La recherche, en France, est confrontée à un manque crucial de modèles suffisamment pertinents pour prédire l’efficacité des traitements pour les maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson. Les tests réalisés sur les animaux ne sont pas fiables pour les humains. La solution pourrait venir de Lyon, place-forte en matière d’innovation santé, où un projet est actuellement en développement pour créer de nouveaux médicaments pour ces maladies en utilisant des cellules humaines. Cette avancée scientifique majeure permettrait de limiter le besoin de tests sur les animaux et d’améliorer la qualité des modèles précliniques pour ces maladies. Explications, avec les initiateurs de ce projet prometteur.
Les maladies d’Alzheimer et Parkinson sont complexes et dont de sérieux noeuds aux cerveaux des chercheurs. L’une des raisons principales ? Le fait d’utiliser des rongeurs comme modèles pour étudier les maladies neurodégénératives. Le problème est qu’ils ne présentent pas les mêmes altérations cellulaires que les humains atteints de ces maladies. Par conséquent, les résultats obtenus à partir de tests sur des rongeurs ne sont pas toujours prédictifs de l’efficacité des traitements chez l’homme.
La société lyonnaise NETRI et l’entreprise ETAP-Lab se sont penchées sur la question. Leurs équipes ont décidé de collaborer pour mettre en commun leurs compétences complémentaires. Ils cherchent à développer des modèles précliniques plus précis et plus qualitatifs. En effet, ils utilisent des cultures de cellules humaines, afin de mieux comprendre et traiter les maladies neurodégénératives. Ils se concentrent sur les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, qui touchent des millions de personnes en France et dans le monde.
Limiter les animaux dans l’industrie pharmaceutique
Un des objectif de ce projet baptisé BIO-DIAMOND est de réduire l’utilisation des animaux dans le développement de l’industrie pharmaceutique. « Depuis 50 ans, on développe des médicaments de manière industrielle. Le schéma classique était d’utiliser une expérimentation animale (rongeurs, lapins, rats…) avant de passer à l’homme en phase clinique », explique Thibault Honegger, co-fondateur de NETRI, start-up lyonnaise qui développe des technologies innovantes dans le secteur de la santé et du bien-être.
En effet, les méthodes classiques in vitro et in vivo ne sont pas suffisantes pour imiter complètement la complexité des maladies neurodégénératives chez l’homme. « On s’est aperçu que les cellules d’un rongeur ne sont pas du tout les mêmes que celles d’un humain. C’est pour cela que depuis une dizaine d’années, on développe des méthodes alternatives qui permettent d’utiliser des cellules humaines pour prédire l’efficacité », poursuit Thibault Honegger.
La médecine devient de plus en plus précise. Ce qui rend le modèle animal de moins en moins adapté pour la recherche. En effet, pour les maladies neurodégénératives et autres troubles cérébraux (Alzheimer, Parkinson), l’utilisation des animaux présente clairement des limites. Malgré tout, « pour certaines pathologies, l’animal reste un bon modèle », ajoute Nicolas Violle, le PDG d’ETAP-Lab, une société de recherche proposant des modèles précliniques aux entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques.
Alzheimer-Parkinson : « faire de meilleures prédictions »
Au cours de ces dernières années, de nouvelles technologies ont émergé, offrant progressivement la possibilité de réaliser un travail plus efficace en utilisant moins d’animaux. La start-up NETRI se sert de modèles sans animaux et intègre des cellules humaines pour répondre à des besoins, notamment en neurologie où les lacunes sont importantes. « NETRI utilise des dispositifs qui permettent d’assembler des cellules humaines à l’identique de ce qui se passe dans le corps humain. Ils cultivent ces cellules et nous, on les rend malade », affirme Nicolas Violle. « Nos compétences associées vont permettre d’avoir un modèle complet ».
La collaboration entre NETRI et ETAP-Lab pour le projet BIO-DIAMOND représente un intérêt stratégique important pour les industries pharmaceutiques. Le processus de mise sur le marché d’un nouveau médicament peut prendre jusqu’à une dizaine d’années, depuis la phase conceptuelle jusqu’à la commercialisation. D’où l’importance de développer des modèles plus performants permettant de faire des prédictions plus précises et de réduire le temps nécessaire.
Objectif : 20 médicaments en 2030
Le projet de Thilbault Honegger et Nicolas Violle se concentre dans un premier temps sur la maladie d’Alzheimer. Ils ont pour objectif de développer un produit fonctionnel dans les huit mois à venir. « C’est un délai très court dans le monde pharmaceutique », explique Thibault Honegger. Le projet, d’un coût total de cinq millions d’euros, est financé à hauteur de 45% par le gouvernement.
L’objectif des deux entreprises est de produire vingt médicaments d’ici 2030. Afin d’augmenter la cadence de production, NETRI construit une usine de 2 000 m2 dans le quartier de Gerland, à Lyon.
À SAVOIR
NETRI a été fondée en juin 2018 à Lyon et emploie actuellement 49 collaborateurs. L’entreprise vise à atteindre un effectif de 70 salariés d’ici la fin de l’année et de 150 en 2024.