
Vert pour “bon”, rouge pour “à éviter” : le Nutri-Score s’est glissé dans nos caddies comme une boussole de santé. Mis en place en France en 2017, ce logo coloré est censé nous guider vers une alimentation plus équilibrée. Mais derrière cette apparente simplicité, l’étiquetage nutritionnel repose sur un calcul bien plus complexe. Alors, faut-il toujours lui faire confiance ? La réponse de nos experts.
Au départ, l’idée est belle. Presque trop belle… Offrir un repère simple, clair, pour aider les consommateurs à repérer d’un coup d’œil les produits les plus équilibrés. A l’origine, Le Nutri-Score a été mis en place en 2017 à la suite de travaux du chercheur Serge Hercberg, épidémiologiste et nutritionniste.
Son fonctionnement repose sur un algorithme qui attribue à chaque produit un score basé sur 100 g ou 100 mL. Les nutriments jugés défavorables (calories, graisses saturées, sucres, sel) lui retirent des points, tandis que ceux considérés comme bénéfiques (fibres, protéines, fruits et légumes, huiles de colza, noix, olive) en ajoutent.
Résultat, une note allant de A (vert foncé) à E (rouge), censée refléter la qualité nutritionnelle globale d’un produit. Le Nutri-Score n’est pas obligatoire. Les marques choisissent de l’afficher ou non, mais doivent l’apposer sur toute leur gamme si elles s’y engagent. C’est le cas, par exemple, de Danone avec ses yaourts à boire, de Bjorg pour ses boissons et biscuits végétaux, de Fleury Michon que encore de certains paquets de céréales commercialisés par Nestlé.
Que signifient les lettres du Nutri-Score ?
Chaque lettre correspond à un niveau de qualité nutritionnelle globale calculé selon la teneur en nutriments bénéfiques (fibres, protéines, fruits, légumes) et défavorables (sucre, sel, graisses saturées, calories).
- A (vert foncé) → excellente qualité nutritionnelle. Produits riches en fibres et peu gras, comme l’eau, les légumes, les céréales complètes ou les yaourts nature.
- B (vert clair) → bonne qualité nutritionnelle, mais avec quelques réserves. Par exemple : un pain complet, un fromage blanc ou une soupe peu salée.
- C (jaune) → qualité moyenne. On y retrouve souvent les plats préparés équilibrés ou certains produits à base de viande.
- D (orange) → qualité faible. Produits plus gras, plus sucrés ou salés, comme la charcuterie, les fromages ou certains desserts industriels.
- E (rouge) → qualité nutritionnelle faible. Sodas, snacks, biscuits ou plats très transformés, à consommer occasionnellement.
L’objectif n’est pas d’interdire les D et E, mais de repérer rapidement les produits à privilégier au quotidien et ceux à garder pour le plaisir.
Le Nutri-score : un outil populaire et plutôt efficace
Une boussole santé en supermarchés
Les Français, dans l’ensemble, ont adopté le Nutri-Score. D’après un rapport de Santé publique France publié en 2021, 94 % des consommateurs en ont entendu parler et plus d’un sur deux affirme qu’il a déjà modifié au moins un achat grâce à lui. En clair, le logo a réussi à s’imposer dans les habitudes.
Mais son influence dépasse les perceptions. Une grande étude européenne menée par l’Inserm en 2024 auprès de 345 000 participants a révélé que les personnes consommant davantage de produits mal classés, notés D ou E, présentaient un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires. Le score correspond effectivement au profil nutritionnel et à l’impact sur la santé.
Même les professionnels se prêtent au jeu
D’autres travaux, menés par l’INRAE, confirment cette efficacité. En restauration collective, l’introduction du Nutri-Score a permis de réduire la consommation de sucre et de graisses saturées, tout en augmentant les apports en fibres et en fruits.
Même les industriels s’en servent désormais comme boussole. Certaines marques reformulent leurs recettes pour décrocher une meilleure lettre, quitte à diminuer le sel ou à remplacer certaines graisses.
Un repère utile… mais pas parfait !
Les aliments ultra transformés passant à travers les mailles du filet
Croire que ce logo résume toute la complexité de l’alimentation serait une erreur. Le Nutri-Score n’est ni un certificat de santé, ni un jugement moral, c’est un indicateur partiel, qui ne dit pas tout. Loin de là…
D’abord, il ne prend pas en compte la transformation industrielle des produits. Autrement dit, un plat ultra-transformé, truffé d’additifs mais allégé en sucre, peut obtenir une note flatteuse, tandis qu’un fromage AOP riche en matières grasses sera classé D ou E. Ce paradoxe alimente régulièrement les critiques des filières agricoles, qui dénoncent un système jugé trop « comptable ».
Et le débat est vif. En mars 2025, le gouvernement a encore repoussé la mise en place du nouvel algorithme, sous la pression de certains producteurs de fromages et de charcuteries traditionnelles, qui craignent d’être pénalisés.
Entre ce qui est évalué et ce qui est consommé, il y a une différence
Ensuite, le Nutri-Score ne tient pas compte de la portion réellement consommée. Il évalue 100 grammes de produit, mais personne ne mange 100 grammes de moutarde ou de parmesan d’un coup. Ce détail change tout.
Un produit noté D peut être parfaitement acceptable si l’on en consomme une petite quantité. À l’inverse, un produit A englouti en excès n’aura plus rien de vertueux. Le score ne reflète donc pas la manière dont nous mangeons, mais la composition brute du produit.
Enfin, le logo ignore d’autres dimensions essentielles. L’origine des ingrédients, les méthodes de production, la présence d’additifs ou l’impact environnemental. Autrement dit, il ne dit rien du bio, du local, ni du durable. Ce n’est pas son rôle, mais cela crée parfois des confusions.
L’intelligence du consommateur avant tout
Bref, le Nutri-Score reste un excellent point de départ, à condition de le replacer dans son contexte. Il est conçu pour comparer des produits de même catégorie. Comparer un soda à un fromage n’a aucun sens.
En revanche, comparer deux marques de céréales ou deux plats préparés devient pertinent. Dans ce cadre, le Nutri-Score remplit pleinement sa mission. C’est-à-dire, orienter vers le choix le plus équilibré.
Mais il doit toujours être lu avec un regard attentif. Le consommateur averti ne s’arrête pas à la couleur du logo. Il lit la liste des ingrédients, repère les additifs, s’intéresse à la quantité réelle de sel ou de sucre. Il garde à l’esprit que le plaisir et la tradition ont aussi leur place dans l’assiette. Le Nutri-Score ne remplace ni le bon sens ni la diversité alimentaire.
Les nutritionnistes le rappellent d’ailleurs, une alimentation saine, c’est avant tout un équilibre global. Un repas composé de produits bien notés mais consommés sans modération ou dans un contexte déséquilibré perd tout intérêt. En résumé, le Nutri-Score aide à mieux choisir, mais pas à mieux vivre.
Le Nutri-score : un système toujours perfectible
Depuis sa création, l’algorithme du Nutri-Score a été régulièrement ajusté pour mieux coller aux connaissances scientifiques. En 2025, une nouvelle version est entrée en vigueur dans certains pays européens (1) avec un objectif clair : pénaliser davantage les produits très sucrés ou très salés, et mieux valoriser les aliments riches en fibres.
À terme, Selon Santé publique France, entre 30 et 40 % des produits verront leur note évoluer. Certains yaourts et céréales pourraient passer d’un vert à un jaune, quand d’autres produits végétaux verront leur score s’améliorer.
Ce travail d’ajustement reflète une volonté d’harmoniser le système à l’échelle de l’Union européenne, pour éviter la multiplication des étiquetages concurrents. La France pousse pour en faire un modèle européen, mais la résistance de certains États membres, notamment l’Italie, rend l’adoption universelle encore incertaine. D’autant plus incertain que certains lobbies de l’industrie agroalimentaire continuent en sous-main à freiner le processus…
(1) A ce jour, le Nutri-Score a été adopté par sept pays européens : France, Belgique, Allemagne, Espagne, Luxembourg, Pays-Bas, Roumanie.
À SAVOIR
Aujourd’hui, plus de 230 millions d’Européens vivent dans un pays où le Nutri-Score est officiellement utilisé. Ce logo a été adopté par la Belgique, l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse.







