C’est le grand débat de la rentrée : l’interdiction des téléphones dans les écoles et collèges divise les Français. En France, près d’un collégien sur cinq consulte son téléphone pendant les cours, et l’on sait parfaitement aujourd’hui qu’une utilisation excessive à de lourdes répercussions sur la santé mentale et physique des jeunes. Fatigue, déconnexion de la réalité, harcèlement, décrochage scolaire… La Lyonnaise Marie-Alix Leroy, confrontée au problème en tant que maman, a longtemps prêché dans le désert, créant notamment un groupe Facebook “Parents unis contre les smartphones avant quinze ans” de plus en plus suivi pour dénoncer ce phénomène. À l’heure d’une certaine prise de conscience, qui se traduit notamment par une expérimentation de l’interdiction totale des téléphones dans 200 collèges témoins, elle profite de la rentrée scolaire pour rappeler les grands dangers des smartphones, sur le plateau de l’émission Votre Santé du mardi 3 septembre 2023.
Ça y est, enfin… Sur le front des smartphones à l’école, au collège et au lycée, la parole semble peu à peu se libérer. De nombreux enseignants confirment en effet que l’utilisation excessive des smartphones aggrave les performances scolaires et les problèmes de concentration. Manque de sommeil, épuisement, cyberharcèlement, addiction à la pornographie… La liste des dangers s’allonge, les effets sur la santé mentale et physique sont terribles et certains, face à la catastrophe sanitaire engendrée, évoquent même une “génération perdue”, 96 % des 12-17 ans possédant un téléphone mobile (contre 91% en 2020).
Retrouvez ici notre enquête “Écrans et smartphones : les nouveaux fléaux qui ravagent les collèges”, parue en 2021 dans le magazine Ma Santé.
Le chemin est encore long pour ce nécessaire rétropédalage, mais certains signes ne trompent pas. La Suède, championne du monde du tout écran à l’école et où les enfants accèdent à leur premier smartphone dès 6-7 ans, est aussi l’un des premiers pays à faire machine arrière en supprimant les tablettes dans les écoles.
Cette mesure, annoncée en 2023, a néanmoins de la peine à se concrétiser et les livres, papiers et crayons peinent à refaire surface, signe que les bonnes intentions mettront un temps fou à émerger.
Dangers des écrans et des smartphones : ça bouge, mais ce sera très long
En France, la décision d’interdire les smartphones dans les collèges à partir de cette rentrée 2024 est une autre illustration de cet immobilisme regrettable. D’abord parce que les smartphones y sont déjà interdits (depuis 2018 !), mais que cette règle n’est que très peu respectée, et aussi parce que l’expérimentation lancée dans 200 collèges du pays se heurte à certaines oppositions.
Plusieurs départements (les collectivités gestionnaires des collèges en France) refusent en effet de prendre en charge le lourd investissement de la mesure, qui prévoit la mise en place de casiers où les élèves enfermeraient leurs smartphones avant le début des cours. Selon les “réfractaires”, pas forcément opposés sur le fond, c’est plutôt la manière qui interpelle : cette “pause numérique” annoncée fin août par le gouvernement n’a pas fait l’objet d’une concertation avec le terrain, et les collèges réclament surtout des moyens humains pour y remédier.
Reste que ce test, s’il est concluant, serait généralisé à l’ensemble des établissements dès 2025. Avec l’aval, semble-t-il, des parents, en première ligne pour constater les dégâts.
Selon le dernier baromètre Harris Interactives par Midelca sur les usages des écrans et leurs problématiques associées, 84% des Français sont désormais prêts à renoncer à l’achat d’un smartphone avant 11 ans, et 69% avant 13 ans. 73% sont partisans d’une interdiction des réseaux sociaux avant 15 ans. Enfin, 90% des Français sont favorables à la suppression des écrans en crèche et 88% à l’école maternelle.
Smartphones avant 15 ans : “il est important d’apprendre à dire non”

Marie-Alix Leroy a fondé le groupe Facebook “Parents unis contre les smartphones avant 15 ans” en 2019. Le groupe compte aujourd’hui plus de 20 000 membres et ne cesse de s’étoffer. Ce qui fait de cette Lyonnaise une interlocutrice bien placée pour évoquer le sujet et ses avancées, à l’occasion de cette nouvelle rentrée scolaire. Mardi 3 septembre, elle répondait aux questions de Victoria Solano et de Pascal Auclair, rédacteur en chef du Groupe Ma Santé, sur le plateau de l’émission Votre Santé, sur BFM TV Lyon.
Comment vous est venue l’idée de créer l’association “Parents unis contre les smartphones avant quinze ans” ?
C’est lié à mon expérience personnelle avec mes enfants. Un soir, ma fille m’a demandé ce que signifiait le mot “sucer le bip”. C’est à ce moment-là que j’ai brutalement pris conscience des méfaits des smartphones. Après enquête, j’ai découvert que cela venait d’un petit garçon qui avait regardé du contenu pornographique avec son cousin en sixième, et qui avait ensuite demandé à sa petite copine de l’époque de reproduire ce qu’il avait vu. C’est ainsi que ma fille m’a rapporté les faits.
Est-ce à la suite de cela que vous avez décidé de créer un groupe Facebook pour en discuter ?
Oui, je me suis dit qu’il fallait rassembler les parents pour réussir à dire non face à ceux qui acceptent les smartphones dès l’entrée en sixième, afin de ne pas isoler ma fille. Puis le groupe a rapidement pris une ampleur nationale.
Quelles sont les conséquences néfastes de cet usage excessif ?
Cela dépend du sexe. Chez les garçons, c’est principalement l’addiction aux jeux vidéo, souvent joués en cachette sur les smartphones. Pour les filles, c’est la comparaison sur les réseaux sociaux comme Instagram, qui peut mener à la dépression. Le cyberharcèlement touche tout le monde, tout comme l’accès à la pornographie et le décrochage scolaire. On observe également une incapacité à se concentrer plus de cinq minutes, ainsi que de nombreux autres effets délétères.
Faut-il retarder l’âge du premier téléphone portable ?
Lorsque je parle de téléphone, je fais référence aux smartphones, qui offrent un accès à Internet. On peut également choisir un téléphone à touches, qui permet d’envoyer des textos et de passer des appels, mais sans accès à Internet. C’est en ligne que se trouvent principalement les dangers.
Donc, un téléphone sans Internet pour envoyer des messages seulement, à partir de quinze ans ?
Un téléphone à touches peut être donné dès l’entrée en sixième pour les parents qui souhaitent rester connectés avec leurs enfants.
Quelles limites faudrait-il ensuite mettre en place ?
Pour ma fille, qui a maintenant quinze ans, je n’avais pas imposé de limites au début, mais j’ai rapidement dû rectifier la situation en mettant en place des règles strictes, ce qui a amélioré ses résultats scolaires. Sa moyenne a augmenté de deux points. Elle a compris que le smartphone la déconcentrait pendant ses moments de travail et accepte désormais le contrôle parental.
La généralisation des smartphones à l’école ne crée-t-elle pas des conflits familiaux lorsque les parents les interdisent ?
C’est peut-être la principale source de conflit entre parents et enfants, mais il y a toujours d’autres sources de tensions, comme le refus d’acheter des baskets à 400 €. Il est important d’apprendre à dire non et à rester ferme, même si c’est difficile.
L’interdiction des smartphones dans 200 établissements en France, y compris notre région, est-elle suffisante ou faut-il aller plus loin ?
L’interdiction existe déjà depuis quelques années, mais elle n’est pas toujours respectée. Dans l’école de mes enfants, certains élèves se transforment en paparazzis en classe, enregistrent les professeurs ou se cachent dans les toilettes pour utiliser leur téléphone. Laisser les téléphones à l’entrée de l’école pourrait être une solution, mais je ne pense pas que ce soit suffisant.
Selon vous, quelle serait la meilleure solution ?
À mon avis, il serait préférable de brouiller le signal dans les écoles.
Quelle est la position des enseignants sur cette question ?
Pour eux, c’est également un problème majeur. Ils ont beaucoup de mal à capter l’attention des élèves en raison de l’omniprésence des téléphones, malgré l’interdiction. C’est très difficile à gérer pour eux.
Retrouvez ici le replay de l’émission Votre Santé du mardi 3 septembre 2024 sur Ma Santé TV.
À SAVOIR
L’association “Parents unis contre les smartphones avant quinze ans” compte actuellement entre 20 000 et 22 000 membres sur son groupe Facebook.