Depuis sa création en 2017, le Nutri-Score est devenu un outil incontournable pour aider les consommateurs à mieux s’y retrouver dans la jungle des produits alimentaires. Mais aujourd’hui, et alors que plusieurs marques comme Danone ou Coca-Cola font de la résistance en refusant son affichage, un collectif de scientifiques et de professionnels de santé, soutenu par la Société Française de Santé Publique (SFSP), réclame son adoption obligatoire en France et dans l’Union européenne. Pourquoi cette mesure est-elle jugée essentielle pour notre santé ? Explications.
Le Nutri-Score, cette fameuse étiquette nutritionnelle que l’on voit de plus en plus sur les produits alimentaires, a été conçu pour guider le consommateur dans ses choix. Sous forme de lettres colorées allant de A à E, ce système indique la qualité nutritionnelle des produits. Il prend en compte des critères tels que la teneur en sucres, graisses saturées, fibres et protéines. Une approche simple qui vise à rendre l’information claire et accessible.
Mais pourquoi cette étiquette est-elle devenue un sujet de débat politique et de santé publique ? La réponse tient en un mot : l’urgence. L’augmentation des diagnostics de maladies cardiovasculaire et d’obésité explose et inquiète.
En octobre 2024, un collectif composé de scientifiques, de nutritionnistes et de professionnels de santé a lancé un appel au Premier ministre français pour rendre le Nutri-Score obligatoire sur tous les produits alimentaires. Pour eux, il ne s’agit pas seulement d’un outil de marketing, mais d’une véritable matrice de régulation de santé.
Bien que de nombreuses études soutiennent l’efficacité du Nutri-Score, sa mise en place obligatoire se heurte encore à certains obstacles. Certains poids-lourds de l’industrie agroalimentaire, à l’image de Danone, Ferrero ou même Bjorg, ont exprimé leurs réticences face à une telle mesure. Notamment en raison de l’impact potentiel sur leurs ventes. En effet, certains produits, traditionnellement perçus comme “indispensables” dans les foyers (biscuits, boissons sucrées, etc.), se retrouveraient classés dans les catégories moins favorables (D ou E).
Une urgence de santé publique
L’obésité : un fléau en croissance
L’obésité, qui touche aujourd’hui près de 17 % des adultes en France selon les dernières données de Santé Publique France, est un des enjeux majeurs de santé publique. En cause ? Le choix des produits au moment de faire les courses.
Les plats “tout prêts” et les produits ultratransformés font aujourd’hui partie intégrante de notre alimentation. Facile et rapide pour les repas de midis, cette consommation excessive de produits trop gras, trop sucrés et trop salés est l’une des principales causes de cette épidémie. Avec un Nutri-Score bien visible, les consommateurs prendraient alors conscience de la qualité réelle des produits.
Un impact mesurable sur les comportements des consommateurs
Des études menées en France et en Belgique ont montré que les consommateurs qui utilisaient le Nutri-Score faisaient des choix alimentaires plus équilibrés. Par exemple, une étude de 2021 réalisée par l’ANSES a révélé que 60 % des consommateurs prenaient en compte l’étiquette Nutri-Score lorsqu’ils faisaient leurs courses.
Ce système aurait donc un réel impact sur la réduction de la consommation de produits alimentaires malsains. Et, par conséquent, réduirait les risques de maladies cardiovasculaires et d’obésité.
Une réponse à la complexité des étiquettes traditionnelles
Les étiquettes nutritionnelles classiques sont souvent complexes à déchiffrer pour les consommateurs. En effet, qui prend vraiment le temps de décrypter une liste d’ingrédients longue comme le bras ou d’analyser les valeurs nutritionnelles en pourcentage ? D’autant plus face à des rythmes de vie effrénés.
Le Nutri-Score, en revanche, permet de saisir rapidement la qualité d’un produit d’un simple coup d’œil. Ce qui en fait un outil pratique pour les consommateurs pressés ou peu avertis.
Les obstacles à une adoption obligatoire du Nutri-Score
Le lobbying de l’industrie alimentaire
Le lobby de l’industrie alimentaire est un autre frein à l’adoption du Nutri-Score obligatoire. Plusieurs grandes marques ont déjà mis en place des systèmes alternatifs d’étiquetage ou ont choisi de ne pas afficher du tout le Nutri-Score sur leurs produits. Des marques comme Ferrero, Coca-Cola, Mars, Lactalis, Mondelez, Kraft, le refusent et le combattent pour préserver leurs intérêts économiques.
Aussi, certains comme Danone et Bjorg, qui l’avaient adopté, ont décidé récemment de le supprimer sur certaines de leurs marques. Nutri-Score ? Très peu pour eux s’il impacte leurs ventes.
Selon une enquête réalisée en 2023 par l’ONG Foodwatch, plus de 30 % des produits de grandes surfaces ne comportaient toujours pas d’étiquette Nutri-Score. Cela soulève une question : le système est-il encore trop facultatif et fragmenté pour avoir un réel impact ?
Les débats politico-sanitaires
Sur le plan politique, le débat fait rage. Le ministre de la Santé, François Braun, a évoqué à plusieurs reprises l’idée de rendre l’étiquette Nutri-Score obligatoire, mais le gouvernement semble hésiter face à la pression des lobbies alimentaires.
La question des choix économiques et de l’indépendance des marques demeure au cœur du débat. D’autant plus que l’extension de ce système à l’échelle européenne reste encore en discussion.
Un pas vers une alimentation plus saine ?
Alors, le Nutri-Score obligatoire est-il la solution miracle pour améliorer la santé des Français ? Si ce système reste perfectible, notamment sur certains produits ultra-transformés, il semble que sa généralisation pourrait avoir des effets bénéfiques sur les comportements alimentaires. Un large consensus existe parmi les experts de la santé pour affirmer que l’information est la première arme contre l’obésité et les maladies liées à une mauvaise alimentation.
L’urgence de cette mesure est d’autant plus évidente à la lumière des chiffres alarmants concernant l’obésité et les maladies cardiovasculaires en France. Responsables de près de 140 000 morts chaque année, les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause de mortalité en France.
Si la mise en place d’une étiquette obligatoire sur tous les produits alimentaires permet d’éviter des millions de cas de maladies évitables, il serait difficile de justifier l’inaction face à ce problème de santé publique.
À SAVOIR
Une étude de l’OCDE montre que l’introduction du Nutri-Score dans les 27 pays européens pourrait éviter près de 2 millions de cas de maladies non transmissibles d’ici 2050. Cela permettrait aussi de réduire les dépenses de santé de 0,05 % par an et d’améliorer l’emploi et la productivité, avec un gain de 10,6 équivalents temps plein pour 100 000 personnes en âge de travailler.