
Déjà utilisé dans plusieurs hôpitaux européens, et notamment aux Pays-Bas, le passeport génétique promet de révolutionner les prescriptions médicales. En analysant certaines variations de votre ADN, ce document permettrait de savoir à l’avance si un médicament est fait pour vous… ou pas. À la clé : des traitements mieux ciblés, plus efficaces, et moins d’effets secondaires. Mais cette innovation soulève aussi de vraies questions éthiques et pratiques.
Imaginez : un médecin vous prescrit un traitement, mais au lieu de la classique posologie “1 comprimé 3 fois par jour”, il consulte un document personnalisé contenant votre profil génétique. C’est ce que proposent déjà plusieurs hôpitaux aux Pays-Bas, grâce à un outil innovant : le “passeport génétique”. Un petit format, pour un grand bouleversement de la médecine.
Les promesses de la pharmacogénétique pour une médecine sur mesure
Des médicaments personnalisés, grâce à votre ADN
Fini les traitements “taille unique”. Le passeport génétique compile les données issues d’un test pharmacogénétique, autrement dit, la manière dont votre corps métabolise certains médicaments selon votre patrimoine génétique.
Résultat ? Le médecin sait d’avance si vous êtes susceptible d’avoir des effets secondaires, si la molécule sera inefficace, ou s’il faut ajuster la dose. Une révolution déjà bien entamée aux Pays-Bas, où ce système est pris en charge par l’assurance maladie et intégré aux logiciels de prescription des médecins.
Selon la KNMP (Association des pharmaciens néerlandais), plus de 100 combinaisons gène-médicament sont déjà documentées dans la base nationale de recommandations.
Une réponse à un vrai problème de santé publique
Chaque année, des milliers de patients développent des effets secondaires liés à des traitements mal adaptés. Pourquoi ? Parce que notre capacité à métaboliser un médicament peut varier fortement d’une personne à l’autre.
Un exemple : certaines personnes dégradent très lentement les antidépresseurs ou les anticoagulants. À dose standard, ces médicaments peuvent alors provoquer des effets indésirables graves. D’autres, au contraire, les éliminent trop vite, rendant le traitement inefficace.
Une étude néerlandaise publiée en 2023 dans le British Journal of Clinical Pharmacology montre que l’adaptation des doses basée sur le profil génétique permet de réduire de 30 à 50 % les effets secondaires pour certaines classes de médicaments.
Aux Pays-Bas, un système déjà bien huilé
Depuis près de 20 ans, les hôpitaux universitaires néerlandais ont intégré la pharmacogénétique dans leurs prescriptions. Les données génétiques des patients sont croisées avec une base de recommandations (la G-Standaard), mise à jour en temps réel.
Résultat : une carte personnelle remise au patient, le fameux “passeport génétique” à présenter lors de chaque consultation médicale ou passage en pharmacie.
Et, avantage non négligeable, ce test est désormais couvert par l’assurance maladie néerlandaise dans plusieurs cas.
Médecine personnalisée: la France face au défi
En France, on en est où en pharmacogénétique ?
Pour l’instant, la pharmacogénétique reste marginale en France. Quelques hôpitaux universitaires proposent des tests dans des cas très ciblés (oncologie, psychiatrie). Mais aucune base nationale n’existe à ce jour pour intégrer ces données à la prescription courante.
Pourtant, les acteurs de santé publique commencent à s’y intéresser : dans son rapport de 2024, la Haute Autorité de Santé recommande de mieux intégrer la pharmacogénétique dans les parcours de soins personnalisés.
Une médecine plus sûre, plus efficace
La promesse est simple : en adaptant les médicaments à notre génome, on évite les essais-erreurs, les effets indésirables inutiles et les prescriptions inefficaces.
À terme, ce type d’outil pourrait s’imposer comme un réflexe médical, au même titre qu’une analyse sanguine. Un gain de sécurité, mais aussi d’argent pour les systèmes de santé.
Et demain, une carte génétique pour tous ?
C’est ce vers quoi tendent les Pays-Bas. La question reste ouverte pour la France : comment garantir la confidentialité des données génétiques ? Qui finance ces tests ? Et surtout, comment former les professionnels de santé à l’interprétation de ces profils ?
La médecine personnalisée est déjà en route. Reste maintenant à savoir si les politiques de santé suivront.
À SAVOIR
Le Plan France Médecine Génomique 2025 vise à intégrer le séquençage génomique dans le parcours de soins des patients. Cette initiative nationale soutient notamment le développement des tests pharmacogénétiques dans les hôpitaux et cliniques, pour adapter les traitements à chaque profil génétique.







