En hausse depuis la crise sanitaire, la phobie scolaire caractérise une peur intense de l’école, rendant impossible à l’enfant d’y aller. La clé pour y remédier ? En comprendre les causes, toujours complexes. Les explications de Marie Costa, experte en parentalité à Lyon (Rhône) et consultante Ma Santé.
La phobie scolaire, que l’on appelle aussi Refus Scolaire Anxieux ou anxiété scolaire serait en constante augmentation. Mais il ne faut pas faire d’amalgame entre l’absentéisme (je ne veux pas aller à l’école), le refus scolaire pour s’opposer (je n’y vais pas car c’est trop contraignant), et enfin la vraie phobie scolaire (j’aimerai aller à l’école, mais je suis tétanisé et incapable d’y aller).
La phobie scolaire doit être considérée dans sa nature grave et prise en charge rapidement. En parler et consulter est un bon réflexe. Le coaching parental peut apporter un soutien et une aide concrète au quotidien en complément de l’équipe enseignante et médicale.
Comprendre la peur
Avoir peur fait partie de notre existence : la peur est une émotion que l’on ressent généralement en présence ou dans la perspective du danger. Les peurs changent au cours de notre vie. En grandissant, nous développons des défenses pour contrer cette émotion désagréable. Tout est mis en œuvre pour que le corps soit prêt à faire face à cette menace. Depuis des milliers d’années, la peur signale à l’homme les dangers, elle favorise donc la prudence.
De quoi les enfants ont-ils peur ?
Si certains enfants redoutent avoir de mauvaises notes à l’école, d’autres expriment des moqueries, des insultes ou du harcèlement. La guerre, les attentats, les accidents, le divorce des parents font également partis des peurs les plus fréquentes.
Selon le neuropsychiatre J. Ajuriaguerra la phobie scolaire se définit ainsi : « Il s’agit d’enfants ou d’adolescents qui, pour des raisons irrationnelles, refusent d’aller à l’école et résistent avec des réactions très vives d’anxiété ou de panique quand on essaie de les y forcer ».
La vraie phobie de l’école se traduit par des symptômes comme des nausées, des vomissements, diarrhées, céphalées, douleurs abdominales, des étouffements, des palpitations, des troubles du sommeil, une perte d’appétit, une vision floue, des douleurs articulaires … au moment de partir à l’école. On peut également noter des symptômes psychologiques comme l’agitation, les cris, les pleurs, la fuite, la violence, le repli sur soi, la panique…
Comment reconnaître la phobie scolaire ?
Elle s’installe souvent de manière brutale sans raison apparente. L’enfant n’a pas forcément de problèmes au niveau des apprentissages et les parents ont parfois du mal à interpréter ses symptômes.
L’enfant est généralement bon à l’école mais il manque de confiance en lui et il met en doute ses potentialités. Il peut aussi être hypersensible.
L’enfant se plaint, il va à l’infirmerie, puis il multiplie les absences. Sa vie sociale est aussi mise à rude épreuve, il se met souvent en retrait vis à vis de ses pairs.
On note quand même certains facteurs déclencheurs comme un changement d’établissement, un déménagement, une altercation avec un professeur ou un autre élève.
Les autres facteurs de la phobie scolaire
– L’enfant peut être décris comme craintif, depuis son jeune âge, il montre une forte dépendance envers son entourage et il vit mal les séparations. Ce peut être ainsi le prolongement d’une anxiété à la suite de manifestations d’angoisses de séparations dans la petite enfance.
– Ce peut également être la conséquence d’une peur concernant la santé de ses parents (suite au deuil récent d’un proche, la maladie d’un parent) L’enfant a besoin de ne pas s’éloigner pour surveiller si tout va bien.
– Où bien d’une peur liée à un traumatisme subi à l’école (agressions, rackets, harcèlement, violences morales ou physiques)
Quelles peuvent être les conséquences ?
À moyen terme, la phobie scolaire peut entraîner la déscolarisation momentanée, ou totale avec des répercussions sur son avenir professionnel.
L’enfant a tendance à se replier sur lui-même et à se réfugier dans un monde virtuel avec les écrans. A long terme, les conséquences lourdes peuvent exister comme la dépression et les envies suicidaires.
Les parents sont souvent très démunis, ils essayent le dialogue, la fermeté, la colère, la menace… sans parvenir limiter la souffrance de leur enfant. Le plus déstabilisant est de ne pas avoir de solution, de devoir faire des choix sans être sûr de faire les bons.
Toute la famille est déstabilisée, mais au fur et à mesure des pleurs, des incompréhensions, l’entourage comprend que seul le soutien et l’amour peuvent aider l’enfant.
10 conseils pour vous aider
1. Consulter un médecin pour exclure l’hypothèse d’une maladie organique, et diagnostiquer la phobie scolaire.
2. Rassurer l’enfant : il doit comprendre que l’amour parental ne dépend pas de sa performance à l’école et qu’en cas d’échec, il est soutenu par ses parents.
3. Les parents peuvent se rendre davantage disponibles pour l’écouter et le rassurer. L’enfant peut se demander : « Pourquoi je ne suis pas comme les autres ? », « Est-ce que tu m’aimeras toujours même si je ne réussis pas à l’école ».
4. Les adultes peuvent utiliser l’écoute empathique pour l’aider à mettre des mots sur ce qu’il ressent et pour faire le tri de ses émotions.
5. Les parents remarqueront aussi tous les petits changements positifs et encourageront l’enfant avec des compliments : «Ce matin, tu n’as pas pu aller à l’école mais tu n’as pas vomi. », « Tu as réussi à aller chercher le pain alors que je t’attendais dans la voiture », « Tu as mis le couvert avant notre retour sans même qu’on te le demande » “Tu as posé ta console lorsque je te l’ai demandé, je n’ai pas eu à te le répéter”. Voir toutes ses réussites, même les plus minimes vont l’aider à gérer son anxiété et augmenter son estime de lui-même.
6. Une prise en charge est aussi à envisager avec un professionnel de santé : pédopsychiatre, psychologue… Une thérapie individuelle ou familiale peut être mise en place.
7. Envisager un retour progressif à l’école en le préparant avec l’équipe éducative (en établissant un PAI : Projet d’Accueil Individualisé par exemple) faire des compromis en imaginant un retour partiel (quelques heures par jour, puis un mi-temps).
8. Etre très indulgent avec l’enfant qui aura peut-être accumulé du retard pendant son absence, et ne pas hésiter à le revaloriser pour qu’il reprenne confiance.
9. En fonction de la gravité des symptômes, une hospitalisation peut être envisagée. Certaines structures possèdent d’une école pour continuer la scolarité.
10. Tenter de garder son calme, son sourire, sa patience face à l’incompréhension des autres (entourage, enseignants). Rencontrer d’autres parents qui vivent la même situation permet aussi de ne pas rester isolé. Garder sa force de parent pour pouvoir aider et accompagner son enfant reste essentiel.
À SAVOIR
Marie Costa est certifiée en coaching parental à Lyon. Elle est l’auteur de nombreux ouvrages destinés à accompagner et aider les parents face aux difficultés de leurs enfants, dont “Tu peux y arriver” (parution le 10 octobre 2023, aux éditions DBS).