Une adolescente souffrant de dépression et traitée par Prozac.
8 % des adolescents vivent un épisode dépressif avéré et l'incidence est deux fois plus élevée pour les filles. © DepositPhotos

Une nouvelle analyse scientifique remet en question l’efficacité du Prozac (fluoxétine) chez les adolescents souffrant de dépression. Le médicament est-il vraiment utile ? Présente-t-il des risques ? Et quelles alternatives existent ? Voici les réponses, de manière simple et compréhensible.

Pendant longtemps, le Prozac, fluoxétine de son vrai nom, était considéré comme l’antidépresseur de référence pour les jeunes. Notamment parce que les études montraient un petit bénéfice par rapport au placebo. Mais une nouvelle analyse a réexaminé 12 essais cliniques réalisés entre 1997 et 2024. Et, le Prozac, chez les adolescents « n’apporte pas d’amélioration cliniquement significative des symptômes » par rapport à un placebo.

En d’autres termes, le médicament peut aider certains jeunes, oui, mais l’amélioration n’est pas clairement meilleure que celle observée avec une pilule sans substance active.

Cela ne veut pas dire que le Prozac “ne fait rien”. Mais que son bénéfice est trop faible pour être considéré fiable pour tous les adolescents.

Non. Mais chez les adolescents, la frontière entre l’effet d’un médicament et l’effet du simple accompagnement est particulièrement mince. Les spécialistes le savent, les jeunes réagissent très fortement au contexte du soin, bien plus que les adultes.

Le taux de réponse au placebo est exceptionnellement élevé. Autrement dit, même lorsqu’on donne une pilule qui ne contient aucune substance active, une grande partie des adolescents voient leurs symptômes diminuer. 

Cela peut être parce qu’ils se sentent pris en charge, parce qu’ils reprennent espoir, parce qu’ils sont régulièrement suivis… ou simplement parce qu’ils pensent recevoir un traitement efficace. Certaines études montrent ainsi que entre 40 et 50 % des jeunes sous placebo vont mieux après quelques semaines.

Et c’est précisément ce qui complique tout. Si le placebo fait déjà beaucoup, il faut que le médicament fasse nettement plus pour prouver qu’il apporte un vrai bénéfice. Or, avec le Prozac, cet écart devient faible dans les études les plus récentes. Pas forcément parce que le médicament est “inefficace”, mais plutôt parce que l’effet placebo est si puissant qu’il masque presque toute différence.

Le Prozac présente-t-il des risques pour les ados ?

Oui. Comme tous les antidépresseurs, le Prozac n’est pas un traitement anodin. Chez les adolescents, son utilisation nécessite une vigilance particulière. D’abord, il existe des effets secondaires courants, que beaucoup de jeunes ressentent au début du traitement : 

Aussi, les antidépresseurs de la famille des ISRS (dont fait partie le Prozac) peuvent, chez certains jeunes, provoquer paradoxalement une augmentation transitoire des idées suicidaires, en particulier dans les premières semaines.

Dans quels cas le Prozac peut-il être utile ?

En pratique, la fluoxétine peut entrer en jeu lorsque la dépression de l’adolescent est suffisamment profonde pour altérer sa vie quotidienne : 

Dans ces formes modérées à sévères, un traitement médicamenteux peut offrir un levier supplémentaire, surtout si la souffrance émotionnelle est trop intense pour que la thérapie avance seule.

Le Prozac peut également être envisagé lorsqu’une psychothérapie bien menée n’a pas permis d’obtenir d’amélioration notable. Les pédopsychiatres ne le prescrivent jamais en première intention, mais parfois, malgré plusieurs semaines, voire plusieurs mois, d’accompagnement psychologique, l’adolescent reste “bloqué” dans un état dépressif profond. Le médicament devient alors un outil complémentaire, jamais un remplacement du suivi psychologique.

Dépression : quelles alternatives au Prozac pour aider un adolescent ?

Avant d’envisager un antidépresseur, les recommandations françaises privilégient la psychothérapie. C’est le traitement de première intention, celui qui a les meilleures preuves d’efficacité chez les jeunes, surtout lorsque la dépression est légère ou modérée.

Plusieurs approches existent, et chacune apporte des outils différents :

  • La thérapie cognitive et comportementale (TCC) : c’est l’une des méthodes les mieux étudiées. Elle aide l’adolescent à repérer ses pensées négatives, à comprendre leurs mécanismes et à développer des façons plus adaptées de réagir. C’est une approche très concrète, souvent rassurante pour les jeunes.
  • La thérapie interpersonnelle : elle se concentre sur les relations du quotidien avec les parents, les amis, les enseignants. Comme les conflits, l’isolement ou les tensions sociales peuvent aggraver une dépression, travailler ces aspects peut être un véritable levier d’amélioration.
  • Le suivi psychologique régulier : ce n’est pas une “technique” en soi, mais c’est essentiel. Être vu chaque semaine, dans un cadre stable et sécurisant, permet au jeune d’exprimer ses émotions, de se sentir soutenu et d’être surveillé de près en cas d’aggravation.
  • L’accompagnement familial : la dépression d’un ado ne se traite jamais seul. Expliquer ce qu’il traverse, adapter le climat à la maison, apprendre à repérer les signes d’alerte… tout cela fait partie du soin. Une famille bien informée est souvent un facteur de protection majeur.

Pour les dépressions légères à modérées, ces approches seules suffisent la plupart du temps. Elles permettent non seulement de réduire les symptômes, mais aussi d’aider le jeune à comprendre ce qu’il traverse et à reconstruire des repères solides pour la suite.

La question n’est pas d’interdire le Prozac, mais plutôt de mieux comprendre dans quelles situations il peut vraiment avoir une utilité et dans lesquelles il risque d’apporter plus de confusion que de bénéfices.

Aujourd’hui, l’enjeu n’est pas de diaboliser la fluoxétine, mais de l’utiliser avec méthode et discernement. Cela implique :

  • de sélectionner avec soin les cas où un médicament est réellement nécessaire, notamment dans les dépressions sévères ou lorsqu’un jeune n’avance plus malgré une thérapie bien menée ;
  • d’être totalement transparent sur les limites du Prozac, pour que les familles sachent à quoi s’attendre ;
  • de surveiller étroitement l’adolescent dès le début du traitement, car les premières semaines peuvent être sensibles, tant sur le plan émotionnel que comportemental ;
  • de rappeler que la psychothérapie reste la pierre angulaire du traitement, accompagnée d’un vrai soutien familial, scolaire et social.

Le Prozac n’est ni un “mauvais” médicament, ni un remède miracle. C’est un outil thérapeutique qui peut rendre service, à condition d’être utilisé dans le bon contexte, avec un suivi sérieux, et jamais comme seule réponse à la souffrance d’un jeune.

À SAVOIR 

Le mal-être des jeunes n’a jamais été aussi élevé en France. Un quart des 15-29 ans se disent en dépression, et plus d’un tiers déclarent des épisodes d’anxiété importants. Les pensées suicidaires, elles, concernent près d’un jeune sur trois.

Inscrivez-vous à notre newsletter
Ma Santé

Article précédentNon, les ondes du téléphone ne provoquent pas de cancer 
Marie Briel
Journaliste Ma Santé. Après un début de carrière en communication, Marie s’est tournée vers sa véritable voie, le journalisme. Au sein du groupe Ma Santé, elle se spécialise dans le domaine de l'information médicale pour rendre le jargon de la santé (parfois complexe) accessible à tous.

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici