné, mais également ceux de la jeunesse, du travail. Les multiples agences de santé locales et régionales doivent ensuite avoir le pouvoir de mettre en œuvre cette politique en toute autonomie, en fonction des écosystèmes, problématiques et besoins de chaque territoire. Ils ne sont en effet pas les mêmes, que l’on soit à la campagne ou à la ville. Et cette stratégie doit être financée, de manière mieux équilibrée et coordonnée. Les budgets de santé, en effet, ne doivent plus être attribués quasi intégralement aux soins, mais aussi à la prévention.

Quel est le rôle de l’Institut Santé dans ce combat ?

Nous sommes là pour fédérer et faire comprendre qu’il existe des propositions concrètes, parfaitement possible à mettre en œuvre. Quelles que soient les sensibilités, il est possible de s’approprier des solutions et efficaces pour redonner espoir en un système de santé au service des besoins de chacun d’entre nous. Notre objectif est de lancer une dynamique collective : le temps est venu d’en finir avec le fatalisme et d’agir. Du citoyen de tout âge, patients, aidants, voisins, professionnels de santé, enseignants, collectivités, élus et bien sûr l’État, à qui l’on doit montrer que nous sommes prêts, sur le terrain, dans nos villages, nos quartiers, nos campagnes, à mettre en œuvre ces changements urgents et vitaux.

À SAVOIR

L’Institut Santé est un collectif citoyen indépendant regroupant experts et personnalités déterminés à contribuer à la refondation du système de santé français. L’organisme a été fondé par Frédéric Bizard, économiste de la santé et professeur d’économie à l’ESCP Business School.

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Ma Santé

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Journaliste expert santé / Rédacteur en chef adjoint du Groupe Ma Santé. Journaliste depuis 25 ans, Philippe Frieh a évolué dans la presse quotidienne régionale avant de rejoindre la presse magazine pour mettre son savoir-faire éditorial au service de l'un de ses domaines de prédilection, la santé, forme et bien-être. Très attaché à la rigueur éditoriale, à la pertinence de l'investigation et au respect de la langue française, il façonne des écrits aux vertus résolument préventives et pédagogiques, accessibles à tous les lecteurs.

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